Attentats: un ramadan meurtrier pour le monde musulman

Le centre de Bagdad a été ravagé par un attentat à la voiture piégée le 4 juillet. - Sabah Arar - AFP
Daesh avait prévenu: ce mois du ramadan 2016 serait sanglant. L'organisation terroriste a tenu parole, et ses kamikazes déployés en nombre sont parvenus à frapper avec une efficacité meurtrière. L'été 2015 avait déjà été le théâtre de terribles massacres, avec notamment l'attaque d'un hôtel de Sousse, en Tunisie. Cette année, la triple explosion de l'aéroport d'Ankara et, surtout, l'explosion d'un véhicule piégé en plein centre de Bagdad, tuant 250 personnes, ont marqué l'apogée de la terreur. Elles s'ajoutent à l'attaque dans un club LGBT de Floride et l'assassinat d'un couple de fonctionnaires de police à Magnanville, en France qui ont provoqué une émotion planétaire.
Difficile de comptabiliser précisément le nombre d'attentats perpétrés par Daesh, d'autant plus que le groupe ne revendique pas toujours ses actions et qu'il peut s'approprier des attaques qu'il n'a pas commandité.
Le monde musulman, première cible de l'islamisme
A ne retenir que les principaux attentats commis depuis un mois, et les plus meurtriers, on peut dresser une liste de 16 attaques concentrées sur le Moyen-Orient. Et une fois de plus, on ne peut que constater que c'est le monde musulman qui fait le plus les frais de l'islamisme.
Au total, 515 personnes ont perdu la vie dans ces attaques, dont la moitié dans la seule explosion du 3 juillet à Bagdad. Ce sont, pour la plupart, des victimes civiles. Ces attaques portent majoritairement la marque de Daesh, qu'elles aient été revendiquées par le groupe islamiste ou que ce les autorités concernées leur ait attribué l'attentat. Lorsque ce n'est pas Daesh, c'est souvent d'autres groupes islamistes tels que Boko Haram, comme le 17 juin, au Nigeria, où une attaque de village a laissé 18 personnes sans vie.
On peut y ajouter au moins deux attentats qui ont été déjoués en France le 13 juin à Carcassonne et à Bruxelles le 18 juin.
"Ramadan arrive, faites votre jihad"
Pourquoi une telle activité à ce moment précis? Le 22 mai, Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de Daesh, avait lancé un appel au jihad à tous ses militants. Comme il l'avait déjà fait en 2015, il leur a demandé de faire du ramadan un "mois sanglant" pour les pays coalisés contre son organisation:
"Ramadan arrive, faites votre jihad... il n'y a pas d'innocents chez les mécréants."
Le fait de frapper des pays musulmans n'est pas un problème pour le groupe islamiste qui considère comme mécréants tous ceux qui ne suivent pas strictement leur interprétation fanatique de l'islam. Par ailleurs, le 29 juin correspond à l'anniversaire de la proclamation de "l'Etat islamique", en 2014.
Le groupe est en train de perdre du terrain en Irak en et Syrie, et la chute le 26 juin de Falloujah, en Irak, après deux ans d'occupation, est un coup rude. De nombreux spécialistes pensent qu'il a opéré un changement tactique: contrainte de délaisser de vastes territoires, il aurait choisi d'exister partout dans le monde sous la forme d'actions terroristes, des actions particulièrement symboliques et meurtrières.
Un rapport de l'Institute for the Study of War (fichier pdf), cité dans un article par Francetv Info, décrivait en mai de manière presque prophétique le contour de cette multiplication des attaques terroristes:
"L'Etat islamique va mettre en œuvre une stratégie globale avec des campagnes simultanées et centrées autour de quatre cercles géographiques (...). Le premier est son terrain de base : l'Irak, la Syrie, la Jordanie, le Liban, la Palestine, Israël et le Sinaï. Ensuite, les pouvoirs régionaux : l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Egypte. Puis le monde musulman et le monde non-musulman."
Il n'y a pas plus d'attentats pendant le ramadan que le reste du temps
Cité par RFI, le chercheur de l'Institut français d'analyses stratégiques David Rigoulet-Roze explique qu'il existe certaines raisons historiques au fait de multiplier les attentats pendant la période de ramadan:
"Le mois de ramadan n'est pas un mois anodin dans la rhétorique jihadiste. D'abord parce que le fait de tomber en martyr pendant ce mois-là est susceptible de donner un accès plus évident au paradis. Et puis, le mois de ramadan est associé dans l'histoire de l'islam des origines à un certain nombre de batailles, de succès militaires, et il y a donc une prédilection effectivement pour donner au mois de ramadan une ampleur dans la dynamique pro-active de ce type de mouvances extrémistes."
Multiplier les attentats pendant le mois du ramadan n'est pas non plus un phénomène très marqué, c'est plutôt un fait nouveau et propre à Daesh. On peut le constater en observant dans le détail le relevé scrupuleux que l'université du Maryland fait de chaque attaque terroriste, la Global Terrorism Database. Elle fait état, depuis 1960, de plus de 150.000 attaques dans tous les pays du monde. On y trouve par exemple plus de 75.000 attaques à la bombe: c'est la base de données la plus complète à ce sujet.
Le terrorisme, signe d'une époque
En remontant jusqu'à janvier 2000, par exemple, soit 86.311 attaques, on constate que chaque année, les attentats survenus pendant le ramadan représentent une part d'un plus de 8% du total. Cela signifie qu'1/12e des attentats se produisent durant une période qui couvre justement 1/12 de l'année. Pas plus, pas moins, en moyenne, que les autres moments.
La tendance des attentats survenus pendant la période de ramadan est donc, peu ou prou, la même que celle des attaques survenues le reste du temps. Ce qui est plus inquiétant, en revanche, c'est l'augmentation générale des actes terroristes: alors qu'entre 2000 et 2004 le monde subissait de 1.000 à 1.500 attaques chaque année, ce chiffre est passé à 17.447 en 2014. Qu'on le veuille ou non, le terrorisme international est devenu une composante marquante de notre époque.