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Syrie: les conséquences d'une éventuelle intervention

Une intervention déstabiliserait la région.

Une intervention déstabiliserait la région. - -

Plusieurs Etats occidentaux semblent prêts à intervenir militairement en Syrie. Mais une telle action, en plus d'être limitée, risque de déstabiliser la région.

Les événements semblent s’accélérer. Plusieurs Etats occidentaux, la France en tête, semblent se préparer à une intervention militaire en Syrie. Le pouvoir de Bachar al-Assad est accusé d’avoir utilisé des armes chimiques. Quelles conséquences pour la région ? Quelle réaction aura la Russie? Quelle forme pourrait prendre cette intervention? BFMTV.com fait le point sur la situation.

> Une intervention qui semble inévitable

Les Etats-Unis, par le biais du secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel, se disent "prêts à y aller" si Barack Obama le décide. David Cameron convoque jeudi le Parlement pour un vote "sur la réponse du Royaume-Uni aux attaques à l’arme chimique". Le président de la République, François Hollande, a affirmé quant à lui que "le massacre chimique de Damas ne peut rester sans réponse".

Selon Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, ce "battage politique et médiatique" rend plus que probable une intervention militaire menée par l’Occident contre le pouvoir de Bachar al-Assad.

> Une intervention limitée et incertaine

L’option d’une intervention des troupes au sol est déjà exclue. Les pays favorables à une attaque semblent plutôt pencher en faveur de bombardements ciblés. Les Etats-Unis ont d’ailleurs déployé un quatrième destroyer dans la région. Mais cette hypothèse pose plusieurs problèmes, assure Didier Billion.

Premièrement, les zones de combats se trouvent en zone urbaine: des bombardements pourraient toucher les populations civiles. "Par ailleurs, les Syriens disposent de systèmes de défense anti-aériens russes de dernière génération, si bien que les pilotes d’avions courront de gros risques", assure le docteur en sciences politiques. "Une intervention ne s’étendra pas dans le temps et ne modifiera pas le rapport de force", conclut Didier Billion.

> Les Etats-Unis prudents

La France et le Royaume-Uni semblent décidés à intervenir. La position des Etats-Unis est quant à elle plus floue. John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, a déclaré lundi soir que "les responsables [des attaques chimiques] devraient répondre de leurs actes". La décision finale sera prise par Barack Obama.

Le président américain s’est montré prudent vendredi dernier, lors d’une interview donnée à la chaîne CNN. Le chef d’Etat redoute de voir son pays s'"embourber dans des situations très difficiles". "Avec les exemples de l’Afghanistan et de l’Irak, Obama connaît le danger d’une escalade", explique Didier Billion.

Le président des Etats-Unis est mis sous pression par les républicains et certains démocrates, qui accusent les Etats-Unis de ne pas tenir leur rang, assure le directeur adjoint de l’IRIS. Didier Billion estime par ailleurs qu’Obama est obligé, pour ce "type d’opération", de demander l’autorisation au Congrès américain. Or, note-t-il, celui-ci ne se réunit que la semaine prochaine, ce qui pourrait repousser la date d’une éventuelle attaque.

> L'OTAN divisé

Une intervention militaire, puisqu’elle ne se fera pas avec l’aval du Conseil de sécurité des Nations Unies, sera illégale. L’OTAN pourrait donc prendre en charge l’attaque. Mais les membres de cette alliance ne sont pas tous d’accord sur la conduite à adopter.

"Les Allemands sont plus sur la réserve. Ils semblent privilégier la solution politique, au même titre que certains pays du nord de l’Europe", explique Didier Billion. Selon lui, ils ne devraient être que deux ou trois pays à mener réellement l’attaque, comme lors de l’intervention en Lybie (menée elle sous mandat de l’ONU).

> Pas de réponse militaire de la Russie

En cas d’intervention, la Russie devrait signifier son mécontentement. "C’est une évidence que la Russie ne répondra pas militairement", assure Didier Billion. Mais l’Etat présidé par Vladimir Poutine devrait utiliser des moyens de rétorsion politique: "Sur certains dossiers, Obama sait qu’il a besoin de la Russie, notamment sur celui du bouclier anti-missile en Europe." Les Russes pourront donc réagir de façon diplomatique.

Ils pourront également continuer à supporter indirectement le régime syrien : "La livraison d’armes ne s’est pas arrêtée un seul jour [depuis le début du conflit]", explique le directeur adjoint de l’IRIS.

> Une intervention qui risque de déstabiliser la région

En plus de ne pas être assurée de son succès, une intervention pourrait avoir des conséquences négatives. "Tout d’abord, elle pourrait attiser le zèle militariste du pouvoir d’al-Assad", explique Didier Billion.

Le conflit pourrait également se propager et enflammer le voisin libanais. "Le Liban est le maillon faible de la région et il y existe déjà une fracture politique entre ceux qui soutiennent et ceux qui s’opposent au pouvoir syrien." Le directeur adjoint, qui note une recrudescence des attentats dans le pays, redoute que leur nombre augmente encore en cas de conflit.

Selon lui, Assad a également le pouvoir de nuire fortement en Jordanie, un Etat "faible structurellement" dans lequel les Syriens pourraient "fomenter des attentats". La Jordanie est par ailleurs déstabilisée par l'afflux de réfugiés syriens.

"Si l’on ajoute à cela la situation sécuritaire qui se dégrade en Irak, conclut Didier Billion, on peut affirmer qu’une intervention militaire rajouterait un élément 'dislocateur' à une situation déjà volatile."

Maxence Kagni