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Dax: une mère accusée d'avoir empoisonné ses deux filles, renvoyée aux assises

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Maylis Daubon a été renvoyée devant la cour d'assises des Landes pour l'empoisonnement de ses deux filles, dont l'une d'entre elles est décédée. La mère de famille a fait appel de ce renvoi.

Antidépresseur, neuroleptique, hypnotique, anxiolytique, antihypertenseur... Quand Enea est morte le 19 novembre 2019, son organisme comportait pas moins de 20 molécules différentes. La jeune fille, qui présente des marques de scarification sur les bras, s'est-elle suicidée? Un médicament, un bêta-bloquant, le Propranolol, est à l'origine du décès, mais les autres substances ont été ingérées dans les mois précédents. Un élément qui pour la justice caractérise un empoisonnement.

C'est pour ces faits que sa mère Maylis Daubon pourrait être jugée par la cour d'assises des Landes pour l'empoisonnement d'Enéa mais aussi de sa deuxième fille, et pour la tentative de meurtre sur le père de ses enfants. La mère de famille a fait appel de ce renvoi, et le dossier est désormais entre les mains de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau.

Une mère "mythomane"

Si procès il y a, ce devrait être celui d'une mère archi possessive, presqu'abusive, mais pas que. La personnalité complexe de Maylis Daubon sera au coeur des débats. Les expertises psychiatriques réalisées sur cette femme aujourd'hui âgée de 52 ans ont exclu toute anomalie mentale ou psychique mais relèvent comme hypothèse un syndrome de Münchhausen par procuration. A savoir, un trouble très rare, qui consiste à simuler une maladie, ou la provoque.

Dans le cas de Maylis Daubon, elle aurait projeté ce trouble sur ses deux filles, inventant des maladies à Enéa et sa cadette, pour exister socialement. Des témoignages ressortent des traits de caractère peu flatteurs: "mythomane", "menteuse", "théâtrale". "Un profil psychologique complexe, avec des difficultés face aux contraintes et frustrations tant sociales que intimes", note l'expert psychologue, nommé par la juge d'instruction.

Maylis Daubon pouvait se présenter comme professeur à la Sorbonne, ancien Casque bleu à Sarajevo, à l'origine de la construction d'une centrale nucléaire ou encore veuve d'un mari tué par les FARCS. "Du plus petit détail du quotidien aux grandes lignes de sa vie, tout est mensonge", confie, ému, à BFMTV Yannick Reverdy, l'ex-mari de Maylis Daubon et père de ses deux filles.

Un père "sali"

Elle n'était pour autant rien de tout ça. Elle épouse Yannick Reverdy, handballeur professionnel, en 2000. Le couple se sépare neuf ans plus tard. Depuis elle ne cesse de l'accuser de violences, qui n'ont jamais pu être démontrées. Un ancien compagnon qu'elle accuse de tous ses malheurs. De cette haine, elle a, selon la justice, tout fait pour isoler ses filles, exerçant sur elles une emprise. Elles même finissant pas rejeter leur père.

Pendant dix ans s'engage un bras de fer entre Maylis Daubon et son ancien mari. Dès les premiers mois, pour épargner ses filles, Yannick Reverdy accepte de renoncer à ses droits. "Elle m'avait prévenu, elle m'avait dit: 'Si tu me quittes, tu ne reverras pas mes enfants'", témoigne Yannick Reverdy. "A partir de là, tout est fait pour m’évincer de la vie de mes enfants. Je vais être sali, disqualifié, l’image du père va être gommée. Elle va se servir de nos enfants comme de petits soldats pour m’atteindre."

"Elles ont été utilisées au détriment de leur bon développement."

12 médecins vue en deux ans

D'Enéa, tout juste 18 ans au moment de son décès, Maylis Daubon dépeignait une jeune fille dépressive. A des voisins à Dax, la mère de famille avait dit que sa fille était atteinte d'une leucémie. A d'autres, elle ne faisait que relever la fragilité de son enfant, sujette aux virus, ne cessant de rappeler qu'Enéa était née prématurée. La mère de famille est persuasive, elle dispense des conseils médicaux, elle convainc des médecins de lui prescrire des médicaments.

Enéa.
Enéa. © DR

Sur une période de deux ans, la jeune fille avait consulté 12 médecins, 30 tout au long de sa vie. Pour justifier ses 50 jours d'absence lors de sa dernière année de scolarisation au lycée, elle évoquait les migraines handicapantes dont souffraient sa fille. "Je m’alerte, je vois très bien qu’on va droit à la catastrophe", déplore le père d'Enéa. "Chaque médecin y va de sa prescription, on a pléthore de molécules." Il y a bien des alertes de la justice, des services sociaux en 2012, 2014 ou 2018, mais "aucune décision n'est prise, Enéa a été condamnée", souffle Yannick Reverdy.

Ce sont ces migraines qui ont justifié la prise du Propranolol retrouvé en grande quantité dans le sang d'Enéa après son décès. Il lui avait bien été prescrit par un médecin, mais la dernière ordonnance datait d'un an avant son décès. Comment ce médicament s'est retrouvé dans le corps de la jeune alors qu'aucune boîte n'a été découvert au domicile qu'elle partageait avec sa mère et sa fille? Pourtant pas moins de 48 boîtes de médicaments, flacons ou encore crèmes y ont été retrouvés dans chaque pièce de la maison.

Parmi les molécules retrouvées dans le sang d'Enéa, certaines lui avaient été prescrites. Des infirmiers se présentant chaque jour pour donner à la jeune fille son traitement, prescrit par un psychiatre. D'autres n'auraient pas dû être retrouvées dans l'organisme d'Enéa. Il est acquis par les enquêteurs qu'elle a pu modifier les posologies. La juge d'instruction estime que dans un premier temps Maylis Daubon a pu exercer une "soumission chimique" sur sa fille, l'empoisonnement aurait pu lui être causé par les désirs d'émancipation d'Enéa. A l'aune de ses 18 ans, la jeune fille parlait de projets, désirait être rescolarisée.

"Au mois de novembre 2019, quand je suis venue lui dire au revoir, je me suis excusée de ne pas avoir pu la sauver, confie avec émotion Yannick Reverdy. "Je ne pouvais pas faire plus, si ce n’est de me mettre dans l’illégalité."

Pour la justice, Maylis Daubon a reproduit le même schéma sur sa cadette. Dans son organisme aussi, de nombreuses substances médicamenteuses ont été retrouvées. "Les prescriptions médicales ne sont pas cohérentes avec les molécules révélées par l'analyse toxicologique des cheveux de" la jeune fille de 17 ans au moment de la mort de sa soeur, écrit la juge. Un temps placé sous le statut de témoin assisté, tout comme un jeune homme qui vivait avec son frère, petit-ami d'Enéa, chez Maylis Daubon, la cadette a été écartée des poursuites. Ils étaient présents le jour du malaise d'Enéa.

De cette "haine" éprouvée par Maylis Daubon à l'encontre de son ancien mari, la juge retient également à l'encontre de la quinquagénaire la tentative d'assassinat à l'encontre de Yannick Reverdy. A une co-détenue, elle lui a donné de l'argent et de la nourriture lui expliquant qu'il y aurait une contre-partie à la sortie de prison. A une autre, elle lui a demandé de mettre à disposition son puits pour cacher le corps. A toutes, elle évoquait le projet de payer en cryptomonnaie un tueur à gages.

Maylis Daubon nie l'ensemble des faits pour lesquels elle reste aujourd'hui mise en examen.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV