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Ouverture du procès du meurtre d'un couple de Français à Madagascar

Les cercueils de Johanna Delahaye et de Gérald Fontaine à leurs obsèques à la basilique Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer, le 5 mai 2012.

Les cercueils de Johanna Delahaye et de Gérald Fontaine à leurs obsèques à la basilique Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer, le 5 mai 2012. - AFP

Johanna Delahaye, 31 ans, enceinte, et son compagnon Gérald Fontaine, 41 ans, ont été retrouvés sauvagement assassinés sur une plage de Madagascar. Le procès de leurs meurtriers présumés et de leurs éventuels complices a été ajourné peu de temps après son ouverture, ce jeudi à Tuléar.

Le procès des meurtriers présumés d'un couple de Français sur une plage de Madagascar en 2012 a été ajourné jeudi à la demande de l'avocat des familles des victimes, furieux de l'absence du commanditaire désigné par les autres accusés.

Sur les 10 meurtriers présumés ou complices, seuls les six inculpés en détention étaient présents au tribunal de Tuléar, localité balnéaire du sud-ouest de Madagascar, où les victimes tenaient un restaurant prospère.

"Nous réfutons un procès non contradictoire et non équitable en l'absence des présumés commanditaires de ce double meurtre", a déclaré Frank Berton, avocat français des familles. "Comment imaginer que les présumés auteurs avec leurs complices soient présents, alors que ceux qui ont donné les ordres ont pris la poudre d'escampette après avoir été injustement relâchés par la justice?"

Le présumé commanditaire du crime nie tout

Il faisait allusion à Roméo Ratismbazafy, homme d'affaires d'Antananarivo et candidat malheureux aux législatives de 2013 dans la circonscription de Tuléar. Désigné comme le commanditaire du crime, il avait été arrêté en mai mais avait bénéficié en octobre d'une remise en liberté provisoire, et n'a plus remis les pieds à Tuléar. Il nie tout.

Un mandat d'arrêt a été délivré contre lui à l'issue de l'audience, pour non présentation au tribunal. Le juge Florent Rakotoarisoa a également demandé à la France de pourvoir à la présence des deux Français inculpés et de l'épouse de l'un d'eux à la prochaine audience. Aucune date n'a été fixée pour la reprise du procès, prévu en 2015.

Une ambiance électrique

L'ambiance est devenue électrique quand les avocats de la défense ont objecté que l'absence de quatre accusés ne devait pas constituer un frein à la bonne marche du procès, six inculpés ayant déjà fait plus de 30 mois de détention préventive. Leur intervention a soulevé des murmures d'approbation dans l'assistance.

Les deux principaux agresseurs présumés sont des menuisiers de Tuléar qui, après des aveux à la police, ont ensuite plusieurs fois changé de version avant de se rétracter. "Je suis convaincu que les meurtriers n'ont pas tué pour les objets de leurs victimes, mais ont été payés et commandités pour pouvoir accomplir leurs actes", a insisté Me Berton à la sortie.

Satisfait du renvoi, il a souhaité que cela permette "un procès juste et crédible", tout en s'avouant déçu que ses clients aient fait le déplacement pour rien et que le parquet général malgache n'ait pas envoyé les convocations en temps voulu.

Un contrat de 15.000 euros?

Les familles endeuillées espéraient avant l'audience que la vérité soit faite au procès sur les circonstances de ce crime sordide contre deux restaurateurs étrangers dont l'affaire tournait bien. Roméo Ratismbazafy, selon l'acte d'accusation, aurait promis 50.000.000 ariary (15.000 euros environ) aux deux menuisiers. Il serait venu sur les lieux en moto pour vérifier qu'ils avaient exécuté le contrat.

L'homme d'affaires a tout réfuté, affirmant être loin de Tuléar le jour du crime, le 12 avril 2012, et ne connaître ni ses dénonciateurs, ni les victimes. Il a aussi contesté des relevés téléphoniques semblant le trahir, parlant d'une confusion avec le numéro de son frère. Son avocat Willy Razafinjatovo, connu pour défendre des hommes politiques et s'occuper d'affaires délicates, n'a pas souhaité s'exprimer.

Des victimes originaires de Boulogne-sur-Mer

Les victimes, Johanna Delahaye, 31 ans, et Gérald Fontaine, 41 ans, étaient originaires de Boulogne-sur-Mer, dans le nord de la France, où leur mort a profondément choqué. Propriétaires d'un restaurant de plage à Tuléar, la Bernique, le couple allait avoir un enfant.

Ils étaient allés en quad se baigner sur une plage sauvage. Là, Alain Régis et Rigobert Lahiniriko, les deux mensuisiers, ont raconté les avoir attaqués à coups de pagaie puis avec le coutelas de Gérald, avant de jeter leurs corps à la mer. 

Tous les inculpés encourent la peine de mort, qui n'est plus appliquée depuis longtemps à Madagascar et est commuée de fait en réclusion à vie. 

Un trio franco-magalche poursuivi pour complicité est resté en France, comme lors des précédentes convocations de la justice malgache. Clients du restaurant, ils s'estiment victimes d'un malentendu et ont expliqué avoir seulement participé à la battue déclenchée après la disparition du couple, se rendant notamment à son domicile pour vérifier si un indice pouvait orienter les recherches.

C. P. avec AFP