Affaire Michel Zecler: une aide accordée aux policiers pour financer leurs frais de justice

Les quatre policiers mis en cause dans l'interpellation violente d'un producteur de musique à Paris vont bénéficier de la protection fonctionnelle, une prise en charge des frais de justice.

La préfecture de police a octroyé une "protection fonctionnelle" aux policiers mis en cause dans l'affaire Zecler, a appris BFMTV des sources concordantes, confirmant les informations de Libération. 

Prévue initialement dans la loi de 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires, puis par le décret d'application de 2017, cette protection fonctionnelle consiste à la prise en charge par l'administration de tout ou une partie des frais d'avocats dès lors qu'un policier est mis en cause dans le cadre de son activité professionnelle.

"C'est la procédure classique de défense d'un agent, rappelle Denis Jacob, du syndicat Alternative police. L'agent ne reçoit pas d'argent directement, la prise en charge de l'aide juridique est faite directement par l'administration."

"Faute de service"

Un agent mis en cause par la justice doit déposer un dossier auprès de sa hiérarchie. Cette dernière décidera ensuite d'accorder ou non la protection fonctionnelle. Selon une note de la Direction de l'information légale et administrative de Matignon, seuls les agents qui commettent une "faute de service" peuvent bénéficier de cette aide, c'est-à-dire lorsque cette faute est commise pendant le service et "en dehors de tout intérêt personnel". Dans le cas de l'affaire Zecler, l'administration considère qu'un doute réside quant au caractère légitime des violences commises par les quatres policiers, désormais poursuivis.

"Cette protection fonctionnelle est ab initio accordée aux policiers", note Me Laurent-Franck Liénard, avocat spécialisé dans la défense des forces de l'ordre. Une aide systématique en cas de faute de service qui diffère de celle accordée par la gendarmerie qui, elle, évalue les faits avant d'accorder cette prise en charge.

Les textes font toutefois la différence avec la "faute personnelle" qui regroupe plusieurs cas de figures comme une faute commise en dehors du service, si cette faute revêt une "caractère inexcusable" au regard de la déontologie ou si elle est commise pour favoriser un intérêt personnel. Par exemple, le policier qui avait été filmé en train de voler près de 50 kilos de cocaïne au siège de la police judiciaire parisienne, et condamné à 10 ans de prison, n'avait lui pas bénéficié de cette aide.

Beauvau "informé" de l'octroi de l'aide

Les trois policiers impliqués dans l'interpellation violente de Michel Zecler, ainsi que le policier qui a lancé une grenade lacrymogène, ont été mis en examen par un juge d'instruction. Deux d'entre eux ont été placés en détention provisoire. Une information judiciaire a été ouverte pour faire la lumière sur les faits et que l'IGPN a lancé une enquête administrative. Tant que les conclusions de ces deux enquêtes n'ont pas été rendues, ces quatre agents restent présumés innocents.

"Il n'y a donc rien de choquant sur le principe que la protection fonctionnelle leur soit accordée, note un policier. Mais vu l'ampleur prise par l'affaire, je comprends que sur la forme, ça puisse en émouvoir certains."

Toutefois, si une faute avérée était reconnue, l'administration, dans ce cas la préfecture de police de Paris, serait en droit de réclamer le remboursement des frais de justice engagés pour défendre les quatre policiers.

Le ministre de l'Intérieur, qui avait annoncé qu'il demanderait la "révocation de ces policiers", estimant que "les faits laissent peu de place au doute", a été "informé" de l'octroi de cette aide financière, explique son entourage. Les quatre policiers mis en examen et suspendus continuent de toucher leurs salaires, mais sans les primes.

"Ils sont brisés, car ils restent convaincus d'avoir agi dans le cadre d'une opération de police", glisse une source policière. 

Alexandra Gonzalez et Justine Chevalier