"La Grande aventure": comment Zep met Titeuf en danger dans son nouvel album

Détail de la couverture du prochain "Titeuf" - Glénat
Titeuf est de retour. L'immuable personnage à houppette blonde est le héros d'une grande aventure dans le monde réel, sa première en plus de trente ans d'existence, dans un dix-septième album qui semble remettre à zéro les compteurs de la série.
Proposant pour la troisième fois (après Nadia se marie et Bienvenue en adolescence) une histoire longue, Zep se renouvelle avec cette Grande aventure (en librairie ce jeudi 3 juin) où il envoie son personnage fétiche en colonie de vacances. Un nouveau décor qui va permettre à son héros, mais aussi à son meilleur ami Manu, de s'émanciper un peu, et de trouver un deuxième souffle, comme l'explique à BFMTV l'auteur de bande dessinée suisse:

"J'avais envie d'emmener Titeuf hors de son univers habituel, mais c'est compliqué: à 10 ans, les possibilités d'aventures sont réduites. Il ne peut pas aller sur la Lune! D'habitude, l'aventure chez Titeuf est imaginaire. Il s'inspire de son quotidien ultra-banal et il le transforme. A cet âge-là, la colo devient une aventure. C'était parfait. Je me suis aussi souvenu de cet album que j'avais fait il y a quelques années, The End. La forêt en était le personnage principal. C'est un album qui m'a pas mal marqué graphiquement. J'ai eu envie un peu inconsciemment d'emmener Titeuf dans ce décor."
"Mettre Titeuf en situation de danger"
Trouver la bonne idée a cependant pris du temps. Au départ, Zep voulait faire vivre à Titeuf une aventure préhistorique, mais "ça [le] gênait que ce ne soit pas possible". Puis il a imaginé une histoire où il partait en classe verte avec ses camarades Nadia, Hugo, Vomito, Ramatou... Il jette une nouvelle fois l'éponge: "J'ai hésité longtemps. Je ne savais pas trop où j'allais", concède-t-il. "Un récit de Titeuf, ce n'est pas exactement comme un vrai long récit. C'est entre un récit et une suite de gags qui sont raccrochés les uns aux autres comme des wagons."
L'idée de la colonie finit par le séduire. Il écrit une histoire de quatre-vingts pages, soit le double d'un album classique de Titeuf, qu'il resserre finalement à 64 pages. Outre la possibilité d'imaginer de nouveaux personnages d'enfants retors, piochés dans ses carnets de croquis, l'idée de la colonie lui permet surtout de mettre en scène des moniteurs, ces "adultes qui ne sont pas complètement des adultes": "de fil en aiguille, ça me semblait de plus en plus intéressant de mettre Titeuf dans une situation de danger, où il n'est pas avec ses repères habituels", ajoute le dessinateur.

Au cœur de ce nouvel album se trouve une chasse aux trésors. Titeuf et Manu découvrent dans les bois une mystérieuse cassette. Le duo commence à imaginer ce qu'il ferait de la fortune qui s'y cache... "J'avais envie qu'ils trouvent un vrai trésor. La forêt, c'est aussi un lieu fantastique quand on est enfant. Je me souviens avoir cherché partout des trésors, sans succès, et d'avoir eu peur des loups, sans en avoir jamais rencontré." Ces créatures inquiétantes sont dessinées sur la couverture de La Grande aventure, aux côtés d'un monstre ressemblant à Totoro.
Trouver une parade à la modernité
Réaliser un album plus long lui a permis d'emprunter les codes d'une de ses lectures de jeunesse, Tintin: "64 pages, c'est le format des grandes aventures de Tintin, avec de grandes illustrations d'une page qui reprennent un moment du récit." Comme si Zep voulait confronter l'univers de Titeuf à celui de ses BD plus adultes, qu'il sort chez Rue de Sèvres. Dans les deux cas, la nature y est omniprésente: "Je m'en suis rendu compte en faisant ce projet. Chaque album alimente l'autre. Il y a un vrai lien entre La Grande aventure et The End."
La forêt permet aussi à Zep de dessiner une histoire sans les téléphones portables, qui ont fait leur apparition dans les derniers tomes de la série, bien qu'il ait toujours refusé de laisser cette modernité entrer dans le monde de Titeuf. "Aujourd'hui, ça devient un peu compliqué de raconter une histoire avec des enfants de 10 ans qui ne sont pas connectés en permanence sur TikTok. Ça change un peu la donne. C'est un peu moins rigolo d'écrire ce genre d'histoire. Là, c'était une bonne manière de trouver une parade, mais je ne vais pas en écrire toujours."

Est-il inquiet par cette modernité qui menace l'imaginaire? "Je dirais que ça m'angoisse plus pour ce que devient le monde que pour mes problèmes d'auteur. Je trouverai toujours une manière de faire, mais ce changement assez radical de l'accès au monde qui tient dans une main, c'est à la fois formidable et effrayant. Pour raconter le monde, c'est moins intéressant, parce qu'on est moins dans l'imaginaire des gens. Ça ne crée pas une dynamique passionnante."
Le monde change, Zep aussi. Depuis une dizaine d'années, les dates de parution des albums de Titeuf se sont de plus en plus espacées. Il faut désormais attendre trois à quatre ans. Faut-il s'habituer à ce nouveau rythme de parution? "Ce sont peut-être les autres projets qui prennent du temps", répond le dessinateur, qui a signé ces derniers mois un album d'anticipation chez Rue de Sèvres (un autre est prévu à l'automne), les illustrations du dernier album de Renaud et une réédition du Guide du Zizi Sexuel. "Si je faisais un album tous les ans, peut-être que je me lasserais. Là, le retrouver, c'est un bonheur. Pour continuer à aimer un personnage, il faut qu'il nous manque."
La Grande aventure, Titeuf, tome 17, Zep, Glénat, 64 pages, 10,95 euros.