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"Moi qui t'aimais": comment Marina Foïs et Rochdy Zem sont devenus Simone Signoret et Yves Montand

Rochdy Zem et Marina Foïs dans "Moi qui t'aimais", en salles ce 1er octobre

Rochdy Zem et Marina Foïs dans "Moi qui t'aimais", en salles ce 1er octobre - David Koskas-New Light Films

Le nouveau biopic de Diane Kurys, en salles ce mercredi, met en scène Marina Foïs et Rochdy Zem dans la peau de Simone Signoret et Yves Montand. Récit d'un choix de casting audacieux, mais réussi.

La ressemblance n'avait a priori rien d'évident. Marina Foïs en Simone Signoret et Rochdy Zem en Yves Montand. "Et qui auriez-vous vu à notre place?", nous lance la première, sourire joueur au visage, quand on lui soumet notre léger étonnement. On sèche. Finalement oui, qui d'autre? Et pourquoi pas eux? Moi qui t'aimais, biopic de Diane Kurys sur les dix dernières années houleuses de ce couple iconique du cinéma français du XXe siècle, sort en salles ce 1er octobre.

La réalisatrice de Diabolo Menthe (3 millions d'entrées en 1977) ou de Coup de foudre, habituée aux films intimistes, parfois biographiques (Les Enfants du siècle en 1998 sur la rencontre entre George Sand et Alfred de Musset, Sagan en 2008), souvent familiaux, féminins et sentimentaux, a d'abord été interpellée par Signoret. Par sa figure de "femme puissante, d'une beauté spectaculaire, invulnérable, farouche, engagée, indomptable", confie-t-elle à BFMTV.com.

Puis, par ricochet, la cinéaste s'est penchée sur le couple unique, "dont on écoutait à l'époque les mots, l'opinion, les vues politiques". Elle lit alors des interviews, (re)voit leur filmographie, écoute des archives. "Ils s'admiraient beaucoup: elle, elle le trouvait très beau et très drôle, lui était fasciné par sa force, raconte-t-elle. Elle aimait son avenir, lui son passé." Puis elle écrit peu à peu le scénario sur l'ensemble de la vie du couple, de leurs 30 à leurs 60 ans, mais sans penser à aucun casting. "J'écrivais pour les vrais", rit-elle.

Le même regard

Mais, vite, l'idée de Marina Foïs en Simone Signoret s'impose. "Peut-être qu'il y a quelque chose de la douleur ou de la pudeur de Simone que Diane a pu reconnaître en moi", suggère l'actrice. "J'ai trouvé que Marina avait le même regard que l'actrice des années 50, son intensité, sa voix, et une certaine gouaille", justifie l'intéressée. Pourtant, quand les deux femmes se rencontrent pour la première fois, Marina Foïs trouve le scénario trop étalé, trop large. "Je n'y arriverai pas", lui dit-elle, et lui suggère de ne se concentrer que sur les dernières années du tandem. Diane Kurys approuve et retravaille le scénario.

L'actrice de Papa ou maman et Polisse glisse aussi le nom de son ami Rochdy Zem à la réalisatrice. Diane Kurys se montre sceptique ("Mais Rochdy est d'origine marocaine voyons", lui rétorque-t-elle). Marina Foïs insiste: "Il est méridional, issu d'une famille d'immigrés (Zem est un Franco-Marocain des années 60, tandis que Montand est originaire de l'Italie des années 30), ils ont un peu le même parcours, issus tous les deux d'un milieu modeste, puis côtoyant un monde qui les fait rêver, mais duquel ils se sentent un peu étrangers".

La réalisatrice finit par se laisser convaincre. "Je ne voyais personne d'autre de toute manière". Et Rochdy Zem, touché par la figure de Montand, accepte.

"Ne pas les singer"

Diane Kurys transmet alors toutes les images et interviews qui l'ont nourrie à ses deux acteurs. Et leur donne une directive bien précise: essayer d'approcher une certaine vérité du couple, mais ne pas le singer. Évoquer, pas incarner. Elle précise: "Bien sûr, Marina et Rochdy ont travaillé leur voix, leurs costumes, leur coiffure, leur maquillage, Marina a appris le tricot, mais je ne voulais pas qu'ils soient des copies conformes du couple. Marina n'est pas aussi enrobée que Signoret, Rochdy ne chante pas aussi bien que Montand, mais qu'importe."

"Diane voulait quand même voir Marina derrière Simone, Rochdy derrière Montand, elle ne voulait pas nous embarrasser d'artefacts comme des prothèses ou du latex, renchérit celui qui a reçu le César du Meilleur acteur en 2020 pour son rôle dans Roubaix, une lumière. C'est ce qui nous a immédiatement plu, parce que nous savions que cela nous offrirait la liberté d'exprimer une émotion quasi organique, pas camouflée par une matière qui ne nous appartient pas".

La première scène de Moi qui t'aimais, sorte de mise en abyme du film où Marina Foïs et Rochdy Zem, en loge, se préparent pour un tournage, installe dès le début cette connivence avec le spectateur: ces deux-là ne sont pas les vrais, et basta.

Pendant près d'un an, chacun potasse son personnage. Se plonge littéralement dedans. "J'ai fini par être habité par Montand que j'écoutais de boucle, confie le comédien de 59 ans. Et sans m'en rendre compte, un certain type de phrasé, quelque chose de lui s'est révélé presque naturellement à moi." Marina Foïs, elle, devient "un peu monomaniaque" comme elle dit, oublie ses autres centres d'intérêt, absorbe tout ce qu'elle peut et ne voit le monde plus qu'à travers les yeux de son personnage. Envoûtés donc, et envoûtants.

Estelle Aubin