BFMTV
Paris Île-de-France

Mort de Souheil El Khalfaoui tué par un policier: des scellés du dossier désormais "introuvables"

Un écusson de la police nationale (illustration)

Un écusson de la police nationale (illustration) - DENIS CHARLET / AFP

D'après la juge en charge du dossier consacré à la mort du jeune homme, tué à Marseille en 2021, plusieurs pièces capitales du dossier ont été perdues. La famille a porté plainte et dénonce une pratique "visant à étouffer la vérité sur un crime policier".

La juge qui instruit l'enquête sur la mort de Souheil, un jeune homme tué en 2021 à Marseille par un tir policier, a annoncé que plusieurs pièces capitales du dossier étaient "introuvables", poussant sa famille à porter plainte pour détournement de scellés.

Dans un courrier daté du 4 juin adressé à l'avocat de la famille, révélé par Mediapart et que l'AFP a pu consulter lundi, il est indiqué "qu'après plusieurs mois de recherches", "neuf scellés (...) demeurent introuvables".

Après leur sortie du service de stockage début 2022, "ils n'ont en effet jamais été restitués au greffe des scellés".

Or, parmi eux figurent des pièces à conviction capitales, comme une vidéo de caméra de surveillance d'une agence bancaire de la Caisse d'Epargne toute proche, l'enregistrement de l'audition filmée du policier mis en cause et la balle qui a tué Souheil.

La famille et ses conseils dénoncent dans un communiqué de presse lundi "des pratiques dignes de systèmes de corruption, visant à étouffer la vérité sur un crime policier".

Souheil avait été tué dans le quartier de la Belle de Mai aux alentours de 19h30, le 4 août 2021, lors d'un contrôle auquel il aurait tenté de se soustraire en faisant marche arrière, percutant un policier, selon les forces de l'ordre. Une version que la famille réfute.

"Ecuries d'Augias"

De premières recherches pour retrouver ces scellés ne sont entreprises par le juge d'instruction Patrick De Firmas qu'en 2024, apprend-on dans un rapport du greffe, également consulté par l'AFP. Soit deux ans après qu'il ait commencé à enquêter sur l'affaire, en octobre 2022.

Un an plus tôt, l'affaire avait été classée sans suite par le procureur en charge du dossier André Ribes avant d'être rouverte par sa successeure Dominique Laurens en avril 2022, après le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile pour homicide volontaire.

Selon le rapport du greffe, Mme Laurens avait alors "décidé de récupérer la procédure ainsi que les neuf scellés". Interrogée, elle avait "indiqué que les scellés étaient conservés dans son bureau" mais "rien n'a été retrouvé", achève le rapport.

Dans une plainte déposée en juin que l'AFP a pu consulter, la famille et ses conseils accusent Dominique Laurens d'avoir "volontairement détourné les neuf scellés".

"Certains magistrats du parquet et notamment à Marseille ont une idée très subjective de la loi et des frontières de la procédure dans l'objectif de protéger les fonctionnaires de police", a réagi Arié Alimi, avocat de la famille, interrogé par l'AFP. "Cette plainte permettra, je l'espère, de nettoyer les écuries d'Augias", conclut-il.

Si le parquet de Marseille a confirmé à l'AFP la réception de la plainte et la perte des scellés, donnant lieu à l'ouverture d'une enquête, il a toutefois réfuté toute "intention de dissimulation" et estimé que cela ne "devrait pas nuire à l'instruction" car chaque scellé a fait l'objet "d'un procès-verbal".

La juge a par ailleurs, dans son courrier, demandé à la partie civile de transmettre les copies de quatre des scellés dont elle dispose sur les neuf.

"La vérité"

Dans sa plainte contre Dominique Laurens, la famille mentionne également que, sur les six fichiers de vidéosurveillance transmis par l'agence bancaire de la Caisse d'Epargne toute proche, seules deux vidéos sont placées sous scellé et se révèleront illisibles lors d'un entretien avec la famille, en février 2022.

A la suite d'une enquête de l'IGPN, seuls trois fichiers sur six sont retrouvés. Surtout, la famille relève que la vidéo du tir mortel du policier n'y figure pas.

"Au fur et à mesure que les pièces disparaissent, il reste quoi à la fin ?", interroge le père de Souheil, Issam El Khalfaoui. "Les dires des policiers", assène-t-il. "Au fur et à mesure, c'est la vérité qui se dilue."

Le père du jeune homme demande aujourd'hui une reconstitution du meurtre de son fils, encore jamais entreprise: "Je veux la vérité".

M.H avec AFP