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Police-Justice

Affaire Findus : « On a acheté du bœuf, étiqueté "bœuf" »

L'Etat ne contrôle qu'une fois par an l'entreprise qui a revendu la viande de cheval pour la production des plats surgelés.

L'Etat ne contrôle qu'une fois par an l'entreprise qui a revendu la viande de cheval pour la production des plats surgelés. - -

« L’affaire Findus », des plats cuisinés au bœuf contenant en fait de la viande de cheval, relance le débat sur la traçabilité et l’étiquetage des produits. Les associations de consommateurs réclament plus de contrôles, les professionnels assurent que tout est fait au mieux.

Que contiennent vraiment nos assiettes ? A chaque scandale alimentaire, le débat revient sur le devant de la scène et depuis vendredi, c’est « l’affaire Findus » qui pose de nouvelles questions : de la viande de cheval a été retrouvée en lieu et place de la viande de bœuf dans des plats surgelés.
Le gouvernement a décidé d'organiser une réunion de crise, ce lundi soir à Bercy pour tenter de comprendre comment cela a été rendu possible. Pour le moment, le flou est total, et Findus et ses sous-traitants se renvoient mutuellement la responsabilité de l'accident : la viande aurait été produite en Roumanie, achetée via des traders basés à Chypre et en Hollande par une société de grossiste, Spanghero, installée en Midi-Pyrénées. Elle a ensuite été rachetée par Comigel, une entreprise qui produit des plats surgelés au Luxembourg pour d’autres marques, dont Findus, qui les envoie ensuite dans plusieurs pays d'Europe. En France, au Royaume-Uni ou encore en Suède, de nombreuses grandes-surfaces ont retiré plusieurs plats cuisinés de leurs rayons pour éviter tout risque.

« On ne peut pas laisser cette affaire sans conséquence »

Pour le député UMP de l’Eure et ex-ministre de l'agriculture Bruno Lemaire, « il faut évidemment plus de traçabilité. Je crois que cette affaire de viande de cheval roumaine montre qu’en matière de traçabilité européenne, il y a des efforts considérables à faire. La deuxième chose sur laquelle il faut progresser rapidement, estime l'élu, c’est un étiquetage plus précis des plats cuisinés pour que le consommateur sache exactement d’où vient chaque produit qui compose ce plat. C’est une négligence absolue et on ne peut pas laisser cette affaire sans conséquence ».

« Nous avions acheté du bœuf, réceptionné comme du bœuf »

Barthélémy Aguerre, PDG de Spanghero, la société qui a acheté la viande avant de la revendre au producteur de plats cuisinés, s’estime victime. Sur RMC, il explique qu’il ne pouvait pas savoir la composition exacte de la viande, « achetée à un commerçant de viande basé à Chypre. On la revend à celui qui fabrique les produits. On reçoit la viande par camions en palettes de 800 kilos, emballée, et nous la déposons dans nos frigos. Nous avions acheté du bœuf, c’était étiqueté bœuf, nous l’avons réceptionné en tant que bœuf. Tous les documents sont à la disposition de la répression des fraudes à Castelnaudary. Nous n’avons pas touché les paquets, et nous avons acheminé les paquets au Luxembourg ». Pour le chef d’entreprise, donc, il n’y avait aucun moyen de savoir qu’il était en train d’être berné. « On fait confiance aux papiers que l’on reçoit. Il y a une traçabilité, la même pour tout le monde en Europe. Une fois la bête abattue, le papier est censé suivre le produit jusqu’au bout. Je suis victime, pas responsable. Victime de celui qui nous a fourni la viande, peut-être lui aussi victime d’un autre ».

« Aucune raison de remettre en cause les procédures »

Des contrôles, pourtant, il y en a déjà beaucoup, répond Jean-René Buisson, le président de l'Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA). « Les procédures de traçabilité qui ont été vraiment renforcées au moment de l’épisode de la vache folle sont des procédures de très grande qualité et qui fonctionnent parfaitement. Il n’y a aucune raison de les remettre en cause aujourd’hui. Nous sommes le pays qui en fait le plus et qui a la meilleure sécurité alimentaire. Donc continuons ces procédures, mais ne tirons pas de cet incident, dû à une fraude des règles, de conclusions qui remettent en cause l’excellence de notre qualité globale ».

« Le système du "pas vu, pas pris" »

Mais ces procédures ne sont pas sans faille. Il en existe, en fait, deux types : les « autocontrôles », pratiqués par les entreprises et qui ne sont pas soumis à des règles strictes édictées par la loi, et les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui peuvent être réalisés une fois par an. Regrettable pour Arnaud Deblauwe, rédacteur en chef du magazine Que choisir qui publie dans son numéro de ce mois-ci une étude sur la qualité des plats cuisinés. « La loi laisse les entreprises assez libres de contrôler leurs productions, et c’est vrai qu’on ne sait pas très bien ce qu’il se passe à l’intérieur de l’entreprise, même si elles disent qu’elles sont extrêmement vigilantes sur les matières premières qu’elles reçoivent. Confondre de la viande de cheval avec du bœuf est un dysfonctionnement majeur. On pourrait penser que les entreprises jouent le système du "pas vu pas pris". Il y a un vrai problème aujourd’hui accentué par le fait que les contrôles de l’Etat sont en diminution sensible ».

« La traçabilité est difficile à établir »

Pour Charles Pernin, chargé de mission alimentation à la CLCV (Consommation logement cadre de vie), c’est tout le système qu’il faut maintenant repenser. « On fait appel à des négociants qui vont chercher un peu partout sur la planète les meilleurs prix pour tel ingrédient à tel moment donné, et ça peut changer au cours du temps. Dans six mois, on peut aller chercher la viande du Brésil plutôt que de Roumanie. Donc c’est au final pour ça que la traçabilité est difficile à établir et qu’étiqueter l’origine n’est pas forcément facile pour les industriels ».

M. Chaillot avec S. Collié et C. Martelet