"Qu'est-ce qu'elle a ma famille?": le téléfilm qui casse les clichés sur la GPA

Malik Zidi et Sofia Essaïdi dans "Qu'est-ce qu'elle a ma famille?" - France 2 - Albertine Productions
Un regard intime posé sur l'un des sujets de société les plus controversés de ces dernières années. Ce mercredi soir à 21h10, France 2 s'éloigne des chiffres, des enquêtes d'opinion et des manifestations pour tenter de raconter, avec le téléfilm Qu'est-ce qu'elle a ma famille?, ce qu'est vraiment une Gestation pour autrui, dite GPA.
Céline (Sofia Essaïdi) et Mathieu (Malik Zidi), deux agriculteurs de la région bordelaise, piétinent dans leur procédure d'adoption depuis cinq ans. Épuisés, ils finissent par envisager à reculons un recours à la GPA et se renseignent auprès du couple formé par Darius (Roby Schinasi) et Julien (Benjamin Siksou), qui ont entamé leur démarche avec une mère porteuse au Canada. S'engage alors pour les deux couples un parcours du combattant émaillé d'inquiétudes, de questionnements, de déceptions et d'obstacles juridiques, médicaux et financiers, dans l'espoir de devenir enfin parent.
Librement adapté de l'ouvrage du même nom publié chez Grasset en 2018 par Marc-Olivier Fogiel (directeur général de BFMTV), Qu'est-ce qu'elle a ma famille? pose des visages sur cette pratique, qui consiste à faire appel à une femme pour porter l'enfant d'un couple qui ne peut procréer. Il sera suivi d'un débat, puis d'un numéro d'Infrarouge dédié au sujet.
"Tordre le cou aux clichés"
Proscrite en France par la loi du 29 juillet 1994, la GPA n'en est pas moins une réalité. Les chiffres officiels n'existent pas mais, selon l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) contactée par BFMTV.com, on estime que 500 à 1.000 enfants français naissent chaque année d'une GPA à l'étranger, notamment aux États-Unis, au Canada ou en Russie. Et, contrairement aux idées reçues, 60% des couples qui ont recours à cette pratique seraient hétérosexuels:
"Il fallait tordre le cou aux clichés", explique à BFMTV.com la réalisatrice Hélène Angel, contactée par la maison Albertine Productions pour porter le projet à l'écran. "C'est pourquoi il était important d'avoir un couple hétéro et un couple homo".
En suivant des couples de province, dont l'un est constitué d'agriculteurs qui peinent à joindre les deux bouts, le film évite un autre écueil: "la dimension parisienne et trop 'bourgeoise / urbaine', pour la simple et bonne raison qu'il y a autant de cas et de situations qu'il y a de couples", comme l'explique un communiqué. Car même lorsque des couples se dirigent vers une GPA où la femme porteuse n'est pas rémunérée, comme c'est le cas au Canada où se rendent les personnages du film, les coûts engagés peuvent être colossaux: frais médicaux, frais d'insémination, frais d'agence...
Émotion et pédagogie
Les fictions françaises qui se sont emparées de la GPA se comptent sur les doigts d'une main. Comme les autres de Vincent Garenq ou Diane a les épaules de Fabien Gorgeart, sortis au cinéma en 2008 et 2017, racontaient des accords entre amis, dans des intrigues purement hexagonales. Qu'est-ce qu'elle a ma famille? se penche sur la vie ces familles qui traversent des frontières, et parfois un océan, pour trouver celle qui portera leur futur enfant. Et le fait sur France 2, en prime-time, en s'adressant à un large public.
Un challenge, comme l'admet Hélène Angel, d'autant que le téléfilm assume un regard bienveillant envers la GPA. En contrepartie, l'équipe s'est donné pour mission de "ne rien éluder", afin que toutes les opinions soient représentées. Notamment les craintes de dérives vers une marchandisation des corps, argument le plus souvent avancé par les opposants à cette pratique. Ainsi, le long-métrage présente des GPA qualifiées d'"éthiques", encadrées, et balaie l'éventualité d'une option moins scrupuleuse:
"J'essayais de ne pas trop y penser comme à un défi, sinon on se censure et on ne travaille plus", raconte la réalisatrice. "Même les questions les plus embarrassantes, les personnages les posent. Comme quand Céline fait part de son malaise de 'choisir des donneuses sur un CV'... (...) J'ai rencontré beaucoup de couples, et j'avais un devoir moral envers eux. Toutes les étapes, l'incertitude de la viabilité des embryons, l'obligation de tout recommencer lorsqu'ils ne le sont pas: ils l'ont tous vécu, et je ne pouvais pas ne pas le raconter. Et je devais le raconter à ceux qui n'y connaissent rien tout en m'assurant que ceux qui connaissent la situation ne se sentent pas trahis."
Un film sur la famille
À travers sa large galerie de personnages, Qu'est-ce qu'elle a ma famille? évoque non seulement les incertitudes classiques liées à la parentalité et exacerbées dans les parcours de GPA, mais aussi les réticences épidermiques que ce sujet peut générer. Notamment au travers des incompréhensions de leur entourage, parfois violentes. Ce qui fait du téléfilm un long-métrage sur la famille:
"Il fallait que j’en fasse une fiction, toutes ces questions ne pouvaient pas être simplement traitées de manière pédagogique", poursuit la réalisatrice. "L'intime, la famille, ça parle à tout le monde. Je pense que c’est quand on passe par l’humain qu’on peut le plus toucher ceux qui ont des a priori. Nous voulions parler à un public large, sans rien céder à l'exigence de la pédagogie."
"Ce ne sont plus uniquement des parcours: tout à coup ce sont des gens", abonde Benjamin Siksou, qui incarne le rôle de Julien. "J'ai beaucoup appris sur comment ça se passait. J'ignorais notamment qu'un tel altruisme (celui des femmes qui acceptent de porter les enfants d'un autre, sans rémunération, ndlr) existait. En passant par la fiction, on peut peut-être y croire plus encore", explique celui qui y voit un téléfilm "d'éclairage".
"On s’est posé des questions tout du long"
D'après un sondage Ifop publié la semaine dernière par Femme Actuelle, plus de sept Français sur dix sont désormais favorables à la légalisation de la GPA. 71% des sondés disent soutenir la légalisation du recours aux mères porteuses pour les couples hétérosexuels. Pour les couples de même sexe, les réponses positives baissent, mais restent élevées (57%). En octobre 2019, un amendement qui permettait la reconnaissance automatique en France de la filiation d'enfants conçus grâce à une mère porteuse dans un pays étranger a été voté, avant d'être rejeté par l'Assemblée nationale.
"Lorsqu'on fait un film, on ne pense pas en terme de message", conclut Hélène Angel. "Je voulais faire un film le plus beau possible, porté par de beaux comédiens, qui amène à se questionner. Le plus beau compliment qu'on m'ait fait sur ce film c'est 'On s’est posé des questions tout du long'."