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"Hamas au 3e étage": à Paris, une locataire ciblée par des tags après avoir accroché un drapeau palestinien, une plainte déposée

Les tags ont été découverts dans la cage d'escalier de l'immeuble, situé dans le quartier de Bastille, à Paris.

Les tags ont été découverts dans la cage d'escalier de l'immeuble, situé dans le quartier de Bastille, à Paris. - DR

Des tags ont été découverts dans une cage d'immeuble à Paris, ce samedi 31 mai. Une locataire, visée en raison d'un drapeau palestinien attaché à sa fenêtre, est sommée, par le bailleur, de payer les réparations.

"C'est un acte haineux qui a été commis, j'en suis la victime." Locataire d'un appartement dans le quartier de Bastille, à Paris, Laetitia* a découvert dans la soirée du 31 mai des tags qui l'affiliaient au Hamas dans la cage d'escalier de son immeuble.

"Hamass au 3e étage" et "Bureau du Hamass au 3e étage", est-il écrit à la peinture bleue. Un sticker "Terroriste violeur", où un keffieh est recouvert de sang, a également été collé sur l'une des portes qui donne accès aux appartements.

Un drapeau palestinien attaché à la fenêtre

Ces tags, qui mentionnent l'étage dans lequel réside la locataire, font référence à un drapeau palestinien que la jeune femme a accroché l'été dernier "depuis les manifestations en soutien à la Palestine", retrace-t-elle, jointe par BFMTV.com.

"Le drapeau, je ne l'ai pas mis en signe de propagande, pour attiser une haine, mais en soutien au peuple palestinien qui est en train de vivre un génocide. Je comptais aussi acheter un drapeau du Congo, du Vietnam, pour tous les pays opprimés."

La consultante âgée de 30 ans a découvert ces tags haineux en rentrant après être sortie pour voir la finale de la Ligue des Champions samedi 31 mai. Un déroulé qui n'est, selon elle, pas anodin.

"Un acte prémédité"

"Ce que je comprends, c'est que c'était un acte prémédité, l'auteur des faits a attendu un soir de finale du PSG parce qu'il savait très bien qu'il n'y aurait personne pour l'observer et que la police ne viendrait pas parce qu'à Bastille il y avait beaucoup trop de monde.

En "état de choc total", Laetitia prévient d'abord ses proches, sentant "quelque chose de très oppressant, anxiogène, qui est créé et voulu par l'auteur des faits". Après un appel le lendemain, le syndicat de copropriétés lui informe qu'une plainte va être déposée "pour assurer les frais de réparation".

"Sans ce drapeau, rien ne serait arrivé"

Un soutien qui n'a pas été partagé par le bailleur. En réponse à un mail écrit par la locataire, ce dernier rappelle qu'il est interdit dans la clause du bail de location "d'exposer aux fenêtres, aux balcons et sur les terrasses, ni linge ni autres objets".

"Ce drapeau a suscité bon nombre de réactions, lequel a entraîné des graffitis dans la cage d'escalier", écrit le bailleur. Ce que conteste la locataire, qui assure que depuis près d'un an, elle n'a reçu aucune remarque de la part de voisins. "Pas un mot dans le hall d'immeuble, zéro réaction."

Le bailleur évoque également les conséquences de ces tags notamment sur les visites d'appartements à louer dans l'immeuble, devenues impossible. Ajoutant: "Sans ce drapeau, rien ne serait arrivé et vous imaginez bien que le propriétaire ne va pas repeindre sans vous mettre à contribution puisque vous en êtes à l'origine [...] Vous parlez d'insécurité alors que vous avez mis le chaos."

Contacté directement par BFMTV.com, le bailleur n'a pas répondu à nos sollicitations.

Une plainte déposée en ligne

De son côté, la locataire conteste sa responsabilité affirmée par le bailleur. "C'est vrai que la clause explicite qu'on n'a pas le droit de mettre les choses à la fenêtre, mais ça fait un an que le drapeau est là et j'ai même des pots de fleurs donc je ne vois pas vraiment quel est le problème", s'étonne la locataire.

"Il y a une question de proportionnalité entre un drapeau exposé et les actes. Si c'était un autre drapeau, comme un drapeau LGBT par exemple et qu'on aurait écrit un message homophobe, on ne m'aurait pas incombé de la responsabilité."

La locataire a décidé de déposer une plainte en ligne, que BFMTV a pu consulter, ce mardi 3 juin. "Je veux aller au bout, ne pas avoir de regrets. J'attends de déposer une vraie plainte au commissariat pour me protéger."

Plusieurs fondements juridiques

Néanmoins le bailleur a plusieurs fondements juridiques, pouvant s'appuyer sur la clause du contrat évoquant cette interdiction ou sur le fait de trouble anormal de voisinage, indique Me Romain Rossi-Landi, avocat spécialisé en droit immobilier, joint par BFMTV.com.

"De là à obtenir une indemnisation alors que les tags ont été réalisés par un tiers, je n'y crois pas mais ce sera à l'appréciation du tribunal s'il y a un jugement", ajoute-t-il.

D'ici les prochaines échéances, Laetitia souhaitait conserver le drapeau palestinien à sa fenêtre en réponse à "l'intimidation" subie. Seulement, ce vendredi 6 juin, un nouveau tag "Fan Club Hamass 2e étage" a été découvert, cette fois-ci sur la porte cochère de l'immeuble. "On a été dans l'obligation de retirer le drapeau pour que ça cesse", précise-t-elle.

*Le prénom a été modifié.

Arthus Vaillant