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À la fois prédateur sexuel et "bon père dévoué": qui est Dino Scala, le "violeur de la Sambre" entendu par la justice?

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Dino Scala, surnommé le "violeur de la Sambre" et condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour 54 agressions sexuelles et viols, va être entendu par un juge d'instruction ce jeudi 15 mai pour 16 cas de violences sexuelles

Dino Scala face à la justice. L'homme, surnommé "le violeur de la Sambre" et condamné en 2022 à 20 ans de réclusion criminelle pour 54 agressions sexuelles et viols, a été mis en examen ce jeudi 15 mai au terme de son interrogatoire pour 13 cas de violences sexuelles dont un viol. Il a été placé sous le statut de témoin assisté pour les trois faits restants.

Cet interrogatoire portait sur 16 autres cas de violences sexuelles commises entre 1986 et 1990 pour lesquels il avait été un temps soupçonné par les enquêteurs. Il en avait été finalement écarté en raison du mode opératoire qui ne semblait pas correspondre à celui du "violeur de la Sambre".

Pont-sur-Sambre, 26 février 2018. Dino Scala est interpellé alors qu'il quitte son domicile au petit matin. Les enquêteurs découvrent des cordelettes, des couteaux, un foulard chez lui et dans sa voiture. Des éléments cités par les victimes de celui qui sera surnommé au fil des années "le violeur de la Sambre". Une affaire qui a récemment passionné les Français avec la série Sambre diffusée sur France 2 et adaptée du livre Sambre d'Alice Géraud, scénariste, autrice et journaliste.

Une première plainte en 1988

La première plainte remonte à 1988 dans la vallée de la Sambre, au Nord de la France. Une jeune femme raconte avoir été agressée, au petit matin, à Maubeuge. Elle explique que son agresseur est parvenu à l'immobiliser en maintenant un chiffon sur sa bouche.

Des plaintes similaires se multiplient au fil des années dans une France où les investigations ne sont pas encore mutualisées et les prélèvements ADN ne sont pas encore autorisés ou peu démocratisés. L'affaire qui a agité la vallée de la Sambre et la Belgique durant plusieurs décennies a connu les évolutions du monde judiciaire. C'est par exemple en 1998 que le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été créé.

Dino Scala : les confessions de sa femme - 26/01
Dino Scala : les confessions de sa femme - 26/01
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Si les plaintes se multiplient, au fil des ans, elles sont déposées dans plusieurs commissariats. Faute de mutualisation, l'identification d'un seul et même auteur est impossible.

"Il y a vingt ans, on faisait avec les moyens du bord. À l'époque, rien n'est encore numérisé. Aucun rapprochement n'est donc fait entre les commissariats où sont déposées les plaintes", expliquait auprès de BFMTV.com Me Sandrine Billard, qui représentait trois victimes au procès.

À cela s'ajoute l'incapacité pour les jeunes femmes d'apporter une description précise de leur agresseur en raison de son mode opératoire: Dino Scala les saisit par-derrière, parfois en leur masquant les yeux avec un foulard, les étrangle avec l'avant-bras ou un lien, les menace, souvent à l'aide d'un couteau.

"Certaines n'avaient aucun signalement, ni sur la taille, ni sur la corpulence, soit parce que l'agression s'était déroulée trop vite, soit parce que la victime était en état de choc et n'était pas en mesure d'en faire une description", avait raconté Romuald Muller, chef de la police judiciaire de Lille, dans un entretien accordé au Figaro en 2022.

Si des prélèvements d'ADN sont effectués sur plusieurs scènes de crime, ils ne correspondent à aucune personne enregistrée dans le fichier des enquêteurs. La raison: Dino Scala n'a aucun antécédent judiciaire.

Même mode opératoire, même ADN

Il faut attendre 1990 pour qu'enfin les enquêteurs établissent un premier rapprochement entre plusieurs plaintes déposées entre 1996 et 1998. Même mode opératoire, même ADN retrouvé sur les lieux du crime: les agressions sexuelles et viols que l'on croyait isolés sont le fait d'une seule et même personne baptisée "le violeur de la Sambre".

Huit ans plus tard, en 1998, la police judiciaire de Lille est saisie de l'information judiciaire. L'enquête prend un tour décisif en 2018, après l'échec de l'audition d'une centaine d'hommes et la réalisation de trois portraits-robots peu ressemblants et jamais diffusés par les enquêteurs.

Le 5 février, une jeune adolescente de 17 ans se présente à la police pour dénoncer une agression sexuelle du côté d'Equelinnes (Belgique). Cette fois, la scène a été filmée par les caméras de vidéosurveillance. Les images montrent un homme stationnant sa voiture à proximité du lieu de l'agression, non loin de l'entreprise Jeumont Electric.

Les enquêteurs français reçoivent le signalement de leurs homologues belges et parviennent à leur tour à remonter jusqu'au suspect. Dino Scala est interpellé 12 jours plus tard alors qu'il quitte son domicile de Pont-sur-Sambre. Retranché dans le silence lors d'une première audition, Dino Scala reconnaît finalement une quarantaine des faits qui lui sont reprochés.

"C'est toujours le même scénario. C'est toujours la même période, ça commence toujours vers la mi-septembre jusqu'à avril-mai. C'est toujours à peu près les mêmes heures, les mêmes endroits, les mêmes moments, c'est cyclique", analysait-il lui-même lors de l'un des interrogatoires auxquels il avait été soumis.

D'abord, Dino Scala repère ses victimes, les observe emprunter leur trajet quotidien au petit matin pendant plusieurs, avant de passer à l'acte.

Il invoque un "instinct de chasseur"

10 juin 2022, cour d'assises de Douai. Le procès de Dino Scala s'ouvre. Le "violeur de la Sambre", qui comparaît pour 17 viols, 12 tentatives de viol et 27 agressions ou tentatives d'agressions sexuelles, commis contre 56 victimes entre 1988 et 2018, invoque un "instinct de chasseur".

Qui est vraiment Dino Scala? Cette question occupe les débats au quatrième jour du procès. Côté pile, l'homme serait un "bon père dévoué". Un gendre qui "prenait soin" de son beau-père, indique sa seconde femme au procès. Un meilleur ami aussi, qui organisait avec plaisir des évènements au club de foot ou bien de VTT, rapportait au bord des larmes, Richard, son meilleur ami, au tribunal. Côté face, L’accusé serait "un prédateur sexuel”.

"Vous avez un homme qui d’un côté est décrit comme merveilleux, formidable, un père extraordinaire et de l’autre côté capable de comportements déviants, extrêmement violents à l’égard des femmes", résume Me Margaux Mathieu, avocate de l'accusé, en fin d'audience.

Ces viols, ces agressions sexuelles, "ce n'est pas le Dino que je connais", affirme la seconde épouse du "violeur de la Sambre" à la barre. Elle dépeint un père doux et aimant. "Mes enfants ont eu une très belle enfance", assure-t-elle.

"Son" Dino ne semble pourtant pas avoir toujours été un papa poule, d’après l’enquêtrice de personnalité. L’accusé n’a d’ailleurs conservé aucun contact avec ses enfants nés de sa précédente union. Au tribunal, la sœur de sa première épouse avait fait voler en éclats le portrait assez élogieux dressé par la famille de l’accusé. À la barre, elle était revenue sur une nuit de novembre 1996 où Dino Scala s'était introduit pendant la nuit dans la chambre de la jeune femme. Des faits qu'il avait reconnus pour la première fois en trente ans.

Il se désiste de son appel

Les trois semaines de procès ne permettent pas de lever entièrement le mystère autour de la personnalité du "violeur de la Sambre", caractérisée selon un expert psychiatre par l'"abîme qui sépare la face sociale et la face cachée". Dino Scala aurait baigné dans la violence dès son plus jeune âge.

Au terme de trois semaines de procès, il est reconnu coupable des 54 des 56 agressions pour lesquelles il était poursuivi, et condamné à 20 ans de réclusion criminelle, la peine maximale. Une condamnation dont il fera appel avant de se désister.

Ce jeudi 15 mai, à l'issue de son interrogatoire dit de première comparution, Dino Scala a été mis en examen ce jeudi 15 mai au terme de son interrogatoire pour 13 cas de violences sexuelles dont un viol. Il a été placé sous le statut de témoin assisté pour les trois faits restants.

La justice, qui l'avait écarté parce que le mode opératoire ne semblait pas lui correspondre, a finalement décidé de revenir sur cette décision et d'enquêter de nouveau sur ces faits à l'aune de sa personnalité. Sur BFMTV, l'avocate du "violeur de la Sambre" a assuré que son client ne "reconnaît aucun de ces faits".

Charlotte Lesage