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Police-Justice

Bientôt des contrôles d’alcoolémie dans la police ?

Le taux de suicide est 36% plus élevé dans la police que dans le reste de la population.

Le taux de suicide est 36% plus élevé dans la police que dans le reste de la population. - -

La direction de la police nationale réfléchit à instaurer un « seuil maximum » d’alcoolémie et pourrait mettre en place des contrôles d’alcool et de stupéfiants dans les services, officiellement pour lutter contre les suicides des agents. « L’administration marche sur la tête », répondent les syndicats.

Les policiers pourraient bientôt souffler dans le ballon. La direction de la police souhaite en effet mettre en place des contrôles inopinés d'alcool et de stupéfiants dans les services, ce qui n'existait pas auparavant. La Direction générale de la police nationale (DGPN) envisage aussi d'instaurer un « seuil maximum » d'alcoolémie à 0,10 mg par litre d'air expiré, le taux actuellement imposé aux chauffeurs. Si l'arrêté est à l'état de projet, il provoque déjà la colère et l'incompréhension de certains syndicats. Devant être présenté le 27 février lors d'un comité technique de la police, le projet d'instauration des contrôles inopinés d'alcool et d'usage de stupéfiants dans la police a été finalement été « reporté » afin de « permettre la consultation et la concertation des syndicats de police » et « des médecins de prévention », a-t-on appris jeudi de source proche du dossier.
Selon l'administration, le but est de lutter contre les suicides dans la police. En 2010, une étude de l'Inserm avait révélé que les addictions à l'alcool, aux stupéfiants ou au médicament étaient en lien avec certains suicides, et le taux de suicide chez les policiers est supérieur de 36% au reste de la population.

« C’est purement scandaleux »

Secrétaire général adjoint du syndicat de police Alliance, Frédéric Lagache est outré par cette proposition. « On va où pour laisser sous-entendre que le problème du suicide n’est dû qu’à des problèmes d’alcool et de stupéfiants ! Mais c’est honteux de penser ça, c’est purement scandaleux. La problématique du suicide va bien au-delà, elle va vers le contexte social et familial, vers le contexte du management, les conditions de travail, etc. On a une administration dans la police qui marche sur la tête ».
Invité par Jean-Jacques Bourdin ce jeudi matin, Nicolas Comte, du syndicat de policiers Unité SGP FO, parlait déjà d’un texte « mal pris et maladroit ». « Il faut un texte utile, pas un texte qui ne sert à rien. Je ne vois pas un directeur débarquer et faire souffler tout le monde ».

« A l’époque, tout était bon pour aller boire un coup »

Lui-même policier de 1974 à 2007 en région parisienne, Patrice Lastere confirme qu’il y a bien eu des problèmes d’alcool à une époque, mais qui n’avaient rien à voir avec le suicide. De plus, tout cela est aujourd’hui fini, affirme-t-il. « Franchement, je ne vois pas du tout l’intérêt de faire cela. Des suicides, j’en ai connu dans mes unités, et je peux vous assurer que ça n’avait rien à voir avec l’alcool ou les stupéfiants. Je suis rentré en 74 dans la police, à l’époque, tout était bon pour aller boire un coup, sur les lieux de travail, à l’extérieur. Par contre, depuis les années 2000, il y a eu quelques pots, mais des pots de départ ou d’arrivée. Avec les jeunes qui rentrent, je n’ai jamais eu un problème d’alcool au niveau des commissariats ».

« L’alcool pour aider à gérer le stress »

Nadège Guidou est responsable d'un bureau de santé mentale au Conseil général de l'Oise. Selon cette psychologue du travail, l’alcool a pourtant un « rôle » réel chez les policiers. « L’alcool, et éventuellement les stupéfiants, sont là pour aider à gérer le stress, l’angoisse, et servent à souder le collectif de travail. Dans tous les métiers à risque, vous avez une culture de la virilité qui se met en place, son objectif est de nier le danger du travail, et l’alcool fait partie de ces rituels. Ce n’est pas l’individu qui amène l’alcool au travail, mais le travail qui amène l’alcool à l’individu ».

Mathias Chaillot avec Claire Andrieux