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Afghanistan

Kaboul: une femme enfile une armure contre le harcèlement de rue

L'actrice afghane Kubra Khademi a endossé une armure et marché dans les rues de Kaboul pour dénoncer le harcèlement sexuel.

L'actrice afghane Kubra Khademi a endossé une armure et marché dans les rues de Kaboul pour dénoncer le harcèlement sexuel. - Capture d'écran Les Observateurs de France 24

Une actrice afghane a marché dans les rues de Kaboul équipée d'une armure, pour dénoncer le harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes en Afghanistan. Mais face à l'hostilité des hommes, sa démarche a tourné court.

Après New York et Bruxelles, c'est au tour d'une habitante de Kaboul de dénoncer le harcèlement de rue qui sévit dans la ville. L'actrice Kubra Khademi a entrepris, le 27 février dernier, de marcher dans les rues de la capitale afghane équipée d'une armure imitant les formes féminines, dans le but de mettre en exergue le harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes en Afghanistan.

Foule hostile

Relayée par les Observateurs de France 24, sa démarche lui a très vite attiré des ennuis, dans une ville où les droits des femmes sont particulièrement réduits. Alors que son expérience, menée dans le quartier de Kote Sangi, le plus fréquenté de Kaboul, devait durer une dizaine de minutes, la jeune femme de 26 ans a dû mettre un terme au bout de huit minutes, tant les hommes qui la suivaient devenaient inquiétants. "Avant de commencer, je m'attendais à ce que je sois poursuivie par une foule hostile et j'ai prié pour ne pas me faire assassiner. Je ne me suis malheureusement pas trompée, des hommes ont vite commencé à me suivre, m'insulter et me lancer des pierres", raconte-t-elle.

Evacuée en taxi

Par précaution, des amis de Kubra Khademi l'avaient suivie pendant sa marche, tout en prenant des photos. Ce sont eux qui ont appelé un taxi pour la jeune femme, quand ils ont vu que la situation commençait à dégénérer. La voiture a été forcée de démarrer en trombe. "Seuls quelques amis et journalistes qui suivaient ma performance ont tenté de s’interposer quand la foule m’a prise à partie. Certains nous donnaient des coups de poing et des coups de pieds. Certaines amies qui m’accompagnaient m’ont dit qu’elles ont subi des attouchements", détaille la jeune femme. 

"L'une des pratiques dont raffolent certains hommes, c'est de pincer les femmes dans la rue. Ils nous pincent tellement fort qu'ils laissent des bleus", explique par ailleurs Kubra Khademi, précisant que les hommes issus de toutes les couches sociales sont concernés. Quant à savoir si le port de la burqa protège les femmes de ce type de comportements, l'actrice est formelle: "même les femmes en burqa sont victimes de harcèlement", assure-t-elle.

Un fléau dont les femmes n'osent pas parler

Une situation quotidienne à Kaboul, et que les femmes n'osent pas dénoncer, y compris auprès de leurs proches. "Le gouvernement ne fait rien et il n'existe aucune structure pour venir en aide aux victimes. Ils n'ont même pas de hotline", déplore Kubra Khademi. "Les familles aussi sont responsables. Une femme qui subit ce genre d'abus n'ose même pas en parler à son père ou à sa mère, sinon c'est la honte et la disgrâce".

Pour l'actrice, il est aujourd'hui nécessaire que les femmes afghanes trouvent la force d'"abattre le mur du silence". "Si je me tais, un jour ma fille sera aussi victime de harcèlement et sa fille aussi. Ma génération doit briser ce cycle infernal".

Face à l'ampleur du fléau du harcèlement sexuel, le président afghan Ashraf Ghani a demandé au gouvernement la mise en place d'un plan de lutte, rappellent les Observateurs, mais aucune loi punitive n'existe pour le moment. Selon un rapport de l'ONG Human Right Watch publié en 2012, 87% des femmes ont déjà été victimes de violence physique, en Afghanistan.

Adrienne Sigel