Le rappeur Isha dévoile son puissant premier album, "Labrador Bleu"

Isha dévoile ce vendredi son premier album "Labrador Bleu". - Alex Ducarel
En 2008, un Bruxellois d’une vingtaine d’années se lance dans le rap sous le pseudonyme Psmaker et dévoile dans la foulée un projet dont le titre du morceau d’introduction donne, sans le savoir, un avant-goût de sa future carrière: Conçu pour durer.
Quinze ans plus tard, malgré un parcours façonné par de nombreuses épreuves difficiles, celui qui a, depuis, troqué son nom de scène pour son prénom, Isha, n’a jamais renoncé à sa passion pour le rap. Après un dernier volet de son triptyque baptisé, La Vie Augmente, sorti en 2020, Isha dévoile ce vendredi son tout premier album Labrador Bleu.
"Jamais j'aurai cru qu'j'allais dépasser trente ans"
"Je n'veux pas être une star d'un jour", rappait Isha sur Conçu pour durer. Ironie du sort, à l’époque, alors que la scène rap belge n’est encore qu’au stade d’ébauche et que la crise du disque bat son plein, les premiers pas du jeune artiste dans la musique le mèneront en réalité vers l’oubli.
"Même si t’avais une satisfaction personnelle d'avoir sorti ton CD, en France, il n'y avait que trois ou quatre têtes d'affiche qui arrivaient vraiment à vivre du rap. En Belgique, c'était encore plus impossible parce qu'on n'avait pas de distributeurs, pas de médias pour parler de nous, et même les festivals ne programmaient pas de rap belge", nous explique Isha.
Face à cet échec, le rappeur quitte Bruxelles pour Sarcelles, en banlieue parisienne. Là, marqué par un divorce qui ébranle sa famille, puis par la mort de son père en 2005, il sombre petit à petit dans une spirale infernale, se réfugie dans l'alcool et s’éloigne de la musique. "J'avais pas la tête à ça, je n'avais pas trop d’ambition et pas de projets, j’étais dans un état végétatif", confie-t-il.
"Mes funérailles, j'en rêve étrangement. J'vois des potos m'porter, ils ont tous des gants blancs. Jamais j'aurai cru qu'j'allais dépasser trente ans", rappe Isha dans son titre Labrador Bleu en souvenir de cette période sombre.
(Re)naissance des rappeurs belges
Mais depuis le Val-d'Oise, Isha observe un phénomène nouveau. Des noms d’artistes comme Hamza, Damso ou Caballero & JeanJass résonnent désormais aux côtés de ceux de Nekfeu, Booba ou encore Lomepal. La scène belge fait souffler un vent de nouveauté sur le rap francophone. “Quand t’es rappeur tu restes pas indifférent à tout ça. Ça peut très vite te donner goût à reprendre”, assure Isha.
Grâce à son amour de la musique et guidé par ce qu’il qualifie de “lueur divine”, l’artiste belge réussit à combattre ses démons. Pendant cette période, il se reconstruit moralement mais également artistiquement. Psmaker abandonne son alias, devient Isha et s’enferme en studio pendant deux ans. Un premier EP, baptisé La Vie Augmente voit le jour en 2017.
La thérapie par la musique
Pris dans la vague de popularité de la scène belge à cette époque, La Vie Augmente connaît le succès. Le public découvre alors la plume poétique et touchante d’Isha, dont le nom devient une référence.
"Tu te dis "p*tain enfin". Je me suis tellement entraîné toute ma vie que la musique est devenue une de mes compétences, un peu comme un diplôme. Ce diplôme ne me servait à rien il y a quinze ans, mais aujourd'hui, je peux enfin ressortir tout ce que j’ai appris", détaille-t-il.
Sur sa lancée, Isha imagine un triptyque pour La Vie Augmente. Le rappeur s'y laisse aller à l’introspection: il raconte son enfance marquée par la violence, ses traumatismes, ses réflexions sur la vie, donnant à ses trois projets une dimension quasi-thérapeutique.
"Parcours de vie"
Isha signe ce vendredi son retour, deux ans après le succès de sa trilogie, avec son tout premier album baptisé Labrador Bleu, en référence au type de granit choisi par l'artiste et sa famille pour la pierre tombale de son frère, disparu il y a trois ans.
"J’ai besoin que mes projets fassent référence à mes proches, aux gens que j'ai connus et qui ont marqué ma vie. Au moment du décès de mon frère, je m'étais promis de lui dédier cet album. Je l’ai fait de manière assez subtile", confie Isha.
Cet album né sous de funestes auspices représente pourtant pour l'artiste belge "un parcours de vie". Dans le morceau Intro, premier titre du projet, on entend d’ailleurs les battements d’un cœur lors d'une échographie, puis, vers la fin de l’album, on perçoit le son d’une pelle qui creuse la terre, comme pour y enterrer un corps.
"Pour illustrer davantage ce processus d’évolution, j'ai également choisi de diviser l’album en quatre éléments. D’abord le vent pour symboliser le souffle de la vie, le feu pour le péché puis l’eau qui signifie la purification dans beaucoup de croyances et enfin la terre, puisque c’est là que l’on termine", précise l’artiste.
Côté collaboration, Isha s’est offert pour ce premier album des featurings “logiques”, selon lui: le rappeur belge OG Gold, son petit protégé Green Montana, Caballero & JeanJass et enfin Limsa D’Aulnay, artiste avec lequel le rappeur belge compte d’ailleurs sortir un projet commun “avant la fin 2022.”
En attendant de pouvoir aller défendre Labrador Bleu en concerts, Isha savoure aujourd'hui pleinement sa réussite. "C’est une bénédiction mais aussi une forme de justice, affirme-t-il. On a toujours été bon, on le mérite."