Premières élections municipales libres dimanche en Tunisie

Un policier tunisien vote pour les élections municipales dans un bureau de vote de Tunis le 29 avril 2018 - FETHI BELAID, AFP/Archives
Cinq millions de Tunisiens s'apprêtent à élire dimanche les conseils municipaux du pays, lors du premier scrutin local libre, attendu de longue date pour enraciner la démocratie dans le seul pays rescapé du Printemps arabe.
Risque de forte abstention
"Il n'y avait jamais eu d'élections municipales libres et concurrentielles" jusque là, rappelle Michaël Ayari, chercheur à l'International Crisis Group (ICG), les précédentes municipales s'étant déroulées sous le régime d'un parti unique.
Les observateurs s'attendent cependant à une forte abstention alors que, huit ans après la révolution qui avait suscité de nombreux espoirs, beaucoup de Tunisiens se disent démobilisés face à l'inflation, au chômage persistant, et aux arrangements entre partis qui ont entravé le débat démocratique à l'échelon national.
La Tunisie a d'ailleurs été touchée au début de l'année par un mouvement de contestation exacerbé par l'entrée en vigueur d'un budget d'austérité.
30.000 membres des forces de l'ordre mobilisés
Selon les observateurs, les deux poids lourds de la vie politique, Ennahda, une formation islamiste, et Nidaa Tounès, le parti fondé par le président Béji Caïd Essebsi, les seuls à avoir présenté des listes dans l'ensemble des villes, pourraient l'emporter dans une bonne partie des municipalités.
Cette élection à un tour, repoussée par quatre fois, concerne 350 municipalités et met aux prises 57.000 candidats. Elle débutera à 8h00 (7h00 GMT). Quelque 30.000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisés, alors que le pays demeure sous Etat d'urgence depuis des attentats jihadistes meurtriers en 2015.
Le scrutin marque le premier pas tangible de la décentralisation inscrite dans la Constitution, qui était l'une des revendications de la révolution lancée dans des régions marginalisées par un pouvoir hypercentralisé.

Entités indépendantes et libres
Depuis la chute du dictateur Zine el Abidine Ben Ali en 2011, les villes sont gérées par des délégations spéciales nommées par le gouvernement qui ont souvent échoué à satisfaire les demandes des Tunisiens.
Mais le pays est désormais doté d'un Code des collectivités locales, voté in extremis fin avril, qui en fait pour la première fois des entités indépendantes, administrées librement.
"Sous Ben Ali, même jusqu'à aujourd'hui, pour qu'une collectivité puisse repeindre une école (...) elle devait passer par l'autorité de tutelle - ministère de l'Education ou de la Santé. Tout cela va disparaître", explique Lamine Ben Ghazi, politologue pour Al Bawsala, observatoire de la vie politique tunisienne. "Les décisions municipales ne seront contrôlées qu'a posteriori, en fonction "de leur légalité et pas de leur légitimité", ajoute-t-il.
Les municipales seront suivies de législatives et présidentielle en 2019.