Ouattara proclamé vainqueur de la présidentielle ivoirienne

Dans un bureau de vote à Abidjan. L'opposant Alassane Ouattara a remporté le second tour de l'élection présidentielle ivoirienne avec 54,1% des voix aux dépens du président sortant, Laurent Gbagbo, a annoncé jeudi le président de la Commission électorale - -
par David Lewis et Loucoumane Coulibaly
ABIDJAN (Reuters) - L'opposant Alassane Ouattara a remporté le second tour de l'élection présidentielle ivoirienne avec 54,1% des voix aux dépens du président sortant, Laurent Gbagbo, a annoncé jeudi le président de la Commission électorale indépendante (CEI).
Ouattara a aussitôt déclaré aux journalistes qu'il avait l'intention de former un gouvernement d'union nationale qui comprendrait des membres des différents mouvements politiques du pays et de la société civile.
Mais Pascal Affi N'Guessan, directeur de campagne de Laurent Gbagbo, a réagi en affirmant que ces résultats provisoires n'avaient pas de "validité juridique". "On attend la décision du Conseil constitutionnel, donc cette proclamation n'a pas d'intérêt pour nous", a-t-il dit par téléphone à Reuters.
Le camp Gbagbo avait déjà fait savoir qu'il contesterait le résultat en faisant état de fraudes et a demandé au Conseil constitutionnel d'annuler une partie du vote de dimanche.
A la surprise des journalistes, le président de la commission, Youssouf Bakayoko, s'est rendu à l'hôtel d'Abidjan sous protection de l'Onu où Ouattara a établi son QG de campagne et y a annoncé les résultats du scrutin de dimanche. Gbagbo est crédité de 45,9% des suffrages.
"La commission électorale indépendante a transmis au Conseil constitutionnel, conformément à la disposition légale en vigueur, les résultats qu'elle a enregistrés et validés, accompagnés de l'ensemble des procès-verbaux", a-t-il déclaré aux journalistes en précisant que le taux de participation était de 81,09%.
AVERTISSEMENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L'ONU
Des cris de joie ont éclaté parmi les partisans d'Ouattara rassemblés à l'hôtel, devant lesquels stationnaient quelques véhicules blindés de transport de troupes.
Le Conseil de sécurité de l'Onu a prévenu jeudi les parties ivoiriennes qu'il était prêt à prendre des "mesures appropriées" contre quiconque ferait obstacle au processus électoral, a dit l'ambassadrice américaine Susan Rice, qui préside le Conseil.
"Les membres du Conseil de sécurité ont réaffirmé qu'ils étaient prêts à prendre les mesures appropriées contre ceux qui bloquent le processus électoral et, particulièrement, le travail de la CEI", a déclaré Rice à la presse.
La CEI avait tenté sans succès mardi soir de rendre publics les résultats, des membres de la commission pro-Gbagbo ayant déchiré les feuilles de résultats au moment où un porte-parole tentait d'en donner lecture à la presse.
Les résultats provisoires vont être examinés par le Conseil constitutionnel, que les adversaires de Gbagbo ne croient pas neutre parce qu' elle est dirigée par Paul Yao N'Dré, proche allié politique de Gbagbo.
L'élection présidentielle, repoussée depuis 2005, était censée permettre au pays de tourner la page d'une décennie de troubles et de divisions due à une tentative de coup d'Etat contre Gbagbo suivie d'une guerre civile en 2002-2003.
QUATRE PERSONNES TUÉES À ABIDJAN
Un climat tendu règne depuis dimanche à Abidjan. Selon un porte-parole de l'armée, les forces de sécurité ivoiriennes ont tué quatre personnes durant la nuit de mercredi à jeudi dans les locaux abidjanais du parti d'Ouattara en réplique à des tirs. L'opposition a parlé à ce sujet d'attaque non provoquée.
"Les gendarmes sont venus et ont ouvert le feu (...), tuant quatre personnes et en blessant une douzaine", a déclaré Issouf Diomandé, représentant du parti d'Ouattara. De leur côté, des membres du parti de Gbagbo ont dit avoir été attaqués à leur résidence dans le même faubourg par des militants du camp d'Ouattara. Ils ont signalé des blessés parmi eux.
Malgré les pressions exercées par certains gouvernements étrangers, la commission électorale avait laissé passer la date butoir de mercredi minuit sans publier les résultats.
La commission électorale est "forclose depuis minuit, donc il n'y a aucune validité juridique à cette proclamation", a dit Pascal Affi N'Guessan, le directeur de campagne de Gbagbo.
Le parti de Gbagbo a demandé au Conseil constitutionnel d'annuler les résultats dans le nord du pays, où Ouattara a réalisé de bons scores au premier tour, en accusant de fraude à grande échelle les ex-rebelles de la région.
Un porte-parole du Conseil a déclaré qu'il était compétent "pour juger les résultats de l'élection présidentielle" et pouvait de ce fait invalider ceux qui présentent des problèmes.
Laurent Gbagbo avait terminé en tête du premier tour, le 31 octobre, avec 38% des voix contre 32% à Alassane Ouattara, qui a reçu le soutien public de l'ancien président Henri Konan Bédié (25% au premier tour).
Avec Tim Cocks et Ange Aboa; Henri-Pierre André et Philippe Bas-Rabérin pour le service français