Tunisie : appel à la grève et nouvelles manifestations contre Ennahda

Manifestants brûlant des documents du parti Ennahda devant les locaux du parti à Gafsa. Le parti islamiste Ennahda, qui dirige la coalition au pouvoir en Tunisie, a refusé jeudi la dissolution du gouvernement proposée par le Premier ministre Hamadi Jebali - -
La Tunisie connaît ce jeudi une nouvelle journée de tensions. La mort du leader d’extrême-gauche Chokri Belaïd, abattu mercredi matin devant son domicile, a déclenché des manifestations parfois violentes à travers le pays contre les islamistes d’Ennahda parvenus au pouvoir par les urnes après le renversement en janvier 2011 de l’ancien président Zine ben Ali.
D'après des témoins, la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants sur l'avenue Bourguiba à Tunis, ainsi que dans la cité minière de Gafsa, dans le Sud. A Kelibia et Siliana dans le nord-est du pays, les locaux d’Ennahda, accusés d’être responsable de l’assassinat de Chokri Belaïd, ont été incendiés. Un sit-in pacifique a également été organisé à Monastir.
Malgré son poids politique modeste, Chokri Belaïd se distinguait par ses critiques acerbes à l'égard d'Ennahda, qui trouvaient une forte résonance dans les rangs des laïcs soupçonnant les islamistes de vouloir rogner leurs libertés.
« On dit à ce gouvernement : dégage ! »
« Il faut que ce gouvernement dégage, explique Zouhair Chedli, membre du Mouvement des patriotes démocrates, interrogé avenue Bourguiba par BFMTV. Il faut que les membres d’Ennahda quittent le pouvoir, qu’ils laissent la Tunisie libre et tranquille, qu’ils la laissent tolérante. En fait, on dit à ce gouvernement "dégage", à ce Conseil constitutionnel pourri "dégage" ! C’est vous qui avez donné l’ordre d’assassiner Chokri Belaïd ».
L’UGTT, le principal syndicat tunisien, et l’opposition ont appelé à la grève générale vendredi, jour des obsèques de Chokri Belaïd. Les avocats de Sidi Bouzid n’ont pas attendu, puisque dès ce jeudi, ils se sont mis en grève pour 3 jours. Par crainte des débordements, les établissements scolaires français seront fermés vendredi et samedi en Tunisie, a par ailleurs annoncé l'ambassade de France sur son site internet.
Ennahda refuse la dissolution du gouvernement
Malgré la pression de la rue, le parti islamiste Ennahda, qui dirige la coalition au pouvoir en Tunisie, a refusé jeudi la dissolution du gouvernement proposée par le Premier ministre Hamadi Jebali, pourtant issu de ses rangs, pour répondre à l'indignation suscitée par l'assassinat de l'opposant laïque Chokri Belaïd. Ennahda, qui dément fermement toute implication dans l'assassinat de son adversaire politique, gouverne avec deux formations laïques au sein d'une coalition menacée d'éclatement depuis de longues semaines. Son vice-président, Abdelhamid Jelassi, a déclaré jeudi qu'il fallait poursuivre les négociations sur un remaniement gouvernemental plutôt que de former un cabinet de techniciens, comme l'a annoncé Hamadi Jebali. Ce dernier a aussi déclaré mercredi soir que des élections législatives seraient organisées le plus rapidement possible et que les membres de son futur gouvernement n'y seraient pas candidats.
« Le Premier ministre n'a pas sollicité l'avis de son parti », a répliqué jeudi Abdelhamid Jelassi. Ces désaccords internes à Ennahda, la formation la mieux représentée au parlement, risquent de compliquer les efforts de sortie de crise en Tunisie, où les tensions politiques et les difficultés économiques s'alimentent réciproquement deux ans après le renversement du régime autocratique de Zine ben Ali.