"Natacha": comment le cinéma a dépoussiéré ce classique de la BD franco-belge des années 1970

Natacha débarque au cinéma. L'héroïne imaginée par le scénariste Gos et le dessinateur Walthéry pour le journal Spirou débarque ce mercredi 2 avril sur grand écran avec Natacha (presque) hôtesse de l'air, une comédie d'aventures qui tente de dépoussiérer un personnage un peu passé de mode.
Avec son lot d'aventures exotiques aux stéréotypes dépassés (le tome 1 met en scène des Indiens réducteurs de têtes), les histoires de Natacha peuvent sembler "pas très modernes si on les adapte telle quelles" aujourd'hui, confirme à BFMTV la réalisatrice Noémie Saglio. "Si les gens voient le film et lisent la BD après, ils peuvent être étonnés."
"Les journalistes me parlent beaucoup de la BD. Mais lors des avants-premières, pas du tout. Les gens connaissent moins. Ils ont une espèce de sensation autour du personnage. Adapter Natacha, ce n'est pas comme adapter Spirou!", poursuit la réalisatrice, qui n'a pas lu la BD lorsqu'elle était enfant.
"La Joconde, c'est mieux qu'une disquette!"
Noémie Saglio rêve pourtant de cette adaptation depuis quinze ans. "On m'en avait parlé lors d'un atelier. Ce qui m'a toute de suite plu, chez Natacha, c'est son côté aventurière, fraîche, joyeuse. Elle fait ce qu'elle veut", s'enthousiasme la réalisatrice, qui s'est volontairement détachée de l'univers de Natacha.
Natacha (presque) hôtesse de l'air n'est donc pas une adaptation d'un album déjà existant, mais un préquel, situé dans les années 1960. "C'était difficile de raconter cette histoire aujourd'hui. Ce n'est plus un monde qui fait autant rêver. L'hôtesse de l'air de l'époque, c'est l'influenceuse d'aujourd'hui", analyse-t-elle.
Depuis sa tendre enfance, Natacha rêve de devenir hôtesse de l’air pour voyager et découvrir le monde. Quand elle est mêlée malgré elle au vol de la Joconde, elle y voit l'opportunité de réaliser enfin son rêve... Accompagnée de Walter, un steward maladroit, elle traverse la France et l'Italie à la recherche du précieux tableau.
Si le vol de La Joconde est bien évoqué dans le tome 7 de Natacha, L'hôtesse et Monna Lisa, l'histoire "n'a rien à voir" avec celle du film, insiste Noémie Saglio. "Il n'y a pas de personnages en commun à part Natacha, Walter et le commandant Turbo (qui pilote dans la BD les avions dont Natacha est l'hôtesse de l'air,NDLR)."
"Le vol de La Joconde, c'est une histoire que je voulais absolument raconter depuis une dizaine d'années et qui vient d'un article paru dans Vanity Fair. "Je voulais que l'on croie à cette aventure, que ce ne soit pas une recherche de mini-disquette. Je voulais quelque chose de plus grand. Et la Joconde, c'est mieux qu'une disquette!"
Pour des ados de 16 ans
Si la BD Natacha séduit en librairie un public plutôt grisonnant et masculin, Noémie Salgio a envisagé son film comme une comédie familiale. Son objectif: séduire sa fille de 16 ans. "Elle n'aime pas toujours ce que je fais. Je me suis donnée beaucoup de mal pour que des jeunes filles d'aujourd'hui puissent regarder le film."

Elle a peaufiné son scénario afin que "le thème et le ton puissent les toucher aussi". Pari réussi, à en croire la réalisatrice: "Lors de la tournée, les adultes de plus de 50 ans retrouvent le ton des films qu'ils ont aimé. Et les plus jeunes sont touchés par cette quête de quelqu'un qui ne rentre pas dans les cases."
Le jeune public, qui ne connaît pas la BD d'origine, est apprécie cette héroïne "qui va se battre pour réaliser son rêve malgré tout", s'exclame la réalisatrice. "Parce que eux, (les jeunes), on leur fout des cases toute la journée. C'est épuisant. Le film fait un peu voler tout ça en éclat. C'est important que ma fille entende ce message."
Le film, bien que situé dans les années 1960, fait écho à travers ses dialogues à des problématiques sociétales actuelles. "Elle parle de pervers narcissiques, de discrimination. Il y a tellement de sujets modernes amenés finement dont on rit", salue Camille Lou, qui incarne Natacha à l'écran. "Ça change. On nous dit beaucoup ça en tournée."
"L'actrice idéale"
Dans Natacha, Noémie Saglio détourne les clichés sexistes en s'inspirant de La Revanche d'une blonde, comédie culte avec Reese Witherspoon où une "bimbo" devient une avocate retorse. "Comme Natacha, c'est un film qui montre que ce n'est pas parce que tu es un peu bimbo que tu es moins intelligente que les autres."

"Elle est aussi sexy, mais pas de la manière de l'époque", souligne Camille Lou. "C'est sexy à travers l'œil d'une femme. On n'a pas cherché à être sexy comme on pourrait s'y attendre. Les gens les plus beaux pour moi sont sincères. Et Natacha a une sincérité que je trouve très belle."
Pour Noémie Saglio, Camille Lou était "l'actrice idéale" pour moderniser ce personnage. "Elle sait te faire rire, t'émouvoir, ajouter de la tendresse. On a beaucoup d'amour pour elle, elle n'est pas énervante. C'est notre amie, notre sœur, c'est un peu nous. Elle représente bien ce que j'ai voulu faire avec Natacha."
Superproduction à son échelle, Natacha est un pari pour sa réalisatrice. Elle espère un succès pour en faire un autre d'ici quelques années. "J'étais déjà très contente d'en faire un. Si on en fait un deuxième, on a plein d'idées, on serait trop content." En attendant, elle développe un projet tout aussi ambitieux: un film de pirates au féminin.