"Mayhem": la remontada de Lady Gaga avec son septième album

Le retour musical de Lady Gaga s'annonce sous de bons auspices. Mayhem, son septième album solo disponible ce vendredi 7 mars, est porté par deux singles rappelant ses premiers succès et encensés par la critique comme par les fans. De quoi prédire à ce disque une belle carrière après une année en demi-teinte pour la chanteuse.
Car la chanteuse de 38 ans, à qui tout souriait début 2024, a enchaîné les pétards mouillés ces derniers mois. Un film qui aurait dû lui valoir une nomination aux Oscars a qui a fait un flop critique et commercial, un album-surprise pour accompagner ce long-métrage a connu la même trajectoire... Mais avec la promotion de ce nouveau disque, Lady Gaga retrouve son aura de superstar grâce à ce qu'elle sait faire de mieux: une pop maximaliste et réjouissante.
Sur le toit du monde
À l'été dernier, Lady Gaga semble au sommet de sa carrière. Elle attise un intérêt mondial en se produisant par surprise lors de la cérémonie d'ouverture de Jeux olympiques - elle est la seule chanteuse américaine à prendre part aux festivités -, y signe une prestation saluée, et profite de cette extraordinaire vitrine pour enclencher la promotion de son septième album.
Avant de quitter Paris, elle donne rendez-vous à ses fans devant son hôtel pour leur faire écouter quelques brèves secondes extraites de ce disque, dont aucun détail n'a alors fuité.
Ces toutes premières notes dévoilées à ses fans parisiens laissent alors présager un album porté par des sonorités électro, dansantes et agressives. Comme pour prendre une revanche sur la déconvenue qu'a connue son précédent album, Chromatica, stoppé dans son élan par la crise du Covid. Taillé pour les clubs, ce disque d'abord prévu pour avril 2020 avait été reporté avant de sortir fin mai, quand toutes les discothèques du monde étaient encore fermées, le privant ainsi du rayonnement qu'il aurait dû connaître.
Fin août, quelques semaines après sa prestation aux JO, Lady Gaga signe un nouveau coup en s'emparant de la tête des classements avec Die With a Smile, un duo-surprise avec Bruno Mars qui s'impose comme un phénomène. Pour ne rien gâcher, de nouvelles aventures cinématographqiue l'attendent alors.
Joker, le bug dans la machine
À ce moment-là, Lady Gaga a achevé le tournage de Joker: folie à deux. Dans cette suite de Joker, carton de 2019, elle campe la redoutable Harley Quinn, inquiétante conjointe de l'ennemi de Batman. Et donne la réplique à Joaquin Phoenix, superstar confirmée du cinéma américain.
Le film d'origine avait remporté le Lion d'Or à Venise et raflé deux Golden Globes puis deux Oscars en 2020, dont ceux de meilleur acteur pour Joaquin Phoenix. Un palmarès qui faisait de Joker 2 l'un des films les plus attendus de la fin de l'année 2024.
Avant même la sortie, la possibilité d'une nomination aux Oscars dans la catégorie meilleur second rôle pour Lady Gaga se murmurait dans la presse américaine. Une suite logique à sa prometteuse carrière parallèle à Hollywood, qui lui a déjà valu une nomination dans la catégorie meilleure actrice pour A Star is Born, ainsi qu'un prix de la meilleure chanson originale grâce à Shallow.
Dix-sept ans après son premier album, la chanteuse semble alors à l'acmé de sa carrière. Jusqu'aux premières projections de Joker: folie à deux, qui fait un four retentissant.
Des millions de dollars perdus
La catastrophe commence à se profiler début septembre, quand le film est présenté en avant-première à la Mostra de Venise. Au sortir de la salle, la presse est unanime: Joker 2 est un loupé. "On dirait qu'ils ont fait exprès de faire un mauvais film", tance IndieWire. Le film est "sans grande inventivité" regrette Le Monde, "répétitif", juge le Guardian, "ennuyeux et sans intérêt", expédie Vanity Fair.
Le sentiment se confirme avec sa sortie en salles. Après un démarrage calamiteux au box-office américain (40 millions de dollars, soit moitié moins que le premier volet), les chiffres d'entrées continuent de baisser et le film termine sa course avec 201 millions de dollars de recettes autour du monde, très loin du milliard engrangé par son prédécesseur. En comptant les frais avancés pour la production, la campagne marketing et la distribution en salles, Joker 2 a fait perdre entre 150 et 200 millions de dollars à Warner Bros.
Après un tel désastre, le nom de Lady Gaga disparaît instantanément des prédictions américaines pour les nominations aux Oscars. Lorsqu'elles tombent, fin janvier, la chanteuse n'y figure pas - et c'est Zoe Saldaña qui décrochera le prix pour Emilia Pérez début mars.
Comble de l'humiliation, Joker 2 arrive en tête des nominations aux Razzie Awards, cérémonie satirique qui récompense chaque année le pire du cinéma américain. Nommée dans la catégorie pire actrice, Lady Gaga est coiffée au poteau par Dakota Johnson, avec Madame Web.
Lady Gaga évoque cet échec cuisant des mois plus tard, fin janvier, dans les colonnes du Elle américain.
"Parfois, il y a des choses que les gens n'aiment pas", philosophe-t-elle. "C'est aussi simple que ça."
"Je pense que pour être un artiste, il faut accepter que les gens n'aiment pas toujours ce que vous faites. Et vous continuez à avancer, même si quelque chose n'a pas eu l'effet escompté".
Ce raté cinématographique s'accompagne d'une autre déconvenue, moins fracassante: celle de Harlequin, un disque sorti par la chanteuse le 27 septembre, présenté comme un "album compagnon" du long-métrage inspiré par son personnage.
Score en demi-teinte
Lady Gaga y renoue avec son goût du jazz, déjà exploré dans ses deux albums avec Tony Bennett, en reprenant une série de classiques et en les saupoudrant de rock.
Forcément, ceux qui suivent la superstar pour ses prouesses pop répondent fraîchement. Harlequin entre à la 20e place du classement américain, une place qu'il ne dépassera jamais. Ce score dont rêverait la plupart des artistes, est le pire de la discographie de Lady Gaga.
Harlequin était un album conceptuel, un pas de côté dans sa carrière, et n'avait sans doute pas vocation à réaliser des chiffres de vente similaires à ceux de ses précédents albums. Néanmoins, parmi les superstars de son rang, une autre s'est essayée à un projet similaire avec plus de succès. Quand Beyoncé a sorti The Lion King: The Gift, un disque inspiré par le film Le Roi lion, il a atteint la deuxième place des meilleures ventes d'album.
En parallèle, Lady Gaga annonce officiellement la sortie de son septième album studio. Le premier extrait, Disease, sort fin octobre et contrebalance les loupés qui l'ont précédé: "Le nouveau single de Lady Gaga est plus diabolique et fun que l'intégralité de son album sur Joker", titre The Independent.
Retour en grâce
Face à ce morceau d'électro-pop sombre, accompagné d'un clip dans lequel la chanteuse campe plusieurs personnages inquiétants et extravagants, la plupart des critiques saluent un retour à la musique de ses débuts, celle qui a fait d'elle une figure majeure de la pop mondiale à la fin des années 2000.
Le retour en grâce semble complet avec Abracadabra, deuxième single extrait de Mayhem, dévoilé début février. Le charabia du refrain ("Abracadabra, amor-oo-na-na // Abracadabra, morta-oo-ga-ga // Abracadabra, abra-oo-na-na") rappelle indéniablement la recette gagnante de Bad Romance (2009), l'un de ses tubes les plus emblématiques, l'esthétique extravagante et léchée du clip nous replonge à l'époque Alejandro...
Comme pour rappeler à la jeune génération d'artistes en train d'éclore sur la scène pop que sa place n'est pas à prendre. Là où Katy Perry a échoué douleureusement dans une tentative similaire de come-back aux allures de retour aux sources, en septembre dernier, Lady Gaga parvient à attirer l'attention du public et des médias malgré les rudes concurrences de Sabrina Carpenter, Billie Eilish et autres Chappell Roan, égéries de jeunes fans de pop friants de subversion.
"Avec Abracadabra, Lady Gaga a sauvé sa carrière de popstar", s'enthousiasme Variety.
L'œil attentif notera, néanmoins, que les chiffres réalisés par ces premiers extraits sont en-deçà de ceux de ses consœurs. Pour toute popstar américaine, le lead single, ou premier extrait d'un album, celui qui donne le ton du disque, est un élement crucial du processus promotionnel. Ceux des derniers albums de Beyoncé, Ariana Grande ou Taylor Swift se sont tous classés premiers. Disease n'a pas réussi à dépasser la 27e place.
Abracadabra est dans une course de fond plus prometteuse. Entré 29e dans le classement, il a réussi à se hisser à la 13e place. Et la promotion ne fait que commencer: en avril, Lady Gaga sera l'une des têtes d'affiche de Coachella, festival californien parmi les plus prestigieux du monde. Le mois suivant, elle assurera un concert géant sur la mythique plage de Copacabana à Rio de Janeiro. En outre, le pari de l'album Mayhem semble déjà gagné: passer l'éponge sur un court passage à vide et rappeler au monde ce qui a fait d'elle une superstar.