Affaire Le Scouarnec: 19 victimes sur 312 exclues de la procédure en raison de la prescription

Croquis de l'audience du 13 mars 2020 lors du procès de Joel Le Scouarnec devant les assises à Saintes - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP
L'épineuse question de la prescription au cœur du dossier Le Scouarnec. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes a estimé que 19 faits ne peuvent figurer au dossier d'instruction, entre les mains d'un juge depuis deux ans, en raison de la prescription. La demande avait été portée par la défense du chirurgien.
Joël Le Scouarnec est un chirurgien gastrique à la retraite âgé de 72 ans aujourd'hui. Il a été mis en examen le 15 octobre 2020 pour les viols et agressions sexuelles de 312 personnes, des patients souvent endormis sous anesthésie, dans le cadre de son activité professionnelle.
L'ampleur des victimes avait été révélée alors que le médecin avait consigné dans des carnets et sur des pages de traitement de texte les faits qui lui sont aujourd'hui reprochés.
Des victimes endormies
Lors de la mise en examen de Joël Le Scouarnec, le parquet de Lorient avait décidé d'inclure dans la procédure 85 victimes pour lesquelles les faits étaient prescrits. Pour cela, le parquet avait mis en avant le concept "d'obstacle insurmontable", inscrit dans le code de procédure pénale depuis 2017.
"Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription", est écrit dans les textes.
Dans le cas présent, la justice a considéré que certaines victimes étant endormies ou sous l'effet d'un produit anesthésiant au moment des agressions, elles ne pouvaient donc révéler les faits et la prescription ne devait s'appliquer qu'au moment de la découverte des carnets du chirurgien. Pour mémoire, certaines personnes, n'ayant aucun souvenir des faits, ont appris avoir été victimes lorsque les gendarmes les ont averties en 2020.
"M. Le Scouarnec n'a pas moins de droits"
Cette lecture n'est pas partagée par la défense de Joël Le Scouarnec qui avait saisi la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes sur ces 85 cas. "Il ne s'agit en aucun cas d'un calcul d'apothicaire, insiste Me Maxime Tessier, qui défend le chirurgien avec Me Thibaut Kurzawa. M. Le Scouarnec n'a pas plus ou moins de droit que tout autre justiciable. Nous estimions que nous devions poser la question de savoir quels faits étaient ou non poursuivables."
"Le parquet général, s’appuyant sur le mode opératoire du mis en examen, identique pour toutes les victimes, avait requis la confirmation de l’ordonnance du juge d’instruction concernant toutes les victimes", a précisé le ministère public dans un communiqué.
La chambre de l'instruction a finalement donné raison à la défense du mis en cause dans 19 cas. En effet, si elle a reconnu dans son arrêt de 400 pages la notion "d'obstacle insurmontable" pour les victimes anesthésiées ou endormies, elle a estimé que pour d'autres cette circonstance aggravante ne pouvait être retenue. Certains faits de viols ont par ailleurs été requalifés au cours de l'instruction en agressions sexuelles, le délai de prescription étant alors réduit.
Déjà condamné
La défense de Joël Le Scouarnec a décidé de se pourvoir en cassation pour contester l'arrêt de la cour d'appel de Rennes. "Il y a des faits pour lesquels il ne mérite pas d'être renvoyé", plaide Me Tessier qui va demander l'exclusion de la soixantaine d'autres cas dont les faits sont prescrits.
L'instruction va ainsi se poursuivre et les juges ne pourront renvoyer Joël Le Scouarnec pour des faits commis dans plusieurs établissements hospitaliers, principalement dans le Morbihan, devant une cour d'assises qu'une fois la décision de la Cour de cassation rendue.
Le chirurgien a déjà été condamné par la cour d'assises de Saintes à 15 ans de réclusion criminelle pour les viols et atteintes sexuelles de quatre mineurs, dont deux de ses nièces.