Après un triple meurtre, elle porte plainte contre l'Etat

L'ex-conjoint est finalement passé à l'acte. En 2014, celui qui harcelait Isabelle l'a abattue avec ses deux parents en plein centre-ville de Grande-Synthe, dans le Nord. Aujourd'hui, Kathy Thomas, la deuxième sœur attaque l'Etat pour "faute lourde" après ce triple meurtre. Elle compte saisir la Cour européenne des droits de l'Homme pour "défaut de protection".
"Entre le moment où ma sœur a porté plainte pour dire qu'il l'a suivait et le 4 août (2014, ndlr), il n'a jamais été interpellé, il n'a jamais été inquiété", s'indigne auprès de BFMTV Kathy Thomas.
Le triple meurtre suivi en direct au téléphone par la police
Le jour du drame, Isabelle, 49 ans, circule en voiture avec ses parents à Grande-Synthe. C'est là qu'elle remarque que son ex-conjoint les prend en chasse. Notant qu'il est armé, elle a le réflexe d'appeler police-secours. La conversation, la dernière de sa vie, durera un peu plus de quatre minutes.
"Tout le long (de la prise en chasse par son ex-conjoint, ndlr), elle a la police au téléphone, elle raconte ce qu'elle voit", explique Kathy Thomas. Evidemment, parfois, elle hurle. Quand elle voit notre mère en sang, elle dit: 'Il a tiré sur ma mère, venez'. Le policier lui répond: 'Calmez-vous'. Elle voit sa mère en train de mourir et le policier lui dit 'calmez-vous'", s'indigne la sœur de la victime.
L'homme abat donc la mère d'Isabelle sous les yeux de celle-ci, puis son père, avant de la tuer à son tour. La police qui suivait en direct l'action au téléphone n'enverra cependant pas d'équipe sur place à ce moment-là. Interpellé et incarcéré, le coupable se suicidera trois mois après les faits, en prison.
Une plainte pour "faute lourde" contre l'Etat
La police et la justice ont-elles failli à leur mission de protection de cette femme et de ses parents? Kathy Thomas et son conseil, maître Isabelle Steyer en sont convaincus. Selon elles, des éléments factuels étayent la thèse du "défaut de protection" évoqué par la demanderesse. Ainsi, sa sœur Isabelle avait plusieurs fois porté plainte contre son ex-compagnon qui la harcelait et la battait. L'homme alors placé sous contrôle judiciaire ne sera jamais convoqué.
"Personne ne va jamais l'aider, personne ne va jamais la protéger, personne ne va jamais transmettre ses hurlements et ses plaintes. On est dans le cas du plus grand dysfonctionnement que je n'ai jamais rencontré", insiste Me Isabelle Steyer.
L'avocate "compte engager la responsabilité de l'Etat" pour qu'une réponse "judiciaire, sociale, globale" soit apportée à "toutes ces femmes victimes de violences conjugales".
Kathy Thomas se dit, quant à elle, prête à porter l'affaire, autant que de besoin, devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Cette juridiction a déjà condamné d'autres Etats, Turquie ou Hongrie, pour ne pas avoir protégé des femmes qui, telle Isabelle, ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint violents.
Selon la plate-forme Violence Femmes Infos (joignable au 39 19), deux fois plus d'appels ont été réceptionnés en 2014 que l'année précédente. Battues, harcelées, maltraitées, quelque 216.000 femmes sont victimes de violences chaque année en France.