Festival de Cannes: le peuple des escabeaux

Juchés sur des escabeaux, les amateurs de stars ne ratent rien de la montée des marches à Cannes. - Magali Rangin - BFMTV
Ils s'appellent Philippe, Martine ou Nicole et ils sont un peu les vedettes du festival de Cannes. Plus accessibles et moins éphémères que les stars. Ils se perchent sur leur escabeau depuis parfois trente ans, ces paparazzis amateurs qui campent pendant tout le festival en face de la montée des marches. Guettant les stars, hurlant leur prénom, glanant des autographes.
Et puis, ils ne refusent jamais de parler aux nombreux journalistes qui les sollicitent, montrent de bonne grâce leur "book" constitués des photos qu’ils ont prises perchés là-haut, ne sont jamais avares d’anecdotes, ont le sens de la formule, et un avis sur tout.
Brad Pitt et Lova Moor
Et à force d’être interviewés par les médias du monde entier, ils parlent presque comme des stars. Donnent du "comme je disais à la dame de Nostalgie l’autre jour", ou "quand Claude est passé sur TF1". Lancent "j'ai fait la bise à Lova Moor", "Brad Pitt il est vraiment sympa", "l'affiche est ratée cette année".
Chaque année, le rituel est le même. On accroche les échelles, les escabeaux et les chaises pliantes quelques jours avant le début du festival. Certains sont venus dès samedi. Comme Philippe, Toulousain de 54 ans en bermuda blanc, et pilier du peuple des escabeaux, qui explique: "vous voyez les trous, là, dans la chaussée. C'est là qu'ils vont placer les barrières. Et nous, on rapproche nos escabeaux, donc on vient vers minuit, 4 heures du matin". Les plus organisés écrivent leur nom sur leur échelle, ou même directement sur le trottoir.
"Regardez-moi ces cons"
La veille de l'ouverture, la nuit venue, alors que les préparatifs se poursuivent, ils viennent se poser. Papotant comme sur une place de village. Ils ne sont dérangés ni par le va-et-vient odorant des camions poubelles, ni par l’installation bruyante des dernières barrières, destinées à couper la circulation sur la Croisette.
Le lendemain, dès le début de l'après-midi, le dispositif est en place. Parasols, ombrelles, bobs et casquettes sont déployés. On déplie les échelles. Le matin, ils n'ont pas perdu une miette des allées et venues du jury, et de l'équipe du film d'ouverture. Carmen, 65 ans, chic et très poudrée, s'aère avec un éventail rouge. A côté, Nicole et Martine, visière blanche à fleurs roses, installées aux premières loges, évoquent les stars. Certaines se prêtent au jeu, d'autres moins. "Regardez-moi ces cons", aurait ainsi lâché Mathilde Seigner une année. "Mais ça leur fait une mauvaise pub", conclut Nicole. "Ils devraient nous applaudir, sans nous ils ne sont rien", assure une dame blonde et bronzée vêtue d'un ensemble rose pâle.
"Sophiiiiie, là haut!
Si beaucoup reviennent chaque année pour "retrouver les copains" et pour l'ambiance sympathique, l'atmosphère se tend au fur à mesure que la foule, sur l'étroit terre-plein, se densifie. A 17h30, les photographes professionnels, en smoking, sont en place sur le tapis rouge. Vers 18h les premières voitures noires à vitres fumées livrent leur cargaison de stars. C'est l'heure de se jucher sur les escabeaux. Certains partagent de bonne grâce les degrés de leur marchepied, d'autres acceptent moins les squatteurs.
"Sophiiiiiie, Sophiiiie, là haut! Regarde ici, s'il te plaît!", hurlent-ils, alors que Sophie Marceau et les autres membres du jury viennent d'arriver. L'actrice s'approche, illuminée par la lumière dorée du soleil déclinant, passe en souriant devant les photographes amateurs ravis. "Nataliiiie... Mariiiiie.... Guillauuume", s'époumonent-ils à chaque arrivée. A 19h, la montée des marches est terminée. Les escabeaux sont repliés, rangés, cadenassés.
