Abbé Pierre: son neveu affirme que sa famille "savait" que "sa sexualité était problématique"

L'Abbé Pierre, le 5 décembre 1987 à Saint-Wandrille, en Seine-Maritime - Mychele DANIAU
Des accusations qui sidèrent aussi au sein de sa famille. Guy Tuscher, neveu de l'abbé Pierre, reconnaît ce lundi 7 octobre au micro de France Bleu qu'il était au courant que son oncle ne respectait pas son voeu de chasteté. Il affirme cependant n'avoir jamais soupçonné qu'il soit l'auteur d'agressions sexuelles ou de viols.
"Dans la famille, on savait tous que la sexualité de notre oncle était problématique", indique Guy Tuscher, 71 ans, fils de la petite soeur de l'abbé Pierre, sans préciser ce qu'il entend par là exactement.
"Ma mère Anne-Marie, sa sœur, elle s'était énormément engueulée avec lui sur le sujet. Elle savait très bien que le célibat, pour lui, c'était quelque chose d'insupportable", poursuit-il.
"Par contre, les agressions sexuelles telles qu'elles ont été décrites, non, on ne les connaissait pas", assure le neveu du fondateur d'Emmaüs.
"Une déception"
Pour Guy Tuscher, les accusations d'agressions sexuelles, révélées au grand public d'abord en juillet puis en septembre dernier, ont fait l'effet d'un électrochoc.
"C'était violent", lâche-t-il, dénonçant des faits "inacceptables".
Évoquant une "déception par rapport à l'homme", Guy Tuscher se refuse pour autant à le "renier". "Il reste mon oncle", dit-il.
Guy Tuscher affirme être à l'écoute des femmes qui accusent son oncle. "Je soutiens ces femmes qui ont raconté ce qu'elles ont subi. Elles doivent parler pour qu'un processus de guérison se mette en place et pour mettre loin d'elles ce qu'elles ont vécu avec lui", assure le septuagénaire.
"On ne peut pas non plus dire que tout ce qu'il a fait est à jeter. Ce n'est pas possible", le défend pourtant dans le même temps Guy Tuscher, faisant référence au travail caritatif de son oncle qu'il décrit comme "un homme avec ses forces et ses faiblesses".
"Tout le monde savait"
Guy Tuscher se souvient de l'image idéalisée qu'avait son oncle, perçu comme un bienfaiteur, notamment avec la création de l'association Emmaüs qui venait en aide aux plus démunis.
"Tout le monde était subjugué par le mythe de l'abbé Pierre. Et quel était l'homme derrière? Et bien, l'homme, on le découvre maintenant", note-t-il.
Pour le septuagénaire, l'impression que l'abbé était presque intouchable a sans doute donné un sentiment de toute puissance à son oncle. Il pouvait "toujours (avoir) le prétexte de se dire: 'de toute façon, ma célébrité me sert pour mon action humanitaire et politique'", estime Guy Tuscher.
Le neveu de l'abbé Pierre dénonce le rôle aussi de l'Église dans cette affaire. "Tout le monde savait qu'il y avait un problème, l'Église, l'État, qui n'a pas voulu lui remettre la Légion d'honneur, et même Emmaüs, qui n'avait pas intérêt à l'époque à ce que cela se sache", accuse le septuagénaire.
Le président de la Conférence des évêques de France (CEF) Éric de Moulins-Beaufort a reconnu mi-septembre qu'"il est désormais établi que, dès 1955-1957, quelques évêques au moins ont su que l'abbé Pierre avait un comportement grave à l’égard des femmes".