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Atteint de la maladie de Charcot, Pone de la Fonky Family retrace son histoire dans un livre écrit avec ses yeux

Le musicien Guilhem "Pone" Gallart, atteint de la maladie de Charcot, a écrit un livre sur son parcours de vie grâce à un logiciel qui obéit au mouvement de ses yeux.

Le musicien Guilhem "Pone" Gallart, atteint de la maladie de Charcot, a écrit un livre sur son parcours de vie grâce à un logiciel qui obéit au mouvement de ses yeux. - JC Lattes

Dans un ouvrage, réalisé à l’aide d'un logiciel qui obéit au mouvement de ses yeux, l'ex-membre de la Fonky Family revient sur sa vie, son parcours dans la musique et son combat contre la maladie.

Écrire malgré la tétraplégie. Pone est l'un des compositeurs les plus influents de son époque dans le rap français. Ancien membre du groupe marseillais la Fonky Family, c'est à lui que l'on doit les tubes Bad boys de Marseille ou encore Art de rue.

Atteint depuis 2015 de la maladie de Charcot, une maladie neurologique qui affecte le système nerveux central, le musicien est aujourd'hui alité, paralysé, aphone et entièrement branché à des machines mais cela ne l'empêche pas de continuer à produire.

Après un retour à la musique avec un premier album composé avec ses yeux, Listen And Donate en 2021, Guilhem Gallart, de son vrai nom, passe désormais à l'écriture et se raconte dans un ouvrage autobiographique sincère et touchant baptisé Un peu plus loin, pour lequel il s'est confié à BFMTV.com.

"Mes yeux sont une souris"

Publié le 12 avril dernier aux éditions JC Lattès, ce livre a été écrit en deux ans à l'aide d'un logiciel qui obéit au mouvement de ses yeux et qui lui permet d'écrire ou de parler grâce une voix générée par son ordinateur.

"J'ai un ordinateur équipé d'une poursuite oculaire. C'est une barrette infrarouge qui capte le mouvement de mes pupilles et un logiciel les transforme en données. Mes yeux sont une souris", résume l'artiste.

S'il se décrit comme quelqu'un "n'aimant pas parler de sa personne", Pone explique avoir été encouragé dans l'idée de se lancer dans l'écriture d'un roman sur son histoire par sa communauté qui le suit sur Facebook.

"Quand je suis sorti de réanimation en 2017, j'ai commencé à écrire des petites anecdotes sur ma vie d'avant et mon groupe que je publiais sur Facebook et j'ai reçu des commentaires positifs", confie Guilhem Gallart.

Il poursuit: "On m'a dit que j'écrivais bien et que ça serait bien que j'écrive un livre. Je me suis laissé convaincre. J'ai mis ça dans un coin de ma tête et la graine a germé. J'ai écrit la totalité du récit en un an. Puis, la deuxième année, j'ai tout réécrit 19 fois."

Pone a également pu compter sur le soutien de la chanteuse britannique Kate Bush, pour qui il a composé à l'aide de ses yeux un album hommage intitulé Kate & Me en 2019, et qui a signé la préface de son ouvrage.

"L'amour nous a portés là où nous sommes allés"

Pour écrire Un peu plus loin, Pone s'est replongé dans sa plus tendre enfance entre Toulouse et Marseille. L'artiste de 50 ans revient notamment sur sa découverte de la culture hip-hop et du graff, ainsi que sur ses premiers pas dans la musique en tant que producteur au sein du collectif qui va faire basculer sa carrière: la Fonky Family.

Composé du Rat Luciano, Sat l'Artificier, Don Choa, Menzo, Fel, DJ Djel et de Pone, ce groupe marseillais a marqué les débuts du rap en France et connaît un fort succès dans les années 90/2000 avec des titres tels que Si je les avais écoutés, ou Sans rémission avant de se séparer en 2007.

"Partis de rien, sans aucun contact, dans le milieu de la musique, sans parent musicien, tous de milieux modestes, c'est l'amour qui nous a portés là où nous sommes allés. Et ça, ça n'a pas de prix", écrit Pone dans son livre pour résumer cette aventure.

"J'avais besoin d'amour"

Pone se livre également sur la maladie de Charcot dont il souffre depuis 2015. Dans un chapitre intitulé "Acronyme", l'artiste revient notamment sur l'annonce de son diagnostic, le 17 avril 2015 qui l'a bouleversé, lui et son épouse Wahiba ainsi que leurs deux enfants.

"Il [le médecin] rentre, s'assoit et m'annonce la sentence, sobrement, comme on commanderait un plat dans un resto chic. 'Si vous êtes ici, dit-il, c'est pour rechercher une sclérose latérale amyotrophique'. [...] Je viens de me prendre un KO dont je mettrai un an et demi à me relever", précise Pone dans son autobiographie.

"Ce soir du 17 avril, j'ai voulu qu'on regarde un dessin animé tous ensemble dans le lit, j'avais besoin d'amour. Je cherche les mots pour décrire l'état second dans lequel je me trouvais. Un seul me vient à l'esprit: cataclysme", poursuit-il.

Si ce passage était l'un des plus difficiles à écrire, selon lui, Pone assure que se remémorer ces souvenirs douloureux l'a aidé à avancer. "Ça m'a replongé dans des heures sombres. J'ai pleuré mais je pense que ça m'a fait du bien. Je devais avoir besoin d'exorciser des choses", note le musicien.

"La dégénérescence est très difficile à vivre"

Pone confie au détour de quelques confessions avoir souvent pensé à la mort lors de certaines étapes difficiles de sa maladie. Pourtant, Un peu plus loin est loin d'être un témoignage sur la fin de vie. C'est d'ailleurs tout le contraire.

Le récit de Guilhem Gallart déborde de positivité et de combativité, et ce, même quand son cœur s'arrête de battre en 2017. Alors qu'il est placé dans un coma artificiel en raison de son stade de dénutrition avancé qui engage son pronostic vital, il n'a "jamais songé à la mort assistée", assure-t-il.

Un sujet au cœur des débats en France, ces derniers mois, notamment en raison des propos de l'ancien journaliste Charles Biétry, également atteint de la maladie de Charcot, qui a annoncé début avril avoir organisé son suicide assisté.

"Il y a quelques mois, j'ai vu une de ses interventions télévisées et j'ai su qu'il avait Charcot, à sa façon de parler. Ça m'a rendu triste pour lui mais je comprends tout à fait sa position".

"L'idée de mourir dans la souffrance n'est pas terrible. La dégénérescence est très difficile à vivre. Je comprends qu'on souhaite abréger ça", indique Pone.

Et d'ajouter: "Après, il y a énormément de paramètres à considérer: l'entourage, la prise en charge, mais surtout l'acceptation. Personnellement, au début de la maladie, je ne voulais pas être appareillé. Aujourd'hui ça fait 6 ans que je vis grâce aux machines. Et j'en suis très heureux."

Toujours en quête de nouveaux défis, Pone planche déjà sur des projets futurs. À peine son livre écrit, l'artiste confie avoir encore "pas mal de choses en attente". "Là, on est en train de finir un conte pour enfants avec mon illustratrice. Après je verrai bien".

Un peu plus loin, de Guilhem Pone Gallart, éditions Lattès, 368 pages, 20,90 euros

Carla Loridan