"C’était le goulag": d'anciens élèves d'un collège-lycée privé du Béarn portent plainte pour violences

Le tribunal de Pau - Image d'illustration - Google StreetView
Des faits qui remontent au début des années 1980. Une enquête préliminaire a été ouverte après le dépôt de vingt plaintes d'anciens élèves d'un établissement privé des Pyrénées-Atlantiques pour des faits de violences et d'agressions sexuelles et de viol commis il y a quarante ans, a indiqué le parquet de Pau.
Les plaintes, révélées par La République des Pyrénées, portent "principalement sur des faits de violences, mais aussi, pour cinq d'entre elles, sur des faits d'agressions sexuelles et/ou de viol", précise le procureur de la République de Pau, Rodolphe Jarry.
Ces faits auraient été commis essentiellement dans l'enceinte du collège-lycée catholique Notre-Dame de Bétharram, qui accueille environ 280 élèves, à Lestelle-Bétharram, entre Pau et Lourdes.
"Roué de coups"
Les plaintes, qui visent des religieux et des laïcs, concernent des faits pour la plupart aujourd'hui prescrits, mais "l'une des victimes n'est pas encore concernée par la prescription, donc sa plainte pourra être le support des autres", précise Alain Esquerre, plaignant et ancien élève de Bétharram de 1980 à 1985.
C'est en créant un groupe Facebook pour récolter des témoignages sur les violences subies dans l'établissement qu'il a découvert des récits d'agressions sexuelles.
"Des gens vous racontent leur détresse, des choses subies à l'âge de 10 ou 12 ans et qu'ils n'ont jamais racontées à personne. Ils se sont terrés dans leur silence alors que certains habitent à dix kilomètres de là", a-t-il confié à l'AFP.
Cet ancien élève a "subi et vu des violences physiques au quotidien" et dénonce un "mode opératoire bien rodé" dans cette institution élitiste. "Les enfants étaient traités comme du bétail", résume-t-il.
Auprès du quotidien Sud-Ouest, ce même Alain Esquerre décrit un peu plus les violences subies à cette période. "Betharram, c'était le goulag des Pyrénées", assure-t-il, détaillant une sanction nommée punition du "perron."
"Nous étions parfois en ligne sur le perron. Notre nez devait être collé au mur. Celui qui le décollait se faisait rouer de coups", se rappelle-t-il.
"Attristé"
Contacté, le responsable de l'établissement, le père Jean-Marie Ruspil, s'est dit "attristé" et juge "très regrettable que de la violence ait pu être utilisée envers des enfants et des adolescents".
"Depuis le mois de novembre, j'ai moi-même reçu des témoignages d'anciens élèves surpris pour ne pas dire choqués", qui "regrettent que ne soient pas mis en lumière les bons souvenirs d'anciens", ajoute-t-il.
Ces plaintes seront aussi déposées devant la Commission reconnaissance et réparation de l'Église, créée pour les victimes d'abus sexuels dans l'Église.
En 2017, une enquête canonique avait déjà été menée par l'Évêché de Bayonne, après la dénonciation d'abus sexuel commis sur un ancien élève, âgé de 10 ans au moment des faits qu'il dénonçait, par un prêtre. L'enquête de l'Église avait conclu à un non-lieu. Le religieux s'était donné la mort en 2000.