Emeutes des gens du voyage: le maire de Moirans dénonce des "événements intolérables"

Mise à jour 11h30: la juge d'application des peines d'Albertville a refusé la demande de sortie "sous escorte" du détenu pour assister aux obsèques de son frère. Dans la foulée de cette décision, la mère du détenu et de l'adolescent mort a indiqué à l'AFP qu'elle annulait les funérailles, initialement prévues à 14h ce mercredi.
Le calme est revenu au cours de la soirée. Mardi après-midi, une centaine de personnes appartenant à la communauté du voyage, armées de barres de fer, ont bloqué pendant plusieurs heures le quartier de la gare à Moirans, dans l'Isère, brûlant des carcasses de voitures et des palettes, saccageant un restaurant et bloquant la route et les voies SNCF.
> La communauté dans l'attente du verdict de la justice
La colère des gens du voyage a suivi un premier refus de la justice d'accorder une permission de sortie sans escorte à deux membres de la communauté, incarcérés à la prison d'Aiton, en Savoie, pour assister aux obsèques prévues ce mercredi de leur frère et cousin, mort samedi dernier dans un accident de la route.
Ce refus, formulé par la juge d'application des peines de Chambéry a été confirmé ce mercredi matin à 8 heures par la Présidente de la Chambre de l’application des peines à la Cour d’appel de Chambéry. La juge d'application des peines d'Albertville étudie désormais une demande d'autorisation de sortir sous escorte, c'est-à-dire encadrée par des gendarmes, sur laquelle elle doit statuer dans la matinée. Sa décision est attendue vers midi, ce mercredi. (actualisation à 11h30: la juge a refusé la demande de sortie sous escorte).
Le préfet de l'Isère, Jean-Paul Bonnetain, a indiqué ce mercredi matin que les autorités se préparent "à tous les scénarios", après les émeutes de mardi. "La justice doit décider indépendamment et pas sous la pression de la rue. Si le garçon sort, ça sera de notre responsabilité qu'il retourne en prison", a-t-il ajouté.
> Le bilan des violences
Mardi, vers 20 heures, la centaine de gendarmes déployés sur place est parvenue à reprendre le contrôle de la situation. Au total, cinq véhicules ont été incendiés, un restaurant a été détruit, et une école et une MJC ont été évacuées dans l'après-midi par mesure de précaution. La gare de Moirans a aussi été saccagée, et les chemins de fer endommagés. Le dispositif de sécurité a été maintenu durant la nuit. Malgré un retour au calme, 180 gendarmes mobiles se relaient sur la zone ce mercredi, auxquels s'ajoutent une cinquantaine de gendarmes du groupement départemental de l'Isère.
Aucune interpellation n'a eu lieu dans la nuit. "On a fait de l'ordre public", mais "des consignes ont été données pour effectuer un maximum de photos et de vidéo avec le souci d'identifier et de poursuivre" les instigateurs des émeutes, a souligné le préfet de l'Isère.
Au moment des violences, une mutinerie a éclaté à la prison d’Aiton, en Savoie, où sont incarcérés les deux hommes qui demandent une permission de sortie. L’administration pénitentiaire a fait savoir que tout était rapidement rentré dans l’ordre et qu’il n’y avait pas eu de blessés. Par ailleurs, une dizaine de voitures ont été incendiées mardi soir à Voreppe, une commune iséroise située près de Moirans. Ces évènement ont un lien avec les violences commises à Moirans, qui est située à 7 kilomètres de Voreppe, a estimé le maire.
Dans la soirée de mardi, un groupe d'une dizaine de gens du voyage de Moirans a menacé de commettre à nouveau des violences, si la permission de sortie n'était pas accordée au frère de la victime.
> Le maire dénonce une attitude "intolérable"
Invité à réagir ce mercredi matin sur BFMTV, le maire de la commune de Moirans, Gérard Simonet, a indiqué que l'étendue des dégâts est pour l'heure difficile à évaluer. "On ne peut pas encore chiffrer exactement les dégâts car ils ont eu lieu sur la commune mais également sur des axes départementaux, sur des installations SNCF, et chez des particuliers", a-t-il expliqué.
"Il y a deux choses à différencier. La première, c'est la cause de ces événements intolérables. La cause est une décision de justice, je ne reviendrai pas là-dessus car la justice doit être indépendante dans ce pays," a fait valoir l'élu. "Mais l'indépendance ne signifie pas qu'elle ne devait pas rendre des comptes, et la seule chose que j'ai à dire, c'est que l'on aurait pu, nous les élus locaux, être avertis de la décision prise, pour anticiper auprès de ces personnes et essayer de négocier, aller voir comment on pouvait faire".
Et le maire de pointer du doigt l'attitude des membres de la communauté du voyage. "La méthode choisie par ces voyageurs sédentaires pour riposter. C'est intolérable. On n'a pas le droit dans une démocratie de voir des choses comme cela. (...) Je n'ai qu'un seul regret, c'est que les forces de l'ordre aient mis si longtemps à intervenir", a indiqué Gérard Simonet.
De son côté, le Premier ministre Manuel Valls a dénoncé dans la soirée, sur Twitter, des "violences inadmissibles". "Face aux violences inadmissibles commises à Moirans, une seule réponse: la fermeté et le rétablissement de l'ordre républicain", a tweeté le chef du gouvernement.
> La famille accuse la justice
Interrogée par BFMTV mardi soir, Adèle Vinterstein, la mère de l'adolescent mort et du détenu, a expliqué avoir tout fait pour obtenir une permission de sortie pour son autre fils.
"Depuis samedi, j'ai appelé toutes les personnes possibles, que ce soit juge, avocat, SPIP (le Service pénitentiaire d'insertion et de probation, NDLR), prison, pour demander que mon fils qui est incarcéré puisse assister aux funérailles de son petit frère. En sachant que j'ai demandé une escorte, je n'ai pas demandé à ce que mon fils sorte comme ça. J'ai demandé à ce qu'il sorte avec une escorte, même avec des boulets aux pieds s'il fallait, des menottes aux mains", a-t-elle raconté.
"Si je dois repousser l'enterrement de mon fils demain, je vous le dis honnêtement, ce qu'il s'est passé aujourd'hui, je ne l'ai pas demandé. Mais j'attends demain. Il se passera ce qu'il se passera. Je n'ai plus rien à perdre, absolument plus rien à perdre", a-t-elle par ailleurs menacé.
> Obsèques à 14h ce mercredi
Les obsèques du jeune homme auront lieu ce mercredi à 14 heures, comme prévu initialement, ce qui sembler laisser peu de chance à son frère détenu de pouvoir y assister.
"Les obsèques se tiendront aujourd'hui à 14 heures à l'église de Moirans. Des forces de l'ordre seront donc déployées aussi en centre-ville, ce qui n'était pour l'instant pas le cas", a annoncé Franck Longo, directeur de cabinet du maire de la ville. (actualisation à midi: après le nouveau refus de la justice, Adèle Vinterstein a indiqué à l'AFP avoir l'intention d'annuler les obsèques)