"Des défaillances à tous les niveaux": enquête judiciaire à Metz après la mort d'un bébé en 2020 à l'hôpital

Le CHR Metz-Thionville, hôpital de Mercy, en 2021. - JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Une enquête judiciaire est en cours à Metz sur les circonstances de la mort en 2020 d'un bébé de deux mois à l'hôpital, après la plainte de ses parents et un rapport d'expertise dénonçant des "défaillances à tous les niveaux".
Hospitalisé pour une méningite grave, le petit Eden est décédé le 30 avril 2020 après son transfert de Metz vers l'hôpital de Nancy. Le jour de sa mort, l'enfant avait été laissé sans couverture sous une climatisation, dans une salle de réanimation non adaptée aux nourrissons, a raconté à l'AFP son père, Yanis Debbiche.
L'enfant est mort "frigorifié"
L'enfant est mort "frigorifié" dans les bras de son père, et les parents ont porté plainte contre X en mars 2023, devant le tribunal judiciaire de Metz, pour homicide involontaire, non assistance à mineur en danger et mise en danger de la vie d'autrui, a indiqué jeudi leur avocat, Rudyard Bessis.
L'affaire est en cours d'instruction, et la procédure pourrait être "extrêmement longue", jusqu'à trois ans, a-t-il ajouté.
Les parents, qui "souffrent profondément", dénoncent les "conditions inacceptables" de la prise en charge de leur enfant, insiste Me Bessis. Selon lui, des médecins "indolents" n'ont "pas pris au sérieux les demandes de la famille, ce qui a abouti à un décès au-delà du dramatique".
Sollicité par l'AFP, le parquet de Metz n'a pas confirmé dans l'immédiat l'avancée de la procédure.
L'hôpital dit collaborer
Le centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville a affirmé pour sa part, dans un communiqué, que "toutes les compétences du CHR ont été mobilisées jusqu'au transfert du bébé."
"Depuis le drame, l'établissement collabore pleinement à l'éclaircissement des circonstances du décès. Cependant, s'agissant d'une instruction judiciaire en cours, incluant notamment une nouvelle expertise, le CHR ne peut se livrer à aucun commentaire", a-t-il indiqué.
Une première procédure, devant le tribunal administratif de Strasbourg, a permis à la famille d'obtenir un rapport d'expertise qui a mis au jour des "erreurs monumentales sur toute la chaîne", souligne M. Debbiche, 38 ans, qui habite Hayange près de Thionville.
"Personne ne s'est inquiété"
"Il y a eu défaillance à tous les niveaux de la prise en charge et à tous les points de vue, à un moment ou un autre, dès avant la naissance et sur les 71 jours de vie", conclut cette expertise dont l'AFP a eu connaissance. Les manquements concernent le "conseil génétique", l'"information" des parents, la "recherche diagnostique" et la "démarche médicale, scientifique, humaine et déontologique", fustige le rapport.
A sa naissance, Eden, troisième enfant de la famille, ne pèse que 2,2 kg, et n'a "pas de cheveux, pas de cils, pas de sourcils", raconte son père, qui a une formation de juriste et travaille dans la finance au Luxembourg. Avec son épouse, il soupçonne alors un déficit immunitaire lié à une maladie génétique rare dont souffre leur fille aînée - sans que celle-ci n'ait été formellement diagnostiquée.
Pourtant, parmi les médecins, "personne ne s'est inquiété", déplore M. Debbiche, qui estime n'avoir été ni écouté, ni pris au sérieux.
Des symptômes alarmants
Les semaines passant, l'état du bébé s'aggrave: son cordon ne tombe pas, signe probable selon le père d'un déficit immunitaire, mais les médecins "ignorent" cette hypothèse.
Le 30 avril 2020, Eden, dont les symptômes sont alarmants, est pris en charge pour une méningite. Mais les déconvenues s'accumulent, déplore le père, qui dénonce une "désorganisation complète", une mauvaise transmission des symptômes par le Samu, un médecin urgentiste nonchalant, un retard de prise en charge... "Tout le monde s'est un peu reposé sur tout le monde", commente-t-il.
Cinq ans plus tard, les parents souhaitent "que les fautes des uns et des autres soient reconnues", insiste leur avocat, Me Bessis. Le juge d'instruction en charge du dossier a demandé une nouvelle expertise, toujours en cours à ce stade, selon lui.