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Police-Justice

Châteaudun : en cavale, un prisonnier refuse de rentrer par peur des violences

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Depuis 22 jours, un détenu de la prison de Châteaudun est en cavale suite à une permission. Sur RMC, il dit souhaiter rentrer en prison mais craint pour sa vie, menacé par d’autres prisonniers pour leur avoir tenu tête.

C’est un cas assez rare : un détenu qui veut retourner en prison… mais affirme qu’il ne peut pas. C’est le cas, pourtant, de Stéphane Raye, 35 ans, en cavale depuis 22 jours. Condamné à 18 mois ferme au centre de détention de Châteaudun pour récidive de conduite en état d'ivresse, il dit avoir été brutalisé par ses codétenus pour avoir refusé de ramener de la drogue de permission. Depuis, il a eu droit aux passages à tabac, aux menaces sur sa famille. Alors, lors de sa dernière permission, il a décidé de ne pas rentrer par crainte pour sa vie et demande à être transféré dans un autre établissement.

« Il se passe des choses abominables »

« Il y a des choses abominables qui se passent à Châteaudun, des violences physiques, témoigne Stéphane sur RMC. Ma tête a tapé contre un robinet, on m’a forcé à rentrer 125 grammes de cannabis par le rectum, on m’a dit que si je ne le faisais pas, on attrapait ma femme dans un coffre. On protège nos familles ». Et s’il reconnaît avoir commis des erreurs, le détenu en cavale estime pour autant qu’il n’a pas à subir de telles atteintes à son intégrité. « On a des surveillants qui ne font pas leur boulot, qui en ont marre, peut-être peur. Je ne suis pas un gentil garçon, j’ai fait des tas d’erreurs, mais je voudrais qu’on prenne ma requête en considération, je ne retournerai pas à Châteaudun ».

« Il faut ramener du shit, sinon il sera tabassé »

Sa femme Elisabeth, elle aussi, estime qu’il n’est « pas question qu’il retourne à Châteaudun ». Victime à son tour du choix de son mari de ne pas céder à ses agresseurs, elle affirme avoir « subi des pressions : coups de téléphone anonymes, harcèlement, « il faut ramener du shit, sinon il sera tabassé ». Au niveau du parloir, ils nous attendent sur les parkings, à moto, en voiture, on est obligés de descendre des voitures assez vite pour aller se cacher au niveau de l’accueil. C’est très dur à vivre. J’ai très peur pour lui, pour mes enfants ».

« C’est la loi du plus fort »

Selon le frère d’un autre détenu de Châteaudun qui souhaite rester anonyme, ce que racontent Stéphane et son épouse n’a rien d’étonnant. « Là-bas, ce sont les prisonniers qui font la loi, les matons ne surveillent rien du tout. Si vous n’êtes pas dans une bande, vous êtes dans la merde, isolés, vous allez servir d’esclave, avec racket, violence, viols ». Une violence que Laëtitia, surveillante à la prison de Châteaudun et déléguée Force Ouvrière, est bien obligée de reconnaître. « J’ai été frappée, balancée contre les murs, j’ai reçu des coups de pieds, de poings, raconte la jeune femme. Une bagarre de hall d’immeuble où c’est la loi du plus fort, donc forcément, vous pensez bien que nous, personnel féminin, on ne fait pas forcément le poids contre ce genre d’individus, et on en prend plein la figure ».

« Cette prison est un enfer »

Aujourd’hui, le directeur interrégional des services pénitentiaires promet à Stéphane de le changer d’établissement s’il se rend, même s’il affirme ne pas être au courant des violences à Châteaudun. Pour le délégué général de l'ONG Robin des lois, François Korber, l'administration doit pourtant cesser de fermer les yeux. « J’ai essayé de contacter le parquet en tant qu’association en disant « mettez-le n’importe où ailleurs ». On m’a dit « mais non, il finira sa peine comme ça, il ne risque rien ». C’est faux : il faut que les Français sachent que cette prison est un enfer, il y a un premier surveillant qui s’est suicidé il y a trois ans. Il y a une violence chronique, et là où c’est très grave, c’est que ça s’exerce aussi sur les familles des détenus ». Une situation qui ne semble pourtant pas si exceptionnelle. La France est, chaque année, épinglée dans de nombreux rapports pour avoir les prisons parmi les pires du monde occidental, et le contrôleur général des lieux de privation de liberté vient de dénoncer une « violation grave des droits fondamentaux » à la prison des Baumettes de Marseille. Les images parlent d’elles-mêmes. Stéphane, lui, n'a pas encore dit ce qu'il compte faire. Il ne lui reste qu'un mois à purger.

Mathias Chaillot avec Marie Dupin