"L'horreur est parfois regardée d’un mauvais oeil": sur Tiktok, Ode à l’horreur popularise le cinéma de genre

"Comme vous n'osez pas voir le film Companion, je vais vous le spoiler." Cette phrase est devenue une habitude pour les 312.000 abonnés d'Aude, alias Ode à l'horreur sur Tiktok, créatrice de contenus spécialisée dans le cinéma.
Depuis bientôt 5 ans, la jeune femme multiplie les critiques, décrypte les bandes-annonces et spoile, toujours sur demande de sa communauté, certains films. Un contenu assez classique sur Tiktok, donc. A la différence que la vidéaste s'est spécialisée dans les films d'horreur, les thrillers et autres films à faire froid dans le dos.
Un genre qui mérite d’être défendu
"C’est un genre de niche, mais qui mérite d’être défendu", insiste la vidéaste de 25 ans, interrogée par Tech&Co.
"L’horreur est parfois regardée d’un mauvais œil ou reléguée au second plan car on voit ça comme une série B. Mais c’est un genre très intéressant à mettre en avant, ça regroupe beaucoup de films très différents", complète-t-elle.
Pour Aude, tout a commencé en 2020. Lors du confinement, la France découvre Tiktok, son algorithme, ses vidéos courtes et surtout, ses danses qui deviennent virales en deux clics. "A l’époque, je consommais beaucoup de contenu cinéma sur Youtube. Mais il y avait peu de formats courts", se remémore-t-elle. Et inversement. "Sur Tiktok, il y avait beaucoup de vidéos récréatives, mais pas de contenu de fond." Ni une, ni deux, elle décide d’y remédier et de partager quelques vidéos autour des films d’horreur, ce genre qu’elle affectionne tout particulièrement.
Elle publie alors des vidéos recommandations de films, donne son avis en vidéo et liste les prochaines sorties horreur ou les actualités du milieu. En parallèle, la jeune femme multiplie les vidéos spoiler, où elle raconte l’histoire d’un long-métrage.
"Je ne savais pas si les contenus cinéma, uniquement axés vers l’horreur, trouveraient leur public. Sur Youtube, je suivais des comptes avec 5.000 abonnés", souligne la créatrice. 5 ans plus tard, la voilà pourtant à la tête d’une chaîne de plus de 300.000 aficionados d’horreur, âgés entre 18 et 35 ans.
Surfer sur le succès du true crime
Car si son contenu "hyper niche" lui a permis de tirer son épingle du jeu dans le flot de contenus cinéma sur l’application, l’horreur tient une place de choix dans le cœur des internautes. Depuis quelques années, les récits horrifiques, notamment popularisés par Squeezie, ont de plus en plus de succès sur les réseaux sociaux. Ces affaires criminelles sordides, cas irrésolus ou histoires paranormales sont d’ailleurs réunies sous le hashtag CrimeTok, qui cumule plus de 3 milliards de vues.
"Au final, le true crime et les films d’horreur, ce sont les mêmes mécaniques. Donc le contenu cinéma d'horreur, ça fonctionne aussi bien", résume-t-elle.
Vrais passionnés d’horreur qui tentent de dénicher de nouvelles pépites, spectateurs réticents à tenter des films gores ou simples curieux: tous se prennent finalement au jeu des vidéos d’Ode à l’horreur.
Ce qui fonctionne le plus? "Quand je parle de films qui m’ont traumatisé", plaisante-t-elle. "Je pense qu’il y a un petit côté pervers, dès que c’est traumatisant ou qu’il y un message un peu 'provoc', ça attire les gens", glisse-t-elle. Une de ses premières vidéos sur Martyrs, un des premiers films "qui (l’) a traumatisé" a par exemple dépassé les 400.000 vues… en seulement une nuit.
De son côté, la créatrice a un objectif: mettre en lumière les films indépendants ou d’auteurs, bien moins connus du grand public. Si la jeune femme, qui est également juriste, n’oublie jamais de parler des grosses franchises comme Saw ou Conjuring, elle adore sélectionner pour ses abonnés quelques films de niche, comme Together ou encore Dangerous Animals, film qu’elle a eu l’occasion de voir au Festival de Cannes 2025.
Vaincre sa peur... pour se rendre au cinéma
"Ce n’est pas du tout un film qui met en cause les requins, au contraire. C’est beaucoup plus subtile dans son message. Pour moi, c’est essentiel", précise-t-elle dans une vidéo où elle présente le long-métrage. Rapidement, les vues s’emballent. Son Tiktok atteint les 800.000 vues en quelques jours.
"Ces vidéos, ce sont celles qui me font le plus plaisir (...) Quand je vois les réactions positives en commentaire, j’ai l’impression d’avoir joué un petit rôle pour aider au succès du film", observe-t-elle.
"Et c’est ce genre de films indépendants que j’ai envie de défendre car ce sont ceux qui en ont le plus besoin", ajoute celle qui ne se voit pas comme une critique, plutôt "comme une amoureuse du cinéma qui a envie de partager sa passion".
Pourtant, le succès de ses contenus se traduit souvent en salle. Il n'y a qu’à jeter un œil dans les commentaires: plusieurs internautes expliquent s’être rendus voir un film ou une série sur les recommandations d’Aude. Même ses vidéos spoiler amènent du public en salle. "Certains expliquent qu’ils avaient peur du film, mais qu’en voyant mon contenu, ils se sont rendus qu’ils avaient les capacités pour le regarder", sourit-elle.
Et l’engouement qu’elle crée autour des long-métrages d’horreur n’est pas près de s'arrêter. Aude a déjà une myriade de films d’auteur à proposer à sa communauté. Au fil des mois à venir, la jeune femme distillera d’ailleurs quelques contenus filmés au festival de Cannes, en suivant le calendrier des sorties.