Braquages dans les boutiques de luxe: qui sont les malfaiteurs?

Dix personnes ont été arrêtées lundi matin à Paris et en région parisienne pour les braquages de magasins de luxe Chanel et Chopard, survenus respectivement en mai et décembre derniers. En mai, trois hommes armés avaient fait irruption dans la boutique Chanel Joaillerie de l'avenue Montaigne à Paris, emportant un butin conséquent. Son montant, estimé par la police à "plusieurs centaines de milliers d'euros", n'avait jamais été confirmé par l'enseigne.
En décembre, quelques semaines après les attentats de novembre, et en plein état d'urgence, c'est la boutique Chopard, située à deux pas de l'Elysée, qui avait été attaquée sans violence. Cette fois, des sources policières évoquaient un préjudice approchant le million d'euros.
Depuis fin 2015, on recense une dizaine de casses dans les boutiques de luxe de la capitale. Le 23 janvier dernier, Sébastien a vu débarquer dans son atelier deux hommes casqués et cagoulés armés pour l'un d’un pistolet, et pour l’autre d’une hache. Située dans une petite rue tranquille du 5e arrondissement de Paris, sa bijouterie ne paie pas de mine, mais dans la vitrine, les montres sont presque toutes en or massif.
Sébastien et ses employés réparent des modèles d’exception. En 15 minutes, les voleurs auront dérobé environ 150 montres: un butin de 800.000 euros.
Le 28 avril dernier cette fois-ci, c’est dans le Triangle d’or que les braqueurs vont frapper. Dans ce secteur où les loyers sont parmi les plus chers de Paris, l’avenue Montaigne compte à elle seule plusieurs dizaines de bijouterie et boutiques de luxe.
Au petit matin, la boutique Chanel est attaquée à la voiture-bélier. Les malfaiteurs ont ensuite incendié le véhicule, immatriculé en Seine-et-Marne, avant de repartir à pied puis sur un deux-roues qui les attendait plus loin.
"Un culot monstre"
Trois semaines plus tard, la même boutique est de nouveau attaquée par quatre hommes armées de fusils à pompe, d'armes de poing et de haches.
La fuite des braqueurs est filmée par des passants. En pleine journée, au milieu d’ouvriers incrédules, les hommes cagoulés sortent en trombe du magasin avec 700.000 euros de marchandises. Un complice les attend dans une voiture.
"Si on regarde les derniers braquages ces six derniers mois on en a un qui a été commis à deux pas de l'Élysée et l'autre qui a été commis à deux pas du ministère de la Justice. (...) Donc on voit quand même qu’ils ont un culot monstrueux, ces braqueurs. Mais c'est le propre du braqueur, d'ailleurs, d'avoir un culot monstre parce que celui qui n'a pas ce culot-là, il ne sera jamais braqueur", explique Frédéric Ploquin, grand reporter à Marianne, spécialiste du grand banditisme.

Des braqueurs bloqués dans un sas
Dans une autre bijouterie située près du Triangle d'or, l’histoire aurait pu se dérouler de la même façon début février. La propriétaire de la bijouterie Jean Mick a accueilli un homme vêtu d'un chapeau et d'un costume cravate.
"J'ai trouvé que c'était un petit peu en décalage par rapport à son âge", se souvient-elle. "Je l'ai accueilli, j'ai commencé à le renseigner et je l'ai fait asseoir pour lui montrer certains modèles. En regardant sur le côté j'ai vu un individu rentrer. Il a commencé à crier, donc on a compris qu'il s'agissait d'un hold-up".
Une bagarre va alors éclater entre les braqueurs et les propriétaires de la boutique. Le patron réussit à les enfermer à clef dans le sas de l'entrée. "Ils sont devenus des bêtes sauvages et ils ont commencé à casser le sas, donner des coups de pied, prendre le porte-parapluie", raconte Esther.
Armes au poing, une dizaine de policiers vont rapidement interpeller les braqueurs pris au piège.
La scène a été immortalisée par un passant.
Deux profils de braqueurs
Les braqueurs de la bijouterie Jean Mick ont 19 et 20 ans et sont issus de la banlieue parisienne, l’un d’eux est récidiviste. Il s'agit d'un profil récurrent pour les braquages de luxe.
"On a d'un côté les jeunes des quartiers, les équipes dites de cité qui donnent encore dans le braquage même si elles sont massivement impliquées dans le trafic de stupéfiants. Et après il y a toute la nébuleuse des gens de l'Est qui va de la Roumanie à la Serbie en passant par les pays baltes comme l'Estonie. Ce sont des braqueurs un peu plus aguerris", décrit Jérôme Pierrat, journaliste et écrivain, spécialiste du crime organisé.
En octobre 2013, la bijouterie Vacheron Constantin avait été braquée par une équipe de Roumains utilisant la technique dite du vol de moineaux. Pour semer la pagaille, une dizaine hommes avaient attaqué en même temps la bijouterie. Ils étaient repartis avec 36 montres pour un butin estimé à un million d’euros. Armé d’un marteau, un malfaiteur n’a besoin que de 20 secondes pour vider une vitrine.
La marchandise écoulée hors de France
Pour écouler la marchandise, les braqueurs peuvent ensuite compter sur une organisation bien rodée.
"On a vu des équipes venant notamment des Balkans très structurées. Ils quittent immédiatement le territoire une fois leur forfait accompli et vont revendre leur marchandise à l'extérieur. Ils ont leur propre logistique et apparaissent uniquement sur le territoire pour taper leur opération", dépeint Frédéric Ploquin.

Parfois, le butin réapparaît. En menant son enquête, Sébastien a ainsi retrouvé l'un de ses modèles volés sur un site internet de montres luxe d’occasion. Le vendeur se trouve à Dubaï. Sébastien l'aurait vendue au moins 90.000 euros, le site la propose à 78.055 euros, un prix défiant toute concurrence.
Impossible pour autant de récupérer sa montre. Les polices de France et Dubaï n’ont signé aucun accord de coopération. Pour l’instant, sur les 800.000 euros braqués ce jour-là, Sébastien n’a pas touché le moindre centime de l’assurance.