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Retrait du Mali: les oppositions dénoncent "l'échec" de Macron, les spécialistes plus nuancés

Un soldat français de la force Barkhane, le 5 juin 2015 près de Tombouctou (Mali)

Un soldat français de la force Barkhane, le 5 juin 2015 près de Tombouctou (Mali) - Philippe DESMAZES © 2019 AFP

Alors qu'une page se tourne avec le retrait militaire français du Mali, certaines figures de l'opposition y voient la défaite du président, à moins de deux mois du premier tour. Le bilan des spécialistes de défense est plus nuancé.

En 2017, au début de son mandat, Emmanuel Macron disait "ne pas vouloir" se "faire piéger au Mali". Cinq ans plus tard, alors que le président de la France a officialisé ce jeudi matin le retrait de la France au terme de 9 ans de lutte antijihadiste menée par Paris et ses partenaires européens, plusieurs figures politiques cherchent pourtant à le renvoyer à sa gestion, au terme de près d'une décennie de guerre.

"Nos soldats morts pour rien" pour Pécresse

"Si on abandonne ce terrain (le Sahel NDLR) alors nos soldats seront sans doute morts pour rien et ça, je ne l'accepterai pas", a jugé ce matin Valérie Pécresse sur LCI, dans une attaque très politique à un mois et demi du premier tour.

Jean-Christophe Lagarde a, lui, eu des propos encore plus sévères. "Ce départ signe l'échec total des stratégies successives d'Emmanuel Macron", a tancé le patron de l'UDI sur Twitter.

Le président a pourtant tenté ce jeudi lors de sa conférence de presse de faire taire les critiques en pleine campagne présidentielle.

Macron "récuse le terme" d'échec

"Je récuse complètement ce terme" d'échec, a lancé le locataire de l'Élysée après une question sur le bilan de la France au Mali. Si la France n'était pas intervenue, "vous auriez eu à coup sûr un effondrement de l'État malien", a-t-il assuré lors d'une conférence de presse commune avec ses homologues malien et sénégalais.

La formule ne semble pas appropriée, juge d'ailleurs le Général Jérôme Pellistrandi.

"C'est trop biaisé de voir cette opération militaire en terme d'échec ou de réussite et d'y calquer une grille de lecture politique. Elle a été utile même s'il reste de petits groupes jihadistes disséminés", estime le rédacteur en chef de la revue Défense nationale auprès de BFMTV.com.

"Mais c'est vrai que c'est une déception dans le sens où le Mali n'a pas réussi à se transformer et que la junte au pouvoir s'est mis à dos la France et ses alliés européens", estime encore ce spécialiste des enjeux de défense.

"Une opération très utile" pour Faure

Difficile cependant de dire que la France a gagné "la guerre contre le terrorisme", comme le souhaitait François Hollande en 2013 pour justifier l'intervention française.

De quoi inciter Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, à la clémence. "C'était une opération très utile (qui a défendu) nos valeurs, nos liberté et la possibilité pour les Maliens de vivre en dehors de la soumission au dhijadisme", a fait valoir le député ce mercredi matin sur France 2.

Son analyse de l'évolution de la situation depuis l'intervention de la France est partagée par Isabelle Dufour.

"On est allé au Nord-Mali chasser des jihadistes en 2014. On l'a fait, c'est bien", nous explique la chargée des études stratégiques à Eurocrise, une agence d'intelligence stratégique.

"Mais nous aurions dû partir il y a bien longtemps. On n'a pas réussi à le faire parce qu'une fois qu'on avait chassé ces groupes armés, on a voulu reconstruire l'État malien, puis encore après réconcilier les Touaregs et les Maliens. On s'est leurré un peu en voulant multiplier les chantiers, comme ont pu le faire les forces américaines en Afghanistan", avance encore l'experte.

Une présence européenne qui va rester

C'est que dans toutes les mémoires, la débâcle à Kaboul à l'été dernier lors du départ de l'armée américaine reste très vive, d'où la volonté d'Emmanuel Macron d'une fermeture étalée pendant 4 à 6 mois des bases françaises.

"Avec l'accord des autorités nigériennes, des éléments européens seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali", a encore expliqué le président ce jeudi.

De quoi faire taire les critiques des oppositions qui appellent toutes de leurs vœux, à l'exception du candidat communiste Fabien Roussel, à ce que la France maintienne une présence au Sahel.

Marie-Pierre Bourgeois