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Trump acquitté, les démocrates américains se demandent maintenant sur quel pied danser

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Menacé de destitution par le Sénat ces dernières semaines en raison d'un abus de pouvoir présumé et d'entrave à l'enquête des parlementaires, Donald Trump a été acquitté mercredi. Il en sort renforcé et les républicains dament le pion à des démocrates qui s'interrogent sur la suite à donner aux opérations. Le déroulement chaotique de leur primaire n'arrange rien.

La chronique d'une défaite annoncée parvenue à sa conclusion, un président honni qui se retrouve de facto conforté, une élection qui approche vitesse grand V et s'engage déjà fort mal: le tableau de la situation du Parti démocrate rappelle davantage Le Cri de Munch que Le Déjeuner sur l'Herbe de Manet. Ce triple achoppement laisse la gauche américaine avec cette interrogation pour l'instant irrésolue: et maintenant, que faire? 

Donald Trump risquait l'impeachment au Sénat pour avoir, selon l'opposition, abusé de son pouvoir, en agitant l'hypothèse d'un blocage d'une aide militaire importante à l'Ukraine afin de pousser Kiev à ouvrir une enquête sur la famille Biden, et cherché à entraver les travaux du Congrès. Il a été acquitté ce mercredi. 

  • Le triomphe de Trump

Le président des Etats-Unis, fidèle à sa nature, n'a pas eu le triomphe modeste, comme l'a raconté ici le Wall Street Journal. Le lendemain, convoquant le ban et l'arrière-ban des cadres républicains dans la salle Est de la Maison Blanche, il a d'abord fait son entrée avec "Hail To the Chief" en fond sonore puis exhibé la manchette du Washington Post qui proclamait: Trump acquitté. Il a alors commenté: "C'est mon premier bon titre dans le Washington Post !"

Il a ensuite livré sa lecture de l'affaire: "C'était l'enfer. Je n'ai rien fait de mal". Il a également lancé: "On est là-dedans depuis plus de trois ans maintenant. C'était la méchanceté, la corruption, les flics pourris, c'était balances et menteurs, et ça ne devrait jamais, jamais arriver à un autre président après moi". Quant aux liens présumés entre sa campagne de 2016 et la Russie? "Un tissu de conneries", a-t-il expédié. 

  • Une présidence renforcée

Au sein des démocrates, on vacille entre amertume résignée, persistance et attentisme. Nancy Pelosi, qui dirige la Chambre des Représentants, a fait la synthèse de ces trois attitudes en une phrase jeudi: "Il est destitué pour toujours, peu importe ce qu'il dit ou les manchettes qu'il promène partout. Il n'effacera jamais cette cicatrice". 

Une cicatrice, mais quelle cicatrice? Il a atteint cette semaine son plus haut taux d'approbation auprès de l'institut Gallup: 49%. Un score qui n'a rien de vertigineux mais qui constitue quand même le zénith de la popularité de son action depuis son investiture. 

  • L'hypothèse de nouvelles auditions 

Adam Schiff, représentant de Californie et patron des envoyés de la Chambre au Sénat pour le procès, s'est montré très circonspect auprès de la radio publique NPR: "On n'a pas encore arrêté de décision quant à la suite de l'enquête". Il a toutefois relevé qu'il souhaitait auditionner Mick Mulvaney, chef de cabinet à la Maison-Blanche, et Mike Pompeo, secrétaire d'Etat. 

Un troisième personnage continue d'attiser la curiosité des démocrates, d'après le New York Times: John R. Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale. Ils peuvent encore l'entendre en émettant une convocation via la Chambre des Représentants. John R. Bolton avait certes dit précédemment qu'il honorerait une citation des institutions à comparaître devant elles mais des démocrates ont glissé au quotidien new-yorkais que la victoire de son ex-patron dans son procès en impeachment avait pu le refroidir. 

L'opposition peut encore attaquer sur d'autres fronts. Ainsi, l'accès éventuel aux déclarations d'impôts de Donald Trump, ou la volonté d'un tribunal d'entendre Donald F. McGahn II, ancien juriste de la Maison-Blanche, évoquer le dossier russe, pourrait lancer un nouveau cycle d'auditions jusqu'à la campagne. 

  • Divergences 

C'est là que le bât blesse, car le temps va sembler se contracter aux yeux des démocrates: avant de retourner aux urnes, il ne reste plus que neuf mois de mandat à Donald Trump... et cinq aux parlementaires. Et si le pire n'est jamais certain, la curée n'a jamais paru aussi plausible pour le Parti démocrate. Mitch McConnell, qui préside les Républicains au Sénat, cité ici par le Guardian, a théorisé qu'après l'acquittement du chef de l'Etat, les Républicains visant leur réélection sont "dans une meilleure posture à présent qu'avant la procédure en impeachment". 

Bien sûr, c'est moins le renouvellement des congressmen et congresswomen qui obnubile l'opinion que la campagne présidentielle. Or, l'issue du procès, loin de ressouder les rangs démocrates, n'a fait qu'élargir la fracture. Car les options défendues quant au comportement à adopter à présent divergent, selon qu'on appartient à l'un des deux grands courants divisant la formation: les "modérés" et les "progressistes". Les centristes veulent généralement tourner la page infructueuse de la destitution afin de se concentrer sur les "problèmes qui attendent sur la table de la cuisine des Américains", comme le veut l'expression retenue, tandis que l'aile gauche refuse de quitter le champ de bataille. 

"Les Américains se préoccupent de leur situation économique. Ils puniront un parti qui ne s'en préoccupe pas", a assuré le représentant de l'Ohio Tim Ryan auprès du New York Times, où Ilhan Omar, représentante du Minnesota, l'a contredit: "Nous devons nous assurer que cette administration cesse de transgresser la loi". 

  • Division primaire

Le conflit de famille menace de prendre un tour plus dramatique encore, bien que les éclats de voix demeurent pour le moment limités. Embarrassés, voire ridiculisés, devant les Etats-Unis et le monde par la défaillance d'une application qui a empêché le Parti démocrate de publier les résultats complets du caucus de l'Iowa, ouvrant le bal de la primaire, les deux pôles principaux de la gauche américaine peuvent craindre le divorce. Après des jours d'atermoiements, la direction du Parti a demandé jeudi un recompte intégral des bureaux de l'Etat... au moment même où Bernie Sanders, chef de file de l'aile gauche, semblait reprendre la main et rejeter Pete Buttigieg, héros du centre-gauche qui avait porté Hillary Clinton lors du scrutin précédent, à la deuxième place.

Bernie Sanders ne s'en est pas laissé compter et a aussitôt revendiqué publiquement sa victoire dans l'Iowa. Sur Twitter, l'historien et spécialiste des Etats-Unis, Corentin Sellin, a analysé, consterné: "Le suicide en direct des démocrates face à Trump atteint un point de non-retour". 

Robin Verner