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"C'est ma décision": critiqué pour sa participation au Riyad Comedy Festival, l'humoriste Louis C.K se défend

Louis C.K. le 16 septembre 2017 en Californie

Louis C.K. le 16 septembre 2017 en Californie - Rich Fury - Getty Images North America - AFP

Pointé du doigt pour avoir accepté de se produire en Arabie Saoudite - pays connu pour ses nombreuses violations des droits de l'homme - l'humoriste a assuré que sa présence au Riyad Comedy Festival pouvait contribuer à y faire évoluer les mentalités.

Épinglé pour sa participation controversée au festival de l'humour Riyad Comedy Festival, en Arabie saoudite, l'humoriste est sorti du silence pour justifier sa présence à cet événement qui se déroule à Riyad jusqu'au 9 octobre.

Interrogé dans l'émission Real Time With Bill Maher, Louis C.K a assuré que se produire en Arabie Saoudite en tant qu'humoriste pouvait, selon lui, avoir du bon pour faire évoluer les mentalités du pays.

"J'étais moi aussi partagé à l'idée d'aller à ce festival. J'ai hésité à m'y produire après avoir entendu ce que tout le monde disait. Il y a du bon et du mauvais dans tout ça. Mais pour moi, je pense que ça va dans le bon sens. C'est ma décision", a-t-il assuré.

"Il y a une femme lesbienne et juive, qui a fait un spectacle là-bas. Elle y a reçu une standing ovation. Il peut se passer des choses inattendues", a-t-il ajouté en référence à Jessica Kirson, comédienne qui s'est depuis excusée d'avoir pris part à l'événement.

"Les gens se produisent en Arabie saoudite depuis des années. Les comédiens se rendent dans les pays arabes pour y faire des spectacles. Un festival du film y a récemment eu lieu, ce qui témoigne d’une certaine ouverture", a souligné Louis C.K.

Un festival produit par le gouvernement saoudien

Depuis l'annonce de son lancement en juillet dernier, ce festival saoudien, où doivent notamment se produire Dave Chappelle, Bill Burr, Kevin Hart, Pete Davidson, Whitney Cummings, Aziz Ansari, Hannibal Burress, Jim Jefferies, Jo Koy, Tom Segura ou encore Jeff Ross, cristalise les critiques dans le monde de l'humour aux États-Unis.

Certains accusent ces humoristes de manquer d'éthique en acceptant de jouer dans un pays connu pour ses nombreuses violations des droits de l'homme (répression des femmes, des personnes LGBT+, censure des journalistes...), contre une grosse somme (375.000 dollars par personne, selon The Guardian).

Un point de vue partagé par Human Rights Watch. Selon l'ONG, le Riyad Comedy Festival, est une tentative de la part du gouvernement saoudien de détourner le regard du grand public du "contexte de répression croissante" dans le pays "notamment à l’encontre de la liberté d’expression, que bon nombre de ces humoristes défendent, mais dont les Saoudiens sont totalement privés".

D'autant que la tenue du festival coïncide avec le septième anniversaire du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, tué alors qu'il se rendait au consulat saoudien à Istanbul, en Turquie.

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D'après le Guardian, ce festival est en partie produit par la société Sela, une entreprise spécialisée dans l'événementiel, détenue par le fonds souverain saoudien mais aussi par l'Autorité générale du divertissement du royaume. Cette dernière est présidée par Turki al-Sheikh, un conseiller royal accusé de violations des droits humains, notamment la détention de personnes qui le critiquent sur les réseaux sociaux.

Changement de programmation et contrats restrictifs

Peu avant le lancement du Riyad Comedy Festival, un autre incident a également été pointé du doigt par le monde de l'humour. Annoncé à l'origine à l'affiche de l'événement, l'humoriste Tim Dillon a disparu de la programmation à la suite d'une blague jugée de mauvais goût par les organisateurs.

"Ils ont des esclaves, et alors? Ils me paient suffisamment pour que je ferme les yeux", avait-il ironisé dans un podcast.

Ce retrait pose donc question sur la liberté dont bénéficient (ou non) les humoristes dans le choix des thématiques à aborder sur scène pendant le festival. Lors de son interview, Louis C.K a ainsi révélé qu'on lui avait demandé de ne pas plaisanter sur le gouvernement, ni sur la religion, deux sujets sur lequel il assure n'avoir, dans tous les cas, "aucune plaisanterie" en stock.

De son côté, la comédienne nippo-taïwanaise-américaine Atsuko Okatsuka - qui a refusé de participer au festival - a dévoilé sur les réseaux sociaux un contrat qu'il lui aurait été envoyé par les organisateurs.

Dans celui-ci, il est précisé qu'il est interdit pour les participants de réaliser un sketch mentionnant "un contenu pouvant être considéré comme dégradant, diffamatoire, ou susceptible de jeter le discrédit public, le mépris, le scandale, l’embarras ou le ridicule sur le royaume d’Arabie saoudite, la famille royale saoudienne ou toute religion".

La BBC, qui a enquêté sur le Riyad Comedy Festival, assure toutefois ne pas avoir été en mesure de confirmer l'existence d'un tel contrat. Sur place, certains humoristes comme Bill Burr ont affirmé avoir pu parler sans restriction de sujets tels que le sexe, les femmes, les personnes trans ou l'homosexualité.

Carla Loridan