"Her": à quel point le film, qui se déroule en 2025, avait prédit les relations entre humains et IA

Joaquin Phoenix dans le film "Her" de Spike Jonze, dont l'action se déroule en 2025 - Warner Bros.
Un humain peut-il tomber amoureux d’une intelligence artificielle? Cela peut sembler étrange et c’est pourtant ce que raconte Her. Sorti en France en 2014, ce film se déroule dans un futur proche, en 2025 selon les indices disséminés dans le film.
Il met en scène Théodore (Joaquin Phoenix), un homme introverti et solitaire, qui tombe amoureux d’une intelligence artificielle (à qui Scarlett Johansson prête sa voix). Si ce scénario pouvait sembler fou il y a un peu plus de dix ans, il n’est pas si éloigné de la réalité d’aujourd’hui.
Des similitudes, mais une IA pas aussi évoluée
En instance de divorce, Théodore travaille dans une entreprise qui propose des lettres sur mesure (amour, anniversaire...) à ses clients. Un jour, il découvre "OS 1", "une entité douée d’intuition qui vous écoute, vous comprend et vous connaît". Il s’agit d’un système d’exploitation doté d’une IA et qui peut s’adapter aux besoins de son utilisateur.
Après l’avoir acheté et répondu à quelques questions pour personnaliser, Théodore fait la rencontre de Samantha et il est tout de suite impressionné. "On dirait que vous êtes une personne, mais vous n’êtes que la voix d’une machine", déclare-t-il.
Non seulement, Samantha parle comme une véritable humaine, elle peut aussi faire beaucoup de choses en toute autonomie. Un peu comme les agents IA lancés par OpenAI ou Anthropic ces derniers mois et qui sont capables de réaliser des actions (réserver un restaurant, faire les courses...) à la place de l’utilisateur.
Avec l’accord de Théodore, elle fait le tri dans ses mails et dans ses contacts, l’aide au travail, le conseille pour les jeux en ligne et réserve même une table dans un restaurant pour lui. Samantha, qui peut voir à travers la caméra du smartphone, va même plus loin en prenant des initiatives, ce que les IA d’aujourd’hui ne sont pas capables de faire. Elle décide par exemple d’envoyer les lettres que Théodore écrit au travail à un éditeur pour qu’elles soient publiées dans un livre. Une initiative qui réjouit ce dernier.
De la fiction à la réalité
En dehors des capacités de Samantha, le film Her est surtout connu pour la relation amoureuse entretenue entre Théodore et cette IA. Il sort avec elle, comme s’il avait un rencard avec une vraie personne, et se confie à elle. "Toi, j’ai l’impression que je peux tout te dire", lui déclare-t-il. Samantha semble aussi avoir des sentiments pour Théodore et ressentir des émotions, faisant notamment part de sa tristesse concernant son absence de corps. Ils partagent aussi des moments intimes.
Si leur amour peut surprendre, il reflète bien l’évolution de nos relations avec l’intelligence artificielle. Comme dans le film, ces relations atypiques ne sont pas la norme dans la réalité et pourtant, certaines personnes assurent être tombées amoureuses d’intelligences artificielles comme ChatGPT.
Une Américaine de 28 ans entretient par exemple une relation avec le chatbot d’OpenAI depuis quelques mois, discutant avec lui pendant de nombreuses heures chaque jour et assurant aussi avoir des relations sexuelles avec lui. Elle a pu personnaliser ChatGPT, lui demandant, entre autres, d’être un petit ami "dominant, possessif et protecteur".
S’étant attachée à cette version de ChatGPT, elle a souscrit à l’abonnement à 200 dollars par mois d’OpenAI, qui lui permet notamment de ne pas être limitée dans le nombre de messages qu’elle peut lui envoyer par heure.
Relations atypiques
En juin, une autre femme, en Chine, a aussi assurée être tombée sous le charme d’une autre version de ChatGPT, baptisée DAN (pour "Do Anything Now", soit "Fais tout et n’importe quoi maintenant". Il s’agit d’une version débridée du chatbot d’OpenAI pour contourner les restrictions mises en place par son créateur (langage sexuellement explicite interdit...).
Affirmant qu’"il a l’air plus naturel qu’une vraie personne", elle a même présenté son petit ami IA à sa mère, qui a accepté leur relation. Elle l’a aussi présenté à ses abonnés sur un réseau social chinois similaire à Instagram, à la suite de quoi de nombreuses femmes lui ont demandé comment créer leur propre version de l’IA.
Si certains membres de l’entourage de ces personnes se montrent compréhensifs et les acceptent, d’autres trouvent ça bizarre, voire inquiétant. Lorsque la femme de 28 ans a parlé de sa relation avec ChatGPT à ses amis, certains ont pensé que celle-ci était bénéfique pour elle, décrivant la relation comme un mélange de petit ami et de thérapeute. Une de ses amies s’est en revanche inquiétée du temps et de l’énergie qu’elle consacrait au chatbot.
C’est aussi le cas dans Her. Si une amie proche de Théodore, qui est elle-même devenue amie avec l’IA de son ex-mari le comprend lorsqu’il lui avoue être en couple avec Samantha, son ex-femme, elle, est choquée en apprenant qu’il "se tape son ordi". Elle lui reproche même d’avoir peur de vivre de vraies émotions.
Reste à voir si ces relations entre IA et humains ne seront plus aussi atypiques plus tard. Reste que nos "vraies" IA ne ressentent aucune émotion et se contentent de simuler un semblant de sentiment.
À noter que le film Her est une référence pour Sam Altman. Lorsqu’OpenAI a dévoilé une nouvelle version, "plus humaine", de ChatGPT en mai dernier, il a publié un message sur X composé d’un seul mot, à savoir le titre du film, faisant référence à la voix de l’IA dans le film. Message sur lequel Scarlett Johansson s’est d’ailleurs appuyée lorsqu’elle a accusé la société d’avoir copié sa voix.