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"On est passé de 650 à 300": burn-out et arrêts maladie en série au service de la circulation routière à Paris

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Tension élevée, fatigue, mal de dos, burn-out: 150 des 300 policiers qui composent cette compagnie ne sont actuellement plus en service. Certains d'entre eux ont été convoqués par la médecine du travail et jugés aptes à reprendre sans auscultation, déplore Unité SGP Police Force Ouvrière.

50%. C'est la part des policiers issus des compagnies centrales de circulation de Paris actuellement en arrêt maladie: 150 sur 300 agents. Tension élevée, fatigue, mal de dos, burn-out: les raisons sont diverses mais résultent pour l'essentiel d'un manque d'effectifs, assurent-ils. Pour la deuxième journée consécutive, des policiers ont manifesté ce mardi matin dans le 14e arrondissement de la capitale, à l'appel du syndicat Unité SGP Police Force Ouvrière.

"C'est un bras de fer avec la direction de l'ordre public et de la circulation, a souligné Rocco Contento, secrétaire national adjoint du syndicat, sur BFM Paris. Nous sommes d'abord ici pour soutenir nos 150 collègues en arrêt maladie, en détresse psychologique et morale, qui sont convoqués encore aujourd'hui devant la médecine statutaire de la police, au mépris de toutes les règles élémentaires de droit."

Et l'intéressé de rappeler: "Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. (...) Lorsque vous êtes en arrêt maladie, vous êtes convoqué à la fin de votre arrêt maladie pour votre bulletin de reprise. Là, ils convoquent comme par hasard en moins de 24 heures les collègues alors que leur arrêt maladie débute ou qu'ils ont repris du service".

"Le Fourgon de la honte!"

Comme Yvan, environ 20 policiers étaient convoqués ce mardi matin. "Je me suis rendu là-bas, avec mes ordonnances, rembobine-t-il à notre micro. Quand c'était mon tour de passer devant le médecin mandaté pour l'occasion, sans même m'ausculter, ce dernier m'a jugé apte à reprendre mon service." Rocco Contento fulmine: "On se demande si ces médecins de la police nationale sont de véritables médecins".

Selon Grégory Joron, secrétaire général du même syndicat, "on est limite dans l'intimidation. On les a fait revenir en service. On les a mis en civil alors qu'ils étaient sur le terrain et on les a emmenés à la convocation en fourgon. C'est proprement choquant, clairement." Dans un tract, le syndicat Unité SGP Police Force Ouvrière fustige "Le Fourgon de la honte!".

La préfecture de police de Paris n'en démord pas et répond que l'administration a légalement le droit de procéder ainsi. Pas de quoi apaiser Rocco Contento, qui souhaitait ce mardi "montrer (sa) colère envers le directeur de la Direction de l'ordre public et Didier Lallement.

Des effectifs en chute libre

La multiplication des arrêts maladie des policiers des compagnies centrales de circulation symbolise le ras-le-bol des agents composant ce service, dont le nombre chute d'année en année.

"On est passé de 650 effectifs, en 2013, à environ 300", déplore Franck, policier actuellement en arrêt maladie. Trois agents tout juste sortis d'école sont arrivés en septembre pour compenser six départs.

Pourtant, il leur faut aujourd'hui réaliser "quatre à cinq fois plus de missions", poursuit-il. S'il y a quelques années ces policiers régulaient uniquement les flux de véhicules, ils ont désormais la charge de remplir diverses missions: interdire certaines rues lors de manifestations, sécuriser des déplacements officiels, protéger des cortèges, etc. "Les collègues, pendant six heures, ils sont debout, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige", souffle un policier qui a souhaité garder l'anonymat.

Nouvelles assignations et horaires chamboulés

Ces nouvelles assignations chamboulent les emplois du temps des agents, eux qui bénéficiaient ordinairement de deux jours de repos hebdomadaires. Ils sont aujourd'hui souvent d'astreinte ou rappelés le week-end, parfois à la dernière minute.

"Un coup, nous sommes censés être du matin. La veille, on nous prévient qu'on est d'après-midi ou vice-versa. Cela arrive très, très, très régulièrement. Nous sommes des pions. Nous sommes des numéros. Ça ne peut plus durer comme ça", insiste-t-il.

S'agissant des cycles de travail, la Préfecture assure qu'un "dialogue" a été engagé avec les organisations syndicales de manière à s'aligner sur la réglementation européenne. Certains rythmes ne sont aujourd'hui "plus conformes et doivent évoluer d'ici 2022".

Florian Bouhot avec Raphaël Maillochon