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Paris: ce que l'on sait de l'affaire des policiers accusés d'avoir volontairement percuté 3 mineurs à scooter

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Le parquet de Paris a confié à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) une enquête sur les conditions de l'accident. Un policier a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

Version contre version. Jeudi 13 avril peu avant minuit, un véhicule de police a été impliqué dans un accident après une course-poursuite avec un scooter monté par trois mineurs rue de Bagnolet, dans le XXe arrondissement de Paris.

Depuis, le pronostic vital de la conductrice âgée de 17 ans, grièvement blessée, n'est toujours engagé, selon le parquet. Les deux autres passagers, de 13 et 14 ans, ont été plus légèrement touchés au niveau du foie pour l'un, du genou pour l'autre.

· Deux versions bien différentes

Selon la version de la préfecture de police, ceux-ci ont souhaité contrôler les passagers de l'engin, au nombre de trois mineurs, dont un qui ne portait pas de casque. Pour les officiers, la conductrice aurait procédé à un refus d'obtempérer et aurait emprunté un sens interdit avant de perdre le contrôle du véhicule, puis de chuter.

Cette version est depuis contredite par de nombreux témoins dont Méline, une passante qui a filmé les minutes qui ont suivi la chute. "J’ai vu les policiers faire une première tentative pour essayer de faire tomber les jeunes en ouvrant leur portière, ce qui n’a pas marché", dit-elle, auprès de BFMTV.

"Quelques secondes plus tard, ils ont mis un coup de volant volontaire, je vois le scooter se lever et les corps éjectés", ajoute-t-elle.

Cette femme affirme aussi avoir reçu l'ordre d'une policière d'effacer des vidéos qu'elle avait réalisées juste après le choc. "Une inspectrice m'a clairement menacée et dit que j'allais avoir de gros problèmes et finir en garde à vue si je n'effaçais pas les vidéos", a-t-elle assuré.

Selon StreetPress, plusieurs personnes ayant assisté à la scène ont ensuite voulu rester sur place pour livrer leurs témoignages. Mais elles assurent en avoir également été dissuadées par les forces de l'ordre qui leur ont demandé de partir, sans prendre leurs coordonnées.

Deux ont toutefois pu faire une déposition auprès des policiers du service de traitement judiciaire des accidents, arrivés plus tard sur les lieux de l'accident.

• Les familles réclament "transparence" et "vérité"

Lors d'une conférence de presse organisée ce jeudi à Paris, les familles des passagers, en compagnie de plusieurs témoins de la scène et de leurs avocats, ont réclamé "la transparence" et "la vérité" sur les conditions de l'accident.

"Je condamne son acte d’être monté sur un scooter, mais il vient d’avoir 14 ans, ça ne justifie pas qu’il soit projeté à plus de 40 km/h", dit Amanda, la mère d'un des adolescents.

La sœur d'un autre passager, qui a pu s'entretenir avec lui, donne quelques détails supplémentaires sur la chronologie des faits. "Lui me dit qu’ils ont ouvert la portière et qu’une policière les a menacés avec une arme. La conductrice a eu peur et a accéléré", assure-t-elle à BFM Paris.

"C’est normal, même moi en tant qu’adulte si on me menace avec une arme je vais courir. Elle a accéléré, et je pense que c’est là qu’ils les ont percutés", ajoute-t-elle encore.

Une version corroborée par l'un des adolescents, qui a donné sa version de l'accident aux médias StreetPress et Médiapart. "Ils nous ont tamponnés avec l’avant de leur voiture. Ils ont mis un coup de volant pour nous tamponner le scooter et nous faire un accident", dit-il.

• Une plainte déposée auprès de l'IGPN

Également présent à la conférence de presse de jeudi, Me Arié Alimi, avocat des familles des adolescents percutés, a dénoncé "une volonté de dissimulation manifeste, une volonté de faire détruire des preuves, une volonté aussi d'organiser une procédure qui viserait à criminaliser les enfants eux-mêmes".

Selon lui, les versions des témoins, mais également des victimes, sont accablantes.

"Moi ce que je sais, c’est qu’il y a des témoins qui ont tout vu, le fait que la voiture se soit déportée brutalement et d’un seul coup, a percuté le scooter. Ce que je sais, c’est les enfants eux-mêmes qui me l’ont dit, sans aucun doute possible", dit-il.

Ce dernier a déposé plainte pour tentative d'assassinat par personne dépositaire de l'autorité publique, avec arme par destination, sur personnes mineures.

Le parquet de Paris a confié à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) une enquête sur les conditions dans lesquelles le scooter a chuté, et ouvert une autre enquête sur le refus d'obtempérer de la conductrice.

Ce vendredi, la défenseure des droits Claire Hédon a anoncé qu'elle s'est autosaisie dans ce dossier au titre de deux prérogatives: la défense des droits de l'enfant, et la déontologie des forces de sécurité. Elle pourra demander à la justice de lui fournir des pièces du dossier (les vidéos par exemple), interroger des témoins, enquêter aussi sur l'encadrement et la formation des policiers impliqués

• Les trois policiers placés en garde à vue

Les trois policiers ont été placés en garde à vue, a indiqué vendredi une source proche dossier à BFMTV. Gérald Darmanin a annoncé ce vendredi que les trois policiers accusés avaient reconnu "des gestes qui ne sont pas appropriés" et étaient suspendus.

"Je crois comprendre que les témoignages des policiers du premier jour ne sont pas ceux d'aujourd'hui et qu'ils reconnaissent des gestes qui ne sont pas appropriés", a déclaré le ministre de l'Intérieur sur Franceinfo.

"J'ai demandé au préfet de police de suspendre (...) ceux qui seraient responsables, notamment une conductrice et d'autres policiers, de cette situation", a ajouté Gérald Darmanin.

Ce dernier ajoute alors que "les témoignages ici et là" semblent indiquer "une intervention qui n'est pas conforme à ce que le droit et la déontologie permettent".

La demande de suspension a été signée par le préfet de police, confirme la préfecture de police à l'AFP. "Ces suspensions sont donc effectives", a précisé la préfecture de police.

Le policier conducteur a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire vendredi soir pour violences avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours pour deux des mineurs et moins de huit jours pour le troisième.

Les deux autres gardes à vue des membres de l'équipage de police ont été levées ce vendredi soir, sans poursuite à ce stade de l'enquête.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV