"On ne peut pas laisser passer ça": l'État condamné pour la première fois à indemniser deux familles victimes de la pollution

Une décision qui fera jurisprudence. Ce mardi, le tribunal administratif de Paris a condamné l'État à verser 3000 et 2000 euros aux parents de deux fillettes, victimes de la pollution de l'air dans la capitale.
La justice a estimé qu'une partie des symptômes de bronchiolite et d'otite dans les premières années de la vie de deux enfants étaient dues au dépassement des seuils de pollution en région parisienne.
Bronchiolites à répétition
Parmi les enfants concernés, Nina, qui durant les deux premières années de sa vie a multiplié les graves ennuis de santé. Son père, Kevin Librizzi, se rappelle auprès de BFMTV du quotidien de son enfant, alors que la famille habitait à quelques centaines de mètres du boulevard périphérique, qui ceint Paris.
"Elle nous a fait huit bronchiolites en très peu de temps, elle faisait des crises d’asthme tout le temps, elle sifflait tout le temps, elle ne mangeait plus", décrit-il.
Au fil du temps, la famille s'est aperçue que les symptômes de Nina correspondaient parfaitement avec les pics de pollution qui touchaient Paris. "Dans la foulée, on se retrouvait aux urgences ou elle faisait de l‘asthme", abonde le père de famille.
"Elle s'est métamorphosée"
Il y a six ans, les parents de Nina décident de quitter la région parisienne pour Agde, dans l'Hérault. "Elle s’est métamorphosée, c’est une autre vie. Quand on est arrivés en septembre 2017, le carnet de santé est quasiment devenu vierge, plus rien", se réjouit Kevin Librizzi.
La justice a également pointé une "amélioration nette de l'état de santé" observée après le déménagement des familles loin de Paris. Pour autant, ce déménagement forcé a laissé des traces, familiales et professionnelles, et a poussé la famille à traîner le ministère de la Transition écologique devant la justice.
"S’il n’y avait pas eu ce problème d’asthme à cause de la pollution atmosphérique, on serait resté en Île-de-France, on avait notre carrière là-bas, on avait toute notre famille surtout, on s’est dit ‘c’est pas normal, on ne peut pas laisser passer ça’", explique-t-il.
Afin d'appuyer sa décision, le juge cite des avis scientifiques, qui attribuent environ 30% des otites moyennes et entre 30% et 50% des bronchiolites sévères à la pollution.
"Il est temps d'agir"
Ce verdict ajoute à la pression sur l'Etat, déjà reconnu responsable de la mauvaise qualité de l'air par le Conseil d'Etat, qui l'a condamné en octobre 2022 à une somme record de 20 millions d'euros, après une première décision portant sur une astreinte de 10 millions d'euros en août 2021.
"C’est une avancée car cette décision fera jurisprudence. Et puis surtout c’est un signal politique qui rappelle à l’État, à la France, qu’il est temps d’agir et de prendre des mesures qui soient audacieuses et courageuses pour améliorer la qualité de l‘air", fait valoir Tony Renucci, directeur général de l’association Respire.
"Ces deux décisions sont inédites et importantes", dit à l'AFP François Lafforgue. "Pour la première fois en France, des victimes de la pollution de l'air sont indemnisées", dit-il. Les indemnités obtenues sont par ailleurs faibles comparées aux 219.000 et 222.000 euros réclamés.
Selon Santé Publique France, 40.000 morts sont attribuables chaque année aux particules fines.