"Discount", un film dans l'enfer des caissières

La bande d'acteurs de "Discount", en salles mercredi. - Wild Bunch Distribution
Face au mastodonte Taken 3 ou aux oscarisables Foxcatcher et Une merveilleuse histoire du temps, un "petit" film français sort ce mercredi. Discount, dont le titre évoque aussi le budget, moins de 4 millions d'euros, est une comédie sociale et engagée et réjouissante. Elle conte avec humour les péripéties d'employés d'une grande surface, remplacés par des caisses automatiques. Ils décident de récupérer et revendre clandestinement les invendus du magasin. Un film à la Ken Loach qui fait sourire sur des sujets graves comme la pauvreté, le gaspillage alimentaire, la dureté du métier de caissière.
> Un tournage "discount"
Le tournage a duré sept semaines dans une ambiance assez fiévreuse. "Ce qui était assez chouette, c'est qu'on avait l'énergie de nos personnages, parce qu'il fallait tourner 40 plans par jour. Parce qu'on raconte une histoire avec des gens qui se battent pour des valeurs fortes, positives, qui sont dans une forme de rébellion et de désobéissance civile", décrit Sarah Suco qui précise que ce n'était pas pour autant un tournage "low cost".
Le budget du film a pu être complété grâce au crowdfunding: 25.400 euros ont ainsi été réunis par le biais du site touscoprod. "On est partis sans distributeurs, je ne savais même pas si on allait sortir le film au cinéma", évoque Louis-Julien Petit, le réalisateur.
> Une "bande" d'acteurs
Discount est avant tout un film de troupe. Les acteurs ne se connaissaient pas avant de commencer le tournage, mais l'alchimie a été immédiate. "Quand on a réuni les acteurs, explique Louis-Julien Petit, il y a eu une très belle rencontre entre eux et une complémentarité, une écoute. Je crois que chacun est tombé un peu amoureux de l'autre". Ce que confirme l'acteur Pascal Demolon: "en se rencontrant, très vite on s'est aperçu qu'il était temps qu'on se rencontre". C'était "pareil pour les techniciens", confie la comédienne Corinne Masiero, qui raconte que "tous les matins il y avait une ambiance qui amenait à la rigolade et à l'échange".
Le réalisateur a "donné une note qui a fait vibrer un peu tout le monde, nous comme les autres. Les autres ce sont ceux qui apportent cette plus-value, ce qu'on appelle les acteurs de complément. Ils font vibrer le film de manière touchante et humaine. Et drôle aussi", rappelle Pascal Demolon.
Car sur le tournage de Discount, il n'y a pas eu d'acteurs-diva. "Je n'aime pas la starification des acteurs", souligne Louis-Julien Petit. "Il traite tout le monde pareil, il a retiré la sacralité de l'acteur dans sa loge. Il a mis tout le monde au même niveau, ce qui fait qu'on fait corps avec les figurants. Tout a une importance", témoigne le comédien Olivier Barthélémy.
> Un film engagé et solidaire
"Ce n'est pas un film politique, pas un film militant, mais les principales valeurs qu'il véhicule c'est l'entraide, la solidarité, la rébellion positive, des gens qui deviennent du jour au lendemain des héros malgré eux et ça c'est engagé", souligne l'actrice Sarah Suco.
"Ce qui unit tous ces employés de libre-service, c’est la peur", évoque dans Challenge le réalisateur, qui dit s'être inspiré du blog Le salaire de la peur. "La pressurisation dans le hard discount, c'est quelque chose qui existe. Tout ce qui est dans le film, ce sont des choses que j'ai vues et lues". La sociologue Sophie Bernard, interrogée par le HuffPost décrit ainsi les caissières comme les "OS du tertiaire", la caisse étant à la caissière ce que la machine est à l'ouvrier.
"Si le film arrive à faire l'interface entre des gens en précarité, des associations qui en ont vraiment besoin et des grandes-surface obligées à contre-coeur de javelliser des produits... j'essaie de mettre sur la table ce petit chaînon qui manque entre les gens qui en ont vraiment besoin et cette nourriture qui est gaspillée", explique-t-il Louis-Julien Petit. Les recettes publicitaires générées par la bande-annonce diffusée sur Allociné seront reversées aux Restos du coeur.
> François Hollande a failli voir le film
Une projection de Discount était prévue à l'Elysée le 7 janvier dernier, en présence des acteurs. L'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo a bousculé l'agenda du président de la République, qui a dû repousser le visionnage du film. "Moi, je ne fais pas un film pour que le président le regarde, s'il veut le regarder tant mieux, mais ce qui est plus important pour moi, c'est d'aller voir la réaction des gens dans les tournées qu'on fait un peu partout", estime Corinne Masiero.