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"La peur s’est imprégnée en moi": poignardé à 16 ans, Nassim attend justice depuis six ans

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Deux hommes vont être jugés à partir du lundi 5 mai devant la cour d’assises de l’Essonne, accusés d’avoir tenté d’assassiner à coups de couteau un lycéen de 16 ans. Le jeune homme, âgé aujourd’hui de 21 ans, a dû apprendre à vivre avec une angoisse sourde et un sentiment que la justice ne passerait jamais.

Il a le visage grave, et même lorsqu’un sourire l’illumine, son regard reste encore marqué par des ombres. Nassim Bougoutaia a failli mourir assassiné il y a six ans, dans la cour de son lycée à Cernon (Essonne), poignardé par deux hommes qui pensaient avoir affaire à un autre.

Ce jour-là, le 30 octobre 2019, il sort de cours lorsqu’il découvre que deux hommes, visiblement dangereux, sont à la recherche d’un certain Jeremy devant le lycée. L’adolescent encaisse un coup de poing, puis court. 

"Un des deux m’a poursuivi. Je suis rentré dans la cour, j’ai pris un coup de couteau d’abord dans le flanc. Avec l'adrénaline, je n’ai rien senti, j’ai continué à courir mais je me suis cogné contre un mur. Je me suis retourné, c’est là que la personne qui me poursuivait m’a poignardé directement dans le poumon, à 5 mm du cœur", se souvient-il auprès de BFMTV.

Les suspects se rendent quatre jours après

Les deux hommes prennent la fuite. Très vite, les pompiers arrivent sur place. La tache rouge sur le blouson clair de l’adolescent grandit, mais il ne réalise pas encore la gravité des faits.

"Quand le pompier a commencé à vouloir suturer ma plaie au cœur, c’est là que le sang a giclé sur son visage. Il s’est mis à hurler 'Pneumothorax ! Il faut l’emmener !' Là j’ai compris que c’était grave", explique Nassim à BFMTV.

Aux urgences, la chirurgienne qui va opérer Nassim Bougoutaia lui dit la vérité: elle ne sait pas encore s’il va pouvoir survivre.


"Pendant trois jours, j’ai refusé de parler de ce qui venait de m’arriver, j’étais avec ma mère, mon père, je me disais que c’était peut-être les trois derniers jours avec eux, je voulais profiter d’eux", relate-t-il à BFMTV.

Au même moment, les gendarmes de la brigade de recherches d’Etampes traquent les deux agresseurs. Grâce au recoupement d’auditions, ils remontent jusqu’à deux jeunes hommes, Yannis B. et Yohann C., 20 et 21 ans, et un mobile basé sur une rumeur infondée, celle d’un harcèlement sentimental de la petite sœur de Yohann par "Jérémy" qu’ils venaient chercher ce jour-là dans leur expédition punitive.

Le 13 octobre 2019, quatre jours après les faits, ils se rendent d’eux-mêmes à la gendarmerie. Après deux jours en garde à vue, ils sont mis en examen du chef de tentative d’assassinat et incarcérés en détention provisoire.

"À un moment, je ne sortais plus"

Mais alors que l’instruction s’est terminée en 2021, les deux hommes ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire en attendant leur procès. Et ce n’est que ce lundi, soit presque six ans après les faits, qu’ils vont être jugés devant la cour d’assises de l’Essonne. Une attente insoutenable pour Nassim Bougoutaia, qui pendant très longtemps a vécu dans la peur de les recroiser.

"Dès que je voyais une moto, je me retournais, je me disais “Peut-être que c’est les gars qui veulent finir leur travail’. À un moment, je ne sortais plus. Je ne sortais que si j’étais accompagné, car c’était la peur, tout le temps…La peur s’est imprégnée en moi", indique le jeune homme à BFMTV.  

Un sentiment doublé d’une urgence à vivre plus vite que les autres. "J’ai voulu faire tout vite, c'est-à-dire que je me suis marié très tôt, je suis parti travailler très tôt [dans l’aéronautique, ndlr]. Je voulais laisser une trace de mon passage ici. Je ne sais pas si je vais survivre, car j’ai encore énormément de séquelles, j’ai des problèmes cardiovasculaires, j’ai encore des impacts psychologiques malgré mon suivi", explique-t-il à BFMTV.

De confession musulmane, il explique avoir réussi néanmoins à garder la tête hors de l’eau notamment grâce à la foi. “Je me suis dit que c’est le destin qui a voulu ça, et que ça a peut-être permis à ce Jérémy, que je ne connais pas, de ne pas être tué. Peut-être que s’ils l’avaient trouvé, ça se serait terminé de façon plus dramatique".

Qui a asséné les coups de couteau ?

Un jeune homme qu’il va croiser ce lundi, sur le banc des parties civiles. Hosni Maati, l’avocat de Nassim Bougoutaia depuis le début de ce dossier, s’est battu pour que ce procès soit audiencé, relançant régulièrement ses interlocuteurs judiciaires.

Mais il estime que la faute incombe à "une absence de volonté politique de donner plus de moyens à la justice".

"Dès lors que les accusés ne sont pas en détention provisoire, nous assistons à des procédures à rallonge qui peuvent donner le sentiment, et il faut se battre contre cela, que les décisions qui sont rendues n’ont pas de réelle effectivité pour les accusés, la partie civile et la société", déclare l'avocat à BFMTV.

Reste une interrogation lors de ce procès: qui a asséné les coups de couteau ? Nassim Bougoutaia est formel, il avait face à lui Yannis B.

Pourtant, durant toute l’instruction, c’est Yohann C., le grand frère, qui s’est accusé de la tentative de meurtre, une version corroborée par l’autre accusé. Le procès permettra peut-être de faire la lumière sur cette dernière zone d’ombre. Mais les deux hommes encourent tous deux une peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Alexandra Gonzalez