Bébés échangés il y a 20 ans: près de 2 millions d'indemnisation pour les familles

Sophie Serrano et sa fille "adoptive", Manon, ( à droite) soulagée de la décision du tribunal - Valery Hache - AFP
Deux familles privées de leur enfant biologique il y a vingt ans, à la suite d'une inversion de bébés dans la couveuse d'une clinique de Cannes, ont obtenu mardi 1,88 millions d'euros de dédommagement par décision du tribunal de grande instance de Grasse dans les Alpes-Maritimes.
Le tribunal a condamné solidairement la Clinique Internationale de Cannes (Clinica Jourdan) et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) "en réparation des préjudices consécutifs au manquement à cette obligation de résultat résultant de l'échange au sein de son établissement entre les bébés".
"Je suis lavée de tout"
"Après tant d'années, enfin, l'erreur est reconnue", a réagi à la sortie de l'audience Sophie Serrano, l'une des deux mamans, âgé de 38 ans et qui s'est dit "soulagée". "Maintenant, je suis lavée de tout, j'ai plus de raison de me sentir responsable de quoi que ce soit", a-t-elle ajouté, alors que la partie adverse la jugeait en partie responsable de l'erreur.
La clinique et la société d'assurances devront verser 400.000 euros par enfant échangé, 300.000 euros aux trois parents concernés, et 60.000 pour les frères et soeurs, au nombre trois. Les familles ont en revanche été déboutées de leurs demandes formées contre les médecins.
Le tribunal ordonne l'"exécution provisoire partielle de ces condamnations" à hauteur de 100.000 euros par enfant échangé, 100.000 euros par parent et 25.000 euros pour les frères et soeur. Les familles avaient réclamé début décembre - lors d'une audience civile à huis clos - plus de 12 millions d'euros de dommages.
Une erreur découverte 10 ans plus tard
Cette affaire rappelant le scénario du film La vie est un long fleuve tranquille a débuté le 4 juillet 1994, lorsque Sophie Serrano a accouché d'une petite Manon. Atteinte d'une jaunisse, la fillette était placée dans la même couveuse munie de lampes UV qu'une autre nouveau-née, venue au monde le lendemain. Dans la nuit du 8 juillet, elles seront interverties par mégarde et remises à leurs faux parents par une auxiliaire puéricultrice.
Les jeunes mamans exprimeront des doutes, face à la longueur des cheveux des bébés, mise sur le compte des lampes par le personnel.
C'est à l'âge de dix ans que Manon et ses parents découvriront l'erreur. Le père de Manon réclame des tests ADN de paternité, troublé par son absence de ressemblance avec sa fille au teint plus hâlé, source de railleries. Sophie découvrira qu'elle n'est pas non plus la mère biologique.