Après l'explosion d'un immeuble à Paris, le gaz de ville dans le viseur

Les pompiers tentent d'éteindre l'incendie après l'effondrement de l'immeuble rue Saint-Jacques dans le 5e arrondissement de Paris, le 21 juin 2023 - Gregory Custo/AFP
Le gaz de ville, trop dangereux? Après l'effondrement d'un immeuble à Paris ce mercredi soir, "l'hypothèse d'une fuite de gaz à l'origine de l'explosion est celle vers laquelle tendent les enquêteurs, mais rien n'est confirmé à ce stade", a appris BFMTV de source proche de l'enquête.
Ce drame survient quelques semaines à peine après une explosion de dizaines de logements en plein-centre ville de Marseille. Une explosion survenue en raison d'une fuite de gaz.
Près de 9 millions de foyers en France sont équipés au gaz de ville qui reste une cause majeure des accidents domestiques. Quand il est mélangé avec de l'oxygène dans un milieu clos comme un appartement aux fenêtres fermés, le gaz naturel atteint très rapidement ce qu’on appelle le seuil d’explosivité.
75% des fuites de gaz liées à des travaux
Des gestes anodins comme le fait d'activer un interrupteur ou allumer une cigarette peuvent alors provoquer une explosion. Signe d'ailleurs de la violence des explosions au gaz: les bilans très lourds. rue Saint-Jacques à Paris ce mercredi soir, des vitres ont été soufflées jusqu'à 500 mètres de la déflagration. Une personne est encore recherchée sous les décombres tandis que six blessés graves ont été répertoriés.
En 2021, trois habitants de Sanary-sur-Mer étaient tués dans l'effondrement de leur immeuble. En janvier 2019, une forte explosion provoquée par une fuite de gaz avait soufflé la rue de Trévise dans le 9ème arrondissement de Paris, tuant quatre personnes, en blessant 66 autres et laissant 400 sinistrés.
Première cause de fuite de gaz d'après un rapport parlementaire: des travaux sur la voie publique ou des travaux dans l'immeuble qui vont générer une micro-fuite de gaz. 75% des incidents sont directement liés à ces phénomènes.
"Les particuliers qui font des travaux chez eux font parfois des bêtises et tapent des canalisations, mais ça peut également être le cas de professionnels qui ne savent pas toujours où se trouvent les conduites de gaz", décrypte Maïkel Lopes, responsable développement infrastructures auprès de BFMTV.com
La réglementation autour des installations de gaz repensée
Autre raison des explosions au gaz: la vétusté des installations qui peut aussi entraîner des fuites. Les députés ont notamment pointé des problèmes de surveillance du réseau de distribution de gaz en France.
La législation a pourtant beaucoup évolué. Longtemps en désuétude, les règles ont évolué en 2011 puis en 2018 qui définissent les conditions d'utilisation du gaz de ville aux immeubles d'habitation individuels et collectifs.
L’arrêté prévoit que "les installations de gaz ne peuvent être mises en service que si elles ne compromettent pas la sécurité des personnes et des biens lorsqu’elles sont normalement utilisées". Autre obligation concernant les matériaux à gaz: "être conçus, construits et choisis pour ne pas provoquer de fuite de gaz".
"Ouvrir les fenêtres"
Sur le banc des accusés, on trouve également la question de la prévention.
"Les gens ne savent pas quoi faire quand ça sent le gaz. Ils peuvent par exemple appeler avec leur téléphone, ce qui est très dangereux. Il faut ouvrir les fenêtres, quitter l'habitation et prévenir les secours le plus vite possible à l'extérieur", explique Boris Weliachew, architecte et spécialiste en risques majeurs sur notre antenne.
Certains défendent l'obligation de détecteurs de monoxyde de carbone, sur le modèle des détecteurs de fumée désormais obligatoires dans tous les logements.
"Ca n'a une utilité que très relative qu'en cas de fuite la nuit quand les gens dorment", nuance cependant l'expert Maïkel Lopes.
"Sinon, on sent bien le gaz et on sait qu'il y a un danger. Ça me semblerait plus utile de rappeler aux gens de ne surtout pas boucher les aérations obligatoires quand vous avez du gaz mais qui amènent souvent des courants d'air", juge encore ce spécialiste en sécurité incendie.
Preuve cependant que la situation change: depuis 2012, le nombre d'accidents liés au gaz a été divisé par deux, tout comme le nombre de victimes.