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"Il faut légiférer": commerçants et élus parisiens s'inquiètent d'un projet d'arrêté sur les dark stores

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Le projet d'arrêté ministériel établit qu'il suffirait d'un point de collecte pour que les dark stores soient considérés comme des commerces. Les commerçants et élus parisiens demandent une réglementation plus stricte.

C'est un projet qui ne passe ni auprès de la mairie de Paris, ni auprès des commerçants. Alors que les dark stores et dark kitchens pourraient bientôt être encadrés par un arrêté ministériel, les commerçants et restaurateurs s'inquiètent de l'impact que cela pourrait avoir sur les commerces de proximité.

Actuellement, de nombreux dark stores sont installés illégalement. Pour être en règle, il leur faut normalement demander une autorisation à la mairie. Le nouveau texte pourrait changer la donne.

Depuis plusieurs mois, les opposants à ces lieux tirent la sonnette d'alarme sur la concurrence déloyale que représentent ces entrepôts et cuisines "fantômes" pour les commerçants.

"Il va falloir légiférer, parce que ça va détruire nos centres-villes, nos cœurs de ville", insiste sur BFM Paris Île-de-France, Alain Fontaine, restaurateur dans le 2e arrondissement. "Vous ne pouvez pas avoir des magasins fermés avec des volets, et derrière, une activité économique quelle qu’elle soit. Il faut légiférer fortement."

"Laboratoires de cuisine, mais en aucun cas restaurants"

Ce restaurateur, qui est également président de l'Association Française des Maîtres Restaurateurs, estime qu'il n'est pas envisageable d'interdire totalement les dark stores et dark kitchens. "Vous êtes dans une économie de marché où la liberté de faire commerce est intangible, donc vous ne pouvez pas les interdire. Par contre, il faut qu'ils aient les mêmes contraintes [que les autres commerces]."

Alain Fontaine appelle les mairies à agir rapidement, et à ne pas commettre la même erreur que lors de l'arrivée des premiers fast-foods en France.

"On ne s'est pas assez occupé de ces installations, on a trouvé ça anecdotique. (...) Les gens contestaient, mais tout le monde pensait que c'était une mode. Et en fin de compte, on sait que les fast-foods sont largement installés aujourd'hui, et ils se sont installés sous le terme 'restaurant'."

Un terme qu'Alain Fontaine ne veut surtout pas voir utilisé pour les dark kitchens. "Il faut les appeler 'laboratoires de cuisine', mais en aucun cas 'restaurants'. (...) Il ne faut pas mentir au consommateur. Quand vous tapez sur un bouton pour avoir un plat, vous tapez dans un laboratoire. (...) Un restaurant, c'est ouvert au public, dans la rue, vous avez des gens assis à table, des gens qui viennent prendre votre commande."

Au-delà de la concurrence déloyale et du risque de voir les petits commerces de proximité disparaître, Alain Fontaine s'inquiète aussi de l'impact écologique que représente ces dark stores et dark kitchens.

"Il s'agit de la vie des résidents, avec le bruit des moteurs qui s'arrêtent, qui repartent, avec de la pollution. Mais aussi avec un encombrement considérable. C'est anti-écologique. Les dark kitchens, il faut voir le nombre de cartons qui sont faits pour votre repas."

Un avis que partage la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui s'est exprimée lors de l'annonce du projet d'arrêté ministériel. "Les dark stores sont à contre-courant des solutions utiles à l'ère du changement climatique", écrit-elle sur son compte Twitter, dénonçant au passage une pratique qui vise à "détruire les liens sociaux, la vie des quartiers, les droits des travailleurs, pousser à la surconsommation."

La mairie de Paris exprime son inquiétude

Le week-end dernier, le premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, avait publié sur son compte Twitter un extrait du projet d'arrêté ministériel visant à légaliser les dark stores et dark kitchens. Avec cette réglementation, un simple point de collecte pourrait être suffisant pour être considéré comme un commerce.

L'adjoint à la maire de Paris a partagé son "inquiétude" et son "incompréhension" face à ce projet d'arrêté. Une réaction partagée par de nombreux élus parisiens. Sylvain Maillard, député de la première circonscription de Paris, s'est lui aussi exprimé sur Twitter, déclarant que la capitale ne voulait pas de ces lieux "sans foi ni loi qui pourrissent la vie des riverains et sans taxe ni impôts sur la collectivité."

De son côté, Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement, a assuré à l'AFP que le projet n'était pas "définitif".

"Il faut réguler les dark stores et trouver l'équilibre entre vitalité des centres-villes et emploi", écrit-il sur Twitter, invitant ensuite la mairie de Paris à participer à la concertation concernant ce projet de texte.

La mairie de Paris demande tout de même au gouvernement de suspendre ce projet d'arrêté en attendant d'organiser une "réunion de travail" entre les différents acteurs concernés, dont les grandes villes.

L'implication de la municipalité sur ce sujet est une bonne nouvelle pour Alain Fontaine.

"La mairie de Paris doit s’intéresser à ça, parce qu’il s’agit de l’art de vivre. Quand vous poussez les gens à rester chez eux, à ne plus descendre dans les magasins, à ne plus aller au restaurant parce qu’ils mangent chez eux et se font livrer leurs courses, alors oui, il y a un véritable problème. "

Au début de l'été, la municipalité avait déjà annoncé son intention d'infliger des pénalités financières aux "grands acteurs" de la livraison de courses à domicile. Elle estime qu'il existe pour le moment une centaine de dark stores dans la capitale, un nombre qui ne cesse d'augmenter depuis le début de l'épidémie de Covid-19, où les restrictions de déplacement ont profité à l'essor de ces lieux.

Laurène Rocheteau