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Crack à Paris: un an après l'installation d'un campement Porte de la Villette, les riverains sont à bout

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Le 24 septembre 2021, les consommateurs de crack avaient été déplacés des jardins d'Eole à la Porte de la Villette. Depuis, élus et habitants déplorent une dégradation des conditions de vie.

Ce samedi, les habitants du quartier de Porte de la Villette s'apprêtent à fêter un triste anniversaire. Le 24 septembre 2021, la préfecture de police de Paris ordonnait l'évacuation des consommateurs de crack installés en nombre aux jardins d'Eole, dans le 18e arrondissement. Les toxicomanes avaient alors été emmenés par les forces de l'ordre vers la Porte de la Villette, située à la lisière de la Seine-Saint-Denis.

Au total 128 personnes avaient été conduites aux abords de la place Auguste Baron, "un secteur sans riverains aux abords immédiats", assurait alors la préfecture. Ce déplacement de toxicomanes, avait été qualifié de "lieu temporaire" par le préfet de police de l'époque, Didier Lallement.

"C'est l'enfer"

Pourtant un an après, rien ne semble avoir changé. Les toxicomanes sont toujours nombreux dans le campement de la Porte de la Villette, installé au square Forceval. Ils sont également plusieurs à déambuler régulièrement dans les rues du 19e arrondissement et du quartier des Quatres-Chemins, situé sur les communes de Pantin et d'Aubervilliers. Pantin est particulièrement touchée par l'arrivée de ces consommateurs de crack. Selon de nombreux riverains, leur quotidien s'est détérioré en un an.

"C'est l'enfer, on ne peut plus bouger, on ne peut plus sortir. Ils te demandent de l'argent, tu leur donnes pas, ils t'insultent. Tous les jours quand on passe, on voit les voitures qui sont cassées, ils cassent des vitres pour dormir dedans", raconte à BFMTV, Hakim, habitant de Pantin.

Les vols, les dégradations et les agressions sont devenues fréquentes à Pantin depuis l'arrivée des consommateurs de crack Porte de la Villette. Sabrina, qui travaille et habite dans le secteur, explique ne plus pouvoir se promener seule la nuit, par crainte de faire de mauvaises rencontres.

"Quand par exemple, je rentre à deux heures du matin de mon travail, il y a mon père ou mon frère qui vient me chercher. Devant chez moi, ils traînent un peu comme des zombies. J'ai toujours peur de me faire agresser", témoigne-t-elle au micro de BFMTV.

La pharmacie où elle travaille, ouverte 24h sur 24, a également été victime de vols et de dégradations. Un agent de sécurité a depuis été embauché. Plusieurs autres commerces subissent aussi les conséquences néfastes de la présence des toxicomanes, entre baisse de la fréquentation et hausse des coûts de la sécurité.

Une situation qui s'aggrave

Au total, ce sont désormais près de 300 à 400 toxicomanes qui déambulent chaque jour dans les rues du secteur de la Porte de la Villette. Une situation qui pousse à bout les riverains mais aussi les élus. Pour le maire (PS) de Pantin Bertrand Kern, interrogé par RMC, ce camp "ressemble à un bidonville", et est tout simplement "la plus grande scène de consommation à ciel ouvert d'Europe".

Les maires de Pantin, d'Aubervilliers et du 19e arrondissement de Paris ont tenu une conférence de presse ce jeudi au pied du périphérique devant le mur construit à la frontière avec la Seine-Saint Denis au moment du déplacement des toxicomanes.

La construction, très critiquée, de ce mur, censé éviter l'occupation du tunnel entre Paris et Pantin, avait été qualifiée de "mesure temporaire". Un an plus tard, l'édifice, appelé "mur de la honte" par les riverains, est toujours là.

Installés devant ce lieu symbolique du problème du crack à la Porte de la Villette, les trois édiles ont voulu mettre en lumière la situation que vivent leurs administrés et appeler les pouvoirs publics à agir.

"Depuis un an nous avons multiplié les manifestations, les saisies" en justice mais "rien n'a bougé et depuis la situation s'est détériorée", a déploré le maire (PS) de Pantin Bertrand Kern lors de ce point de presse.

La Défenseure des Droits bientôt saisie

Excédé, l'élu de Seine-Saint-Denis a également annoncé son intention de saisir la Défenseure des Droits. "Il s'agit ici d'une atteinte aux droits et à la liberté des habitants et l'Etat n'agit pas", explique-t-il auprès de BFMTV.com.

"On va lui écrire pour qu'elle rétablisse notamment deux libertés fondamentales, deux droits fondamentaux, la liberté d'aller et de venir et le droit à la protection de la santé pour les consommateurs de crack," précise-t-il au micro de BFM Paris-Ile-de-France.

De son côté, la maire (UDI) d'Aubervilliers Karine Franclet appelle à la mise en place de structures adaptées pour les toxicomanes mais "qui ne soient pas sur des territoires qui cumulent déjà autant de difficultés".

Les deux municipalités s'attèlent à constituer un dossier à envoyer à Claire Hédon. Des lettres à remplir et à retourner à la mairie, sont distribuées dans les boîtes aux lettres des habitants.

Avec cette saisine de la défenseure des Droits, Bertrand Kern espère que l'Etat prendra conscience des problèmes liés au camp de toxicomanes situé "à deux pas des écoles et sous le regard des enfants".

De son côté, une association de riverains, Villette Village, a annoncé vouloir déposer prochainement un recours contre l'Etat et la ville de Paris pour inaction.

Des actions menées par la préfecture de police

Le nouveau préfet de police Laurent Nuñez a lui récemment voulu montrer des garanties de la présence de l'Etat du côté de la Porte de la Villette. "Je réfute totalement l’idée que l’État abandonne le terrain, même si les nuisances perdurent", expliquait-il dans une interview au Parisien la semaine dernière.

Laurent Nuñez s'est lui-même rendu il y a peu au square de Porte de la Villette pour assister à une opération de police. Le préfet de police assure que des "actions soutenues y sont menées'', avançant notamment le nombre de 385 interpellations dans le secteur depuis le 4 août.

Auprès du Parisien, Laurent Nuñez a aussi voulu réaffirmer le caractère provisoire du site de la Villette. L’ancien secrétaire d’Etat souhaite tenir l'objectif affiché par Gérald Darmanin d'éradiquer le trafic de crack d'ici un an dans la capitale.

Une manifestation ce samedi

Un nouveau plan plus détaillé de lutte contre le crack doit être dévoilé prochainement. Une rencontre entre les élus et le préfet de police est aussi prévue début octobre pour aborder les problèmes liés au campement de consommateurs. "On sent un peu un changement depuis qu’il a été nommé", a jugé ce vendredi sur RMC le maire de Pantin.

"C'est une petite lueur d'espoir", reconnaît la maire d'Aubervilliers.

En attendant, habitants et élus veulent continuer de maintenir la pression. A l'initiative du collectif "Anti-crack 93", une manifestation est prévue ce samedi pour dénoncer la situation intenable dans le quartier des Quatres Chemins, un an jour pour jour après le déplacement des toxicomanes Porte de la Villette.

Cet appel a été relayé par le maire de Pantin qui appelle les habitants à se mobiliser. Des cortèges partiront samedi après-midi de Pantin mais aussi d'Aubervilliers.

Gauthier Hartmann