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Paris Île-de-France

Trop cher, à Paris le Quartier latin fait fuir ses librairies

Un rayon de la librairie Gibert Jeune en 2015

Un rayon de la librairie Gibert Jeune en 2015 - HUGO MATHY / AFP

Plusieurs librairies historiques du quartier ont été contraintes de déménager ou de fermer leurs portes. En cause, des loyers trop chers.

Dans le Quartier latin, coeur du savoir dans la capitale française depuis le Moyen Âge, la fermeture prochaine de quatre librairies du groupe Gibert, l'un des plus anciens vendeurs de livres du pays, illustre les difficultés d'un secteur qui, étouffé par les prix de l'immobilier, se réinvente ailleurs.

Sur la rive gauche de la Seine, ce quartier où s'est établie l'université de la Sorbonne dès le XIIIe siècle abrite des dizaines de librairies: des plus petites, ultra-spécialisées sur le droit, l'occasion ou la littérature canadienne, aux gigantesques comme la boutique Gibert-Joseph et ses six étages sur le boulevard Saint-Michel. Mais malmenées, certaines sont désormais contraintes de fermer ou de déménager. Parmi elle, Boulinier, vendeur historique du quartier. Cette librairie, née au XIXe siècle a dû déménager son magasin principal vers un local plus petit au printemps dernier.

Plus de touristes, moins d'étudiants

Lentement, le centre de Paris s'est tourné vers le tourisme. Les facultés parisiennes, de leur côté, se sont se "décentrées" vers la périphérie et la banlieue, observe François Mohrt, urbaniste à l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur). Axées sur le scolaire et l'universitaire, puis confrontées à la concurrence de la vente en ligne et de son mastodonte Amazon, les librairies du quartier ont ainsi vu leur nombre chuter de 43% en 20 ans, selon les chiffres communiqués par l'Apur sur les Ve et VIe arrondissements.

Les prochaines librairies à abandonner le quartier sont historiques: le groupe Gibert, premier libraire indépendant de France, installé ici depuis 135 ans, prévoit de fermer fin mars quatre de ses six boutiques Gibert-Jeune sur la très touristique place Saint-Michel, séparée par la Seine de la cathédrale Notre-Dame.

En 2020, la pandémie a vidé la place de ses touristes, puis Bruno Gibert, un ancien dirigeant du groupe, a vendu l'immeuble qui abritait la plus grande librairie de la place. Les loyers ne pouvaient rester les mêmes pour ces magasins en difficultés... accélérant leur chute.

Des aides de la Mairie

Pour préserver "le commerce culturel" et "enrayer sa décrue", la mairie de Paris - via sa société d'économie mixte Semaest - essaie de préempter les murs des librairies en grande difficulté, explique l'adjointe en charge du Commerce Olivia Polski.

La mairie propose des loyers "légèrement en-dessous" des prix du marché, pour les ré-implanter en misant sur un modèle "qui fonctionne": des petites librairies de proximité qui peuvent "faire aussi salon de thé", dit-elle.

Car à Paris, comme dans le reste du pays, ce sont les librairies généralistes de quartier qui redonnent espoir au secteur. Selon le Syndicat de la librairie française (SLF), les librairies indépendantes ont renoué avec la croissance depuis 2017, malgré un léger recul en 2020 (-3,3%), pénalisées par "trois mois de fermeture" lors des confinements.

Ce sont les plus petites boutiques - celles au chiffres d'affaire inférieur à 300.000 euros par an - qui progressent le plus: leurs ventes ont bondi de 15% l'an passé. Pour Guillaume Husson, délégué général du SLF: "Il y a un aspect social qui est incontournable aujourd'hui si l'on veut que sa librairie fonctionne". Et la proximité, les relations humaines entre libraires et clients sont des qualités que les lecteurs recherchent plus "dans les petites structures", constate-t-il.

Le groupe Gibert tire la même leçon. Il gardera son magasin de six étages à côté de la Sorbonne mais écarte toute nouvelle ouverture dans le Quartier latin. Et il réfléchit à ouvrir des librairies "de moins de 150m2" dans des arrondissements parisiens excentrés et "éventuellement en banlieue", mais "la question primordiale des loyers devra d'abord se poser", indique son directeur général Marc Bittoré.

Cy.C avec AFP