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"Qu'ils nous rendent notre classe": mobilisation contre la fermeture d'une classe pour lycéens étrangers à Pantin

L'une des deux classes UPE2A du lycée Simone Weil doit fermer dès l'année prochaine.

L'une des deux classes UPE2A du lycée Simone Weil doit fermer dès l'année prochaine. - Fred Dufour - AFP

L'Académie de Créteil a annoncé la fermeture de l'une des deux classes pour lycéens étrangers au lycée Simone Weil de Pantin. Les enseignants se mobilisent contre cette décision.

C'est une incompréhension pour les enseignants du lycée Simone Weil de Pantin, en Seine-Saint-Denis. Depuis vingt ans, l'établissement accueille deux unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A). Chaque année, ces classes permettent à une quarantaine d'élèves réfugiés d'apprendre le français en suivant des cours de maths, de sciences ou d'histoire-géographie en fonction de leur niveau.

Mais l'Académie de Créteil a prévu de fermer l'une de ces deux classes dès l'année prochaine. Une fermeture qu'elle justifie par un nombre d'élèves insuffisant.

"On a vidé notre classe pour justifier la fermeture"

À la rentrée de septembre, le nombre d'inscrits dans ces classes était passé de quarante à dix-sept. Une baisse significative, mais surtout un prétexte, explique Flavia Quintiliano-Verri, enseignante responsable des UPE2A, contactée par BFMTV.com.

"On a vidé notre classe pour justifier la fermeture. Si l'Académie ne nous affecte pas d'élèves, forcément les classes sont vides."

En 2020, malgré la fermeture des frontières en raison de la crise saniaire, les deux classes UPE2A étaient remplies. Et avec la guerre en Ukraine, les enseignants s'attendent à accueillir des réfugiés ukrainiens.

"L'institution nous a répondu que les Ukrainiens ne veulent pas venir chez nous. Mais c'est bizarre, dans ce contexte", poursuit Flavia Quintiliano-Verri. "J'ai eu des élèves haïtiens après les tremblements de terre, des élèves tunisiens au moment du Printemps arabe. Les classes sont fluctuantes au niveau des arrivées et des origines."

Des niveaux différents

La particularité du lycée Simone Weil est d'avoir deux UPE2A, contrairement aux autres établissements qui n'accueillent généralement qu'une classe de ce genre. Ce qui permettait aux enseignants de séparer les élèves en groupes de niveaux.

"On en a qui doivent tout apprendre, et on en a qui parlent des langues qui se rapprochent du français et qui doivent juste améliorer leur lecture et leur écriture." Avec la fermeture d'une de ces deux classes, les élèves de différents niveaux vont se retrouver mélangés. "On va avoir des élèves qui ne connaissent rien du tout au Français avec ceux qui ont déjà les bases."

Les professeurs du lycée ne comprennent pas la décision de l'Académie de fermer une classe qui donne de bons résultats depuis vingt ans. "On a les conditions d'accueil, les professeurs, les compétences et l'expérience de terrain. C'est tout ça qui risque d'être détruit si la classe n'est plus là."

De nombreux soutiens

Depuis l'annonce de la fermeture de la classe en début d'année, le lycée Simone Weil a reçu beaucoup de soutien. Des anciens élèves des UPE2A, désormais en BTS, ont fait circuler une pétition.

"Nous, anciens élèves et actuels élèves d'UPE2A, voulons exprimer notre solidarité avec tous nos professeurs [...]" écrivent-t-ils. "Nous voulons remercier nos enseignants pour tout ce qu'ils ont fait pour nous. Ils nous ont appris le français. Nous avons tous progressé. Ils nous ont aidé pour nos orientations et pour nos situations (pendant le confinement)."

Salim Didane, adjoint au maire de Pantin, a également apporté son soutien au lycée, dans un courrier adressé au rectorat. "Aujourd'hui, nous demandons expressement de revenir sur cette décision en réappréciant la singularité de cette classe et de son positionnement pour notre Ville, les jeunes qui y sont accueillis, mais aussi au regard des résultats très positifs obtenus depuis le départ."

Les UPE2A du lycée Simone Weil ont également reçu le soutien de la Fédération des parents d'élèves du 93, de Médecins Sans Frontières, ainsi que du Parc de la Villette, avec qui le lycée a mené de nombreux projets.

Mais tous les courriers et demandes de rencontre adressés à l'Académie sont restés sans réponse.

"On voudrait être entendu", déplore Flavia Quintiliano-Verri. "On a frappé à toutes les portes, comme n'importe quelle structure qui veut se défendre. On veut qu'ils nous rendent notre classe."

De son côté, l'Académie a déclaré qu'il ne s'agit pas exactement d'une fermeture, mais plutôt d'un déplacement. En effet, la classe UPE2A qui doit fermer au lycée Simone Weil doit ouvrir au lycée des métiers François Rabelais de Dugny.

Une explication qui ne satisfait pas les organisations syndicales: "Le déplacement d'un UPE2A qui fonctionne et qui, jusqu'à l'an dernier, était une classe entièrement remplie ne peut se justifier", écrivent-elles dans un communiqué. "Si des besoins se font sentir ailleurs, c'est une ouverture qu'il faut organiser, et non un transfert!"

Laurène Rocheteau