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"C'est un peu notre Coupe du monde de foot à nous": le succès des "viewing parties" de Drag Race partout en France

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Les viewing parties se multiplient à l'occasion de Drag Race France all stars, diffusé depuis le 10 juillet. Ces événements, organisés dans toute la France, permettent de visionner les épisodes ensemble et d'assister à des performances de drag queens.

Lille, un jeudi soir de juillet. Du monde s'amasse au Garage, espace de co-working qui s'étend sur 3.500 m². Autour de longues tables, des jeunes et des moins jeunes se côtoient, se rencontrent parfois, un écocup à la main. Certains ont troqué les parapluies - il pleut des cordes malgré l'été - pour des éventails. D'autres arborent leurs plus belles paillettes. Toutes et tous sont venus assister à la viewing party - visionnage collectif - de Drag Race France, concours de drag queens diffusé sur France 2 et France TV Slash.

C'est le cas de Romain et sa bande de copains. Le jeune homme de 32 ans est un habitué de l'événement. "Je ne dis pas que je n'aime pas regarder l'émission chez moi, mais c'est toujours intéressant de le faire avec des copains, et d'autres personnes, sourit-il. C'est important d'avoir un lieu safe et queer pour partager ce moment." Il le confie: ce soir, il est surtout venu pour les drag queens invitées, Rose et Punani, le duo parisien iconique de l'émission.

"C'est un peu notre coupe du monde de foot à nous, blague Rose, drag parisienne qui avait concouru lors de la saison 2. C'est extraordinaire d'avoir un public aussi éclectique: il faut que le drag soit vu par un maximum de personnes possible!"

400 personnes se sont déplacées pour la soirée organisée par la drag queen locale, Stargirl. Au programme: meet and greet (rencontre en petit comité avec les drag queens invitées), diffusion commentée de l'épisode, questions-réponses avec le public, performances drag, et ouverture de la piste de danse.

La formule fonctionne: chaque semaine, la viewing party du Garage affiche complet. "On a eu la chance de recevoir des candidates de la saison, donc, forcément, les gens viennent les rencontrer", explique la drag queen lilloise, vêtue de sa longue robe orangée. Cette année suscite un engouement tout particulier, car l'édition all stars réunit les meilleures drag queens des trois saisons précédentes. Ainsi, Punani, candidate de la saison 2, concourt également pour la couronne de l'édition all-stars.

Une cinquantaine de viewing parties en France

Phénomène venu d'Outre-Atlantique, les viewings parties animées par des drag queens ont été démocratisées aux États-Unis avec Rupaul's Drag Race en 2009, et s'adressaient au départ à la communauté queer. C'était aussi le cas en France lorsque des visionnages collectifs étaient organisés pour regarder la version américaine du concours.

Mais, l'avènement de Drag Race sur France Télévisions et son succès populaire ont changé la donne. Ces viewing parties, ouvertes à des publics plus larges, se sont multipliées sur le territoire. Le magazine Têtu dénombre une cinquantaine d'événements dans toute la France - sans compter ceux organisés plus confidentiellement dans des bars ou des petites salles.

Ce soir-là, Pauline, 38 ans, est venue en famille. "Mon beau-frère m'a contaminée à Drag Race et j'ai contaminé ma fille... Elle adore l'émission!", souffle-t-elle. Pour sa "toute première viewing party", la mère a décidé de la jouer sobre, habillée d'une robe verte à fleurs, tandis que sa fille a décoré son visage de paillettes - "à la maison, c'est elle qui fait le show!", admet-elle, rieuse.

Au-delà du divertissement, la maman apprécie Drag Race France pour son côté éducatif. "C'est génial et précieux, note-t-elle. L'émission permet à la petite de s'épanouir dans l'ouverture d'esprit et la tolérance, de grandir avec ces valeurs, et je suis très contente de pouvoir lui transmettre ce cadre."

La version française ne se limite pas à une simple compétition de défilés, performances ou encore lipsync. Chaque épisode est aussi une opportunité pour les candidates de discuter de leur trajectoire de personnes queer, d'homophobie et de transphobie, mais aussi d'acceptation, et d'éducation.

"Drag Race France a mis un projecteur sur le drag, et montré que ce n'était pas seulement du maquillage et des robes. L'émission a pu aussi illustrer certains parcours à la télévision, raconter qui nous étions. Et je crois que nos histoires ont pu intéresser le public.", affirme Punani.

C'est toute l'importance des viewings parties qui se joue ici pour la drag queen lilloise Stargirl. "Dans cet esprit de mainstreamisation du drag, je trouve ça super que tous les âges soient représentés et qu'il y ait ce climat d'acceptation, renchérit-elle. Évidemment que nous ne représentons aucun danger contrairement à ce qu'affirment nos détracteurs. Il suffit de regarder l'émission et de venir aux viewings pour se rendre compte que tout se passe bien. Les enfants ont, eux aussi, le droit d'être queer et de grandir queer."

Les viewings parties sont organisées pendant toute la saison de Drag Race jusqu'au 28 août. Les drag queens de l'édition all stars participeront à une grande tournée des Zéniths de France et l'Accor Arena.

Sophie Hienard