Bobigny: le tribunal "pas en état" de gérer le surcroît d'activité entraîné par les JO-2024

Le tribunal de grande instance de Bobigny, mars 2017 (PHOTO D'ILLUSTRATION). - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
La justice en Seine-Saint-Denis n'est "pas aujourd'hui en état" d'absorber le surcroît d'activité lié aux Jeux olympiques de Paris-2024, qui commence déjà à se faire sentir dans cette juridiction saturée, ont averti lundi ses chefs.
Le tribunal judiciaire de Bobigny tenait ce jour-là son audience de rentrée, très attendue après la publication le mois dernier d'une note d'alerte interne signée du président Peimane Ghaleh-Marzban et du procureur Éric Mathais, qui leur a valu la venue au pied levé du Garde des Sceaux.
Dans ce message destiné à la hiérarchie judiciaire, les deux magistrats témoignaient d'"un état de désespérance collectif" dans leurs équipes et s'inquiétaient vivement de leur capacité à appliquer dignement la justice à l'occasion des JO, qui se tiendront en grande partie en Seine-Saint-Denis.
"Créer un conseil de juridiction dédié"
"Très clairement, nous ne sommes pas aujourd'hui en état de traiter l'afflux éventuel de procédures judiciaires supplémentaires", a reconnu Peimane Ghaleh-Marzban lundi devant un parterre de hauts magistrats, responsables policiers et élus.
"Je ne souhaite pas, pour ma part, que le juge de Bobigny soit tenu responsable de l'incapacité dans laquelle nous serions de traiter les dossiers nouveaux, et ce, sans renfort extérieur, ou tenu responsable de la dégradation de la réponse pénale", a-t-il prévenu.
Lors de son discours, le président du tribunal a également affirmé son désir, partagé par le procureur, de "créer un conseil de juridiction dédié à la mise en œuvre judiciaire des Jeux olympiques". Autrement dit, un "observatoire de l’évolution de l’activité juridictionnelle liée à cette échéance". "Les élus et l’ensemble des partenaires sont invités dès maintenant à y participer", a-t-il ajouté.
La lutte contre les stupéfiants s'intensifie
Les effets de l'approche de JO se ressentent déjà dans l'activité judiciaire de ce département populaire. Dans le cadre d'un plan "zéro délinquance", les opérations policières s'intensifient localement depuis quelques mois et sont appelées à monter encore en puissance.
"J'ai ressenti, et je crois ne pas être le seul, depuis septembre 2022, un changement d'ambiance en Seine-Saint-Denis, avec la préparation des Jeux olympiques, qui est désormais dans toutes les têtes, entrant dans sa phase très active", souligne le procureur.
"Nous observons une augmentation de 50% à 88% des gardes à vue quotidiennes pour stupéfiants, notamment pour des usages, et une hausse significative des interpellations en matière de vente à la sauvette ou des enquêtes de travail dissimulé", a détaillé Éric Mathais.
Vers "une augmentation de la délinquance d'opportunité"
Les JO entraîneront nécessairement "une augmentation de la délinquance d'opportunité ou le développement de la délinquance classique de ce département", a-t-il indiqué, citant les vols et agressions, escroqueries, le dopage ou les trafics.
À titre d'exemple, en 2022, près de la moitié des tentatives d'homicides volontaires enregistrées dans le département étaient en lien avec le trafic de stupéfiants. Sur les quatre dernières semaines, les opérations ont permis de saisir 719 kg de stupéfiants et d'interpeller 109 trafiquants.
Le nouvel observatoire des violences par conjoint, mis en place par la Direction des affaires criminelles et des grâces, démontre que depuis 2017 le nombre de condamnations annuelles en la matière a augmenté de plus de 100% à Bobigny, passant de 577 à 1153. Pour leur part, les condamnations sur défèrement après la garde à vue ont bondi de 160%, de même que les années d'emprisonnement ferme prononcées (+187%).
Malgré un léger renforcement ces dernières années des effectifs du tribunal, Bobigny reste une juridiction débordée aux problématiques multiples. La Chancellerie a promis que des renforts lui seront affectés le temps de la compétition, mais sans avancer de chiffre.