Ouganda: une activiste féministe emprisonnée pour un poème évoquant le vagin de la mère du président

Stella Nyanzi - Image d'illustration - Sumy SADURNI / AFP
Interpellée en novembre 2018 par la justice ougandaise, la féministe Stella Nyanzi est emprisonnée depuis de longs mois, dans l’attente d’une décision définitive de ce pays d’Afrique de l'est. Son seul tort, rapporte le média américain CNN, l’écriture d’un poème, partagé sur les réseaux sociaux, qui décrit d’une manière crue la naissance du président en place depuis 1986, Yoweri Museveni, et évoquant notamment le vagin de sa mère. Un texte qui a pour but de dénoncer le régime autoritaire mis en place par ce dernier.
Ancien guérillero, Yoweri Museveni, âgé de 74 ans, s'accroche au pouvoir depuis 1986: la Constitution a été récemment modifiée pour supprimer la limite d'âge pour briguer la présidence, l'autorisant ainsi à se présenter pour un sixième mandat en 2021.
"Yoweri, ils disent que c'était ton anniversaire hier. Quelle journée horrible à célébrer […]
Je voudrais que la décharge infecte brun sale inondant la chatte de ta mère t'ait étouffé à mort / Qu'elle t'ait étouffé tout comme tu nous étouffes avec l'oppression, l'interdiction et la répression", peut-on notamment lire.
Un texte engagé de la part de celle qui est connue depuis des années dans les milieux féministes ougandais comme étant l’une des plus grandes opposantes au régime en place. Récemment, devant un tribunal, Stella Nyanzi a expliqué le pourquoi de tels écrits: "Sauf si vous agrippez fort et que vous serrez fort, ils n'écoutent pas", détaille-t-elle.
Procès à charge
A ce stade du procès, le gouvernement l’accuse de "cyber harcèlement et de communication offensante." Si sa défense demande une libération immédiate, la justice semble bien décidée à pousser le plus loin possible. Récemment, près de 20 personnes ont été appelées à la barre afin de témoigner contre elle. Parmi eux, le président lui-même.
La provocation et l’utilisation de mots ou expression crues sont, dans ce pays indépendant depuis 1962, une forme artistique pour montrer son désaccord et étaient déjà utilisées au moment de la colonisation britannique. Ces dernières années, d’autres femmes engagées ont d’ailleurs été interpellées pour ce même genre de critiques mais, par la force des choses, se sont rétractées.
Selon un récent rapport d'Amnesty International, l'Ouganda figure en queue de peloton des pays où les libertés individuelles sont le plus respectées. Ainsi, le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion a fait l’objet de restrictions. De plus, le nombre de femmes tuées sur le territoire, "parfois après avoir subi des violences sexuelles", est dernièrement monté en flèche.