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Quand les États-Unis contrôlaient plus strictement les armes à feu

La délicate question de la vente d'armes à feu aux Etats-Unis

La délicate question de la vente d'armes à feu aux Etats-Unis - George Frey - Getty Images North America - AFP

En 1993, le démocrate Bill Clinton arrachait au Congrès américain un texte visant à encadrer la vente d'armes à feu et signait un an plus tard l'interdiction des armes d'assaut. Un contrôle depuis balayé par son successeur George W. Bush.

C'est partagé entre colère et incompréhension que les Américains se réveillent au lendemain d'un week-end ensanglanté où deux fusillades ont fait 29 morts au Texas et dans l'Ohio. Vingt personnes ont été tuées samedi matin à El Paso, dans le sud du pays, et, moins de 13 heures plus tard, neuf autres dans un quartier animé de Dayton, au nord-est.

Un drame qui relance inévitablement les débats sur les armes à feu, dans un pays régulièrement frappé par les tueries de masse. Selon des rapports du FBI, 116 ont été recensées depuis l'an 2000. Sont considérées comme telles, des fusillades ayant fait 3 morts ou plus - sans compter le tireur - et perpétrées sur un même lieu au même moment. L'année 2017 ayant été la plus meurtrière avec 13 attaques enregistrées, qui ont fait 124 morts au total. Un chiffre bien loin de celui de l'ONG Gun Violence Archive, qui dénombre 251 fusillades sur la seule année 2019. L'ONG répertorie en effet tous les incidents par armes à feu dans le pays, ayant fait au moins quatre victimes - morts ou blessés - tous contextes confondus.

Mais bien en avant les tueries de Las Vegas, Parkland ou El Paso, le gouvernement américain a déjà pris l'initiative de légiférer sur les armes à feu, en espérant limiter ou tout du moins encadrer leur vente. La dernière en date remonte à 1993, sous l'impulsion de James Brady et Bill Clinton.

L'impulsion du duo Clinton / Brady

James Brady n'est autre que le porte-parole de la Maison Blanche, présent lors de la tentative d'assassinat de Ronald Reagan le 30 mars 1981. Ce jour là, il prend lui aussi une balle et sera lourdement touché. Mais débute alors son combat pour limiter l'accès aux armes à feu. En novembre 1993, il est aux côtés du démocrate Bill Clinton, alors président, lorsque celui-ci signe le Brady Act (autrement appelé le Brady Bill) voté par le Congrès.

Dès lors, des contrôles sont obligatoirement établis pour l'achat d'armes à feu. La vérification des antécédents psychiatriques et judiciaires des clients est mise en place, de même qu'un délai de cinq jours entre la vente et la livraison de l'arme est instauré pour éviter les crimes passionnels. Ce système de vérification instantanée du casier judiciaire au niveau national géré par le FBI est appelé le NICS (National Instant Criminal Background Check System).

S'ensuit un autre vote crucial pour limiter les fusillades. En 1994, Bill Clinton décide d'aller encore plus loin en signant le Violent Crime Control and Law Enforcement Act, plus communément appelé Federal Assault Weapons Ban, qui vise à interdire pour dix ans la vente des fusils d'assaut de type AR-15 ou AK-47.

Une législation balayée par Bush et la NRA

Mais la NRA (National Rifle Association) puissant lobby pro-armes américain, s'y oppose fermement. Grâce à son influence sur la politique intérieure, elle réussit à obtenir gain de cause en 1997: la Cour Suprême fait alors supprimer le délai de cinq jours mis en place par le Brady Act. Un premier recul significatif dans l'encadrement des armes à feu, trois ans seulement après sa signature.

D'autant que malgré le bras de fer des démocrates pour faire avancer la problématique des armes, l'Amérique connaît un véritable choc au printemps 1999. La tragique fusillade de Columbine sera l'attaque la plus meurtrière de l'époque contre une école. Deux adolescents munis de pistolets, fusils à pompe et carabines pénétraient alors dans l'établissement scolaire du Colorado, tuant treize personnes, dont un professeur, dans un assaut qui dura une quarantaine de minutes.

Mais le lobby pro-armes entend bien ne pas s'arrêter là. Après avoir (largement) aidé à financer la campagne de George W. Bush en 2000, il appelle logiquement à voter pour le républicain dont il est très proche en 2004, et qui sera élu pour un second mandat.

Cette même année prend fin l'interdiction des ventes d'armes d'assaut, signée par Bill Clinton dix ans auparavant. Mais le pouvoir a changé de camp et c'est la fin du "gun control", soit des efforts pour restreindre les armes à feu. Sous l'impulsion de Bush, des conservateurs et de la NRA, la loi n'est pas reconduite. Entre 1994 et 2004, lorsque la loi était effective, 89 morts ont été enregistrés à la suite de fusillades. Les dix années qui ont suivi la fin de l'application de cette loi, soit de 2004 à 2014, on a compté 312 morts, selon l'ouvrage d'André Kaspi "La Nation armée. Les armes au coeur de la culture américaine".

L'échec d'Obama

Sous Barack Obama les Etats-Unis connaîtront par la suite plusieurs tueries de masse. Parmi lesquelles la fusillade de l'école primaire Sandy Hook (Newtown) en 2012, où 20 enfants entre 6 et 7 ans ont perdu la vie ainsi que six adultes. Ou encore quelques années plus tard, la meurtrière attaque d'Orlando, en juin 2016, au cours de laquelle un assaillant a pénétré dans un club gay de la ville avant d'ouvrir le feu. Il tua 50 personnes et en blessa 53 autres.

Malgré que le démocrate Barack Obama ait alors à son tour tenté de plaider pour plus de contrôle sur la détention d'armes à feu, la NRA, ses 6 millions de membres et ses campagnes acharnées ont eu raison de son combat. Depuis l'ère Clinton, rien ne semble pouvoir ébranler la législation américaine et son second amendement qui garantit à tous les citoyens le droit sacré de porter des armes.

Manon Fossat